L’année 2017 a été marquée pour la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur par la poursuite et l’amplification d’une phase de profond renouvellement de ses équipes – en particulier de celle de ses magistrats – qui s’était amorcée en 2016 avec les départs de sa vice-présidente, de cinq conseillers-rapporteurs et d’une vérificatrice et les arrivées d’une nouvelle vice-présidente et de trois conseillers-rapporteurs.
Elle a en effet été rythmée par les retours dans leurs administrations d’origine, les détachements, les mutations ou les départs à la retraite de six autres conseillers-rapporteurs, un président de section, trois vérificatrices et deux agents administratifs et les affectations à Marseille d’une présidente de section, sept conseillers-rapporteurs et trois vérificateurs. Ainsi près de la moitié des vingt-huit postes de magistrat dont est dotée la chambre ont-ils vu leur titulaire changer entre le mois d’avril 2016 et le mois de septembre 2017.
Cet important turnover constitue pour la chambre un défi d’autant plus grand qu’à quelques exceptions près, les nouveaux arrivants ont découvert en la rejoignant l’univers des juridictions financières. Il faut en effet accueillir, former et accompagner les conseillers-rapporteurs et vérificateurs concernés, afin qu’ils s’approprient aussi rapidement et efficacement que possible les procédures, les méthodes, les pratiques et les outils de l’audit et du contrôle.
Il représente aussi et surtout une chance pour la juridiction. Alors que la pertinence et l’utilité des rapports, avis et jugements que produisent les chambres régionales des comptes dépendent en large part de la qualité des instructions que les conseillers-rapporteurs réalisent en tant que rapporteurs et de la précision des délibérés auxquels ils participent en tant que conseillers, cette évolution lui offre en effet l’opportunité de mettre à profit le spectre très étendu des compétences et des expériences que les nouveaux arrivants ont accumulées dans l’exercice des tâches de gestion, d’encadrement, de contrôle ou d’évaluation qui leur étaient dévolues dans leurs administrations d’origine, pour renouveler ses pratiques et ses réflexions.
Leur apport est particulièrement utile alors que, comme ses homologues, la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur a commencé en 2017 à exercer plusieurs missions et attributions nouvelles auxquelles elle s’était préparée en 2016 : l’expérimentation de la certification des comptes locaux, la faculté de contrôler les comptes et la gestion des établissements sociaux et médico- sociaux et des établissements de santé privés bénéficiant de financements publics, le suivi des actions mises en œuvre par les collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre contrôlés par la chambre à la suite des observations et recommandations formulées par la juridiction.
Le rapport d’activité rend compte des conditions dans lesquelles, dans ce contexte particulier, la chambre a continué en 2017 à exercer les trois missions qui lui sont dévolues de juger les comptes des comptables publics, examiner la gestion des ordonnateurs et apporter aux représentants de l’État son concours dans le contrôle des actes budgétaires des organismes relevant de sa compétence, tout en s’efforçant de participer par ses contrôles à la réalisation d’enquêtes associant la Cour des comptes et le réseau des chambres régionales des comptes sur des politiques ou actions de politiques publiques auxquelles contribuent ces organismes.
Louis Vallernaud
Le jugement des comptes
Le jugement des comptes des comptables publics constitue l’activité originelle de la Cour et des chambres régionales des comptes, qui leur confère le statut de juridictions et vaut à leurs membres celui de magistrats. En 2017 comme les années précédentes, les membres de la chambre y ont consacré un peu plus du quart de leur temps de travail.
Au sein d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public local, l’ordonnateur – c’est-à-dire, suivant les cas, le maire, le président du conseil départemental, le président du conseil régional … – ordonne les recettes et les dépenses autorisées par le budget de l’organisme. Cependant, il n’a pas le pouvoir de mettre en œuvre lui-même les décisions correspondantes : c’est au comptable public, et à lui seul, qu’il revient d’effectuer les opérations relatives au maniement des deniers publics, tant en recettes (encaissement et recouvrement) qu’en dépenses (décaissement).
Ce principe fondamental de séparation des fonctions des ordonnateurs et des comptables a pour corollaire que le contrôle par la chambre régionale des comptes des actes des premiers est distinct de celui des seconds. Les productions qui en résultent sont également différenciées : l’examen de la gestion des ordonnateurs débouche sur des rapports d’observations, le contrôle juridictionnel des comptes des comptables sur des ordonnances et des jugements.
Le contrôle juridictionnel des comptes consiste à vérifier que les opérations qui y sont décrites ont été exécutées par le comptable conformément à ses obligations. Si tel est bien le cas, la chambre régionale des comptes le décharge de sa gestion par la voie d’une ordonnance. Dans le cas contraire, sauf dans l’hypothèse où les circonstances de la force majeure sont réunies, la chambre prononce un jugement par lequel elle met en jeu sa responsabilité personnelle et pécuniaire, de deux manières selon que le manquement du comptable à ses obligations a ou non causé un préjudice financier à l’organisme auprès duquel il exerce ses fonctions.
Si le manquement a suscité un préjudice, la chambre constitue le comptable en débet, c’est-à-dire qu’elle lui demande de reverser dans la caisse publique le montant des dépenses qu’il a payées dans des conditions irrégulières ou d’y verser celui des recettes qui, du fait de son inaction, n’ont pas été recouvrées. Elle peut également demander au comptable de compenser par un versement dans la caisse publique une perte de fonds ou de valeurs ou l’indemnisation d’un tiers intervenue de son fait, mais ces cas sont plus rares.
Si le manquement du comptable n’a pas suscité de préjudice financier, la chambre peut demander au comptable de verser dans la caisse publique une somme dont, dans la limite d’un plafond prévue par la loi, elle fixe le montant en fonction des circonstances dans lesquelles le manquement est intervenu.
Dans la première hypothèse (le manquement du comptable a suscité un préjudice financier à l’organisme auprès duquel il exerce ses fonctions), le comptable peut demander au ministre chargé des comptes publics remise gracieuse du débet prononcé à son encontre. La loi prévoit que cette remise ne peut être totale que si le comptable a respecté les règles de contrôle sélectif des dépenses (contrôle hiérarchisé*3 ou contrôle partenarial*4) qui s’imposaient à lui, sous réserve de l’appréciation formulée sur ce point par le juge des comptes. En revanche, les sommes prononcées par le juge des comptes dans la seconde hypothèse (le manquement du comptable n’a pas suscité de préjudice financier à l’organisme auprès duquel il exerce ses fonctions) ne sont pas susceptibles de remise gracieuse et sont donc qualifiées de « non rémissibles ».
Aucun débet ou somme non rémissible ne peut être prononcé sans que le procureur financier exerçant les fonctions du ministère public près la chambre ait préalablement produit un réquisitoire identifiant les charges (c’est-à-dire les présomptions de manquements) pesant sur la gestion du comptable au cours des exercices examinés. La chambre statue après analyse des réponses produites à ce réquisitoire et aux questions du magistrat instructeur par le comptable concerné et organisation d’une audience publique au cours de laquelle celui-ci peut, s’il le souhaite, faire valoir des observations orales à l’appui de ses réponses écrites.
En 2017, l’activité juridictionnelle de la chambre s’est traduite par la production de 148 ordonnances et 44 jugements, par lesquels la juridiction a prononcé 100 débets d’un montant total de 3,2 M€ et 23 sommes non rémissibles d’un montant total de près de 2 400 euros.
En matière non contentieuse, l’activité de la chambre a continué à progresser par rapport aux deux années précédentes, au cours desquelles elle avait produit 93 et 128 ordonnances respectivement. En matière contentieuse, l’année 2017 s’analyse comme une période de consolidation par rapport à l’année 2016, au cours de laquelle la chambre avait rendu 67 jugements (39 en 2015) qui avaient abouti au prononcé de 76 débets (53 en 2015) pour un montant total de 1,4 M€ (1,1 M€ en 2015) et 35 sommes non rémissibles (28 en 2015) pour un montant total de 7 500 euros (4 400 euros en 2015), ainsi que 13 amendes pour retard dans la production des comptes pour un montant total de près de 2 300 euros.
La nette diminution du nombre de réquisitoires, passé de 52 en 2016 à 33 en 2017, après la forte hausse constatée au cours des trois années qui ont suivi la refondation de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics par la loi de finances rectificatives pour 2011 du 28 décembre 20115 (25 réquisitoires en 2013, 33 en 2014, 68en 2015), montre que cette phase de consolidation devrait être suivie en 2018 d’une décrue de la production juridictionnelle contentieuse de la chambre.
Cette évolution est cohérente avec l’objectif que la CRC de Provence-Alpes-Côte d’Azur s’assigne d’assumer sa mission dans ce domaine pleinement mais de manière raisonnée et raisonnable et avec le souci de faire œuvre de pédagogie à l’égard de la communauté régionale des comptables publics.
2017 en quelques chiffres
148 Ordonnances
23 Sommes non rémissibles
100 Débets
3,2 M€ Montant total des débets
44 Jugements
2 400 € Montant total des sommes non rémissibles
Il reste une question !
Quand la Chambre Régionale des Comptes met en lumière des faits délictueux, comme cela a été le cas dans le rapport définitif concernant le SITTOMAT (mais ce n’est pas le seul dans le Var), comment expliquer qu’aucune suite n’a été donnée? La Chambre Régionale des Comptes n’a pas saisi la justice, pas plus que le Procureur de la République, ni même le Préfet du Département.
Ce qui peut laisser croire, peut être à tort, que tout ça ne sert à pas grand chose si les auteurs de faits délictueux ne sont pas poursuivis sous prétexte qu’ils sont en cols blancs.
Laurent di Gennaro
3 Le contrôle hiérarchisé de la dépense consiste à proportionner les contrôles exercés par le comptable aux risques et aux enjeux en en modulant le moment, le champ et l’intensité.
4 Le contrôle partenarial de la dépense consiste à définir d’un commun accord entre le comptable public et l’ordonnateur les sujets qui font l’objet d’un contrôle exhaustif et les autres pour lesquels le contrôle est moins intensif.