Covid-19 et vaccins: le point de vue d’un virologue mondialement reconnu

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Le Professeur Robert Gallo (Baltimore, USA) co-découvreur du VIH et fondateur du GVN (Global Virus Network) nous donne ses analyses sur la pandémie actuelle.

Vaccinés contre la Covid-19 et quand même infectés par le virus
C’est une situation que nous sommes à même de rencontrer plus fréquemment maintenant que la vaccination s’élargit.

On sait qu’aucun vaccin n’est efficace à 100%. Par exemple le vaccin contre la grippe a une efficacité de 60 à 70% selon les années. Concernant la Covid-19 et son agent responsable le SARS-Cov2, les vaccins à ARN messager, Pfizer ou Moderna, ont une efficacité allant de 92 à 95% selon les populations.

Mais ce n’est pas de ces échecs de la vaccination (30-40% pour la grippe, 5-8% pour les vaccins à ARN messager anti-Covid) dont nous voulons essayer de parler aujourd’hui.

C’est des cas de personnes vaccinées contre la Covid-19, avec des anticorps détectables, chez lesquels on peut ponctuellement isoler par PCR naso-pharyngée le SARS-Cov2.

Cela avait déjà été évoqué au début du développement des vaccins à ARN messager: ils protègent contre la maladie mais pas contre l’infection. Ce qui est déjà beaucoup, notamment concernant les formes graves.

Nous n’avions pas initialement de données sur le « portage » du virus de façon asymptomatique car les PCR n’étaient effectuées qu’en cas de signes cliniques. Seul l’essai avec le vaccin Astra-Zeneca avait cela, et les résultats n’étaient pas mirobolants: le portage asymptomatique du SARS-Cov2 était identique chez les patients vaccinés ou non pour le variant alpha (britanique) et significativement plus faible chez les vaccinés par rapport aux non vaccinés chez les pauci-symptomatiques.

Néanmoins, il a été démontré que les personnes vaccinées par un ARNm finissaient par développer une immunité muqueuse par la présence d’IgA à ce niveau (les Immunoglobulines A sont les anticorps des muqueuses, notamment respiratoires).

Avec les vaccins à ARN messager c’est la première fois que l’on protège plus de la maladie que de l’infection. Néanmoins le taux d’anticorps induit par n’importe quel vaccin contre la Covid-19 ne dure pas plus de 6 à 9 mois, ce qui va nécessiter des rappels réguliers. Et si le virus mute beaucoup, il va falloir adapter ces vaccins, ce qui est plus facile pour un vaccin à ARN messager que pour un vaccin à vecteur viral comme les autres vaccins sur le marché.

Rappelons ce qu’est un vaccin à ARN messager. Le SARS-Cov-2 est un virus à ARN, comme le VIH. Mais dans le cas de vaccins à ARN messager, ce n’est pas le matériel génétique complet du virus que l’on inocule mais son messager, codant pour la protéine « spike », incapable de s’intégrer dans les cellules de notre noyau: un ARN messager n’en a pas la capacité.

Mais, me direz-vous, le VIH, virus à ARN, y arrive bien. Arrêtons là les amalgames: d’abord, ce qui s’intègre dans le noyau de nos cellules après une infection à VIH c’est de l’ADN: le VIH apporte avec lui une enzyme, la Transcriptase Inverse, qui transforme l’ARN viral en ADN, et, encore plus vicieux, il apporte une autre enzyme, l’Intégrase qui permet au VIH de rester quiescent, voire de s’exprimer depuis nos chromosomes: le cheval de Troie par excellence.

Pour le SARS-Cov-2, c’est à la fois différent et tout autant délétère: c’est là que viennent jouer les échappements vaccinaux à venir…

Tout récemment des données provenant des Centers for Disease Control (CDC) l’organisme américain de référence sur les épidémies, lui ont fait déclarer que le variant delta était aussi contagieux que la varicelle, la grippe et Ebola. De quoi ré-instaurer le masque à l’intérieur aux USA où il avait été aboli.

Mais d’autres variants plus résistants aux vaccins arrivent
Il s’agit avant tout du variant Lambda, responsable de 80% des infections au Pérou et déjà présent dans une trentaine de pays dont le Royaume Uni. D’après une étude réalisée au Chili ce variant serait beaucoup plus résistant aux vaccins.

Jusqu’à présent tous les vaccins disponibles se sont attachés à faire produire des anticorps contre la protéine de surface « spike » du coronavirus. Si l’adaptation des vaccins à ARN messager ne suffisait pas à contenir les variants à venir, il faudrait développer d’autres types de vaccins, ne ciblant pas que la protéine spike. Il faudrait aussi mieux comprendre comment stimuler la réponse cellulaire (les lymphocytes T) contre le virus.

Rappelons enfin que si ces variants émergent c’est que la circulation virale reste élevée. Si tous les pays du monde avaient eu en même temps un fort taux de vaccination il est probable que la pandémie se serait éteinte car même si les vaccinés peuvent être infectés par le virus, il est probable que leur charge virale soit faible, limitant fortement la transmission.

L’homme est le seul responsable
Avec le réchauffement planétaire, des insectes migrent du sud au nord.

Avec la déforestation, des animaux changent d’habitat, de type de nourriture, et entrent en contact avec l’homme dont ils étaient éloignés auparavant.

Tandis que ces phénomènes s’accélèrent, nous devons nous attendre à être surpris par d’autres pandémies dans l’avenir.

Docteur Alain LAFEUILLADE,
spécialiste en Médecine Interne et Infectiologie.

Propos recueillis par le Docteur Alain Lafeuillade, spécialiste en Médecine Interne et Infectiologie, ancien chef de service des hôpitaux de Toulon, maintenant installé en libéral à La Valette du Var.
Il est à l’origine de deux congrès : l’ISHEID, consacré au VIH et aux infections émergeantes, et le workshop sur la persistance du VIH sous traitement, consacré aux techniques d’éradication du virus. Il est également Professeur associé de l’Université du Maryland (USA).

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