Une histoire de bit et de pixel… King of kong : a Fistful of quarters[1]

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Le mois dernier, nous laissions notre histoire du jeu vidéo en 1971, date à laquelle la jeune société Atari damnait le pion à la société Magnovox dans l’exploitation d’un système vidéoludique. Oui, à cette époque-là, on s’encombrait assez peu avec des concepts comme la propriété intellectuelle. Et c’est pas plus mal, car ce coup audacieux marque le début de « l’ère de l’arcade », une période qui s’étendra sur 20 ans environs avec un véritable âge d’or dans les années 80-90 et un déclin progressif depuis. Sortez la petite monnaie, il va nous falloir des crédits !

Et Atari commercialisa le jeu vidéo
Nolan Bushnell, ingénieur de formation mais entrepreneur dans l’âme décide de faire rentrer dans les salles d’arcade le jeu vidéo en 1971 en travaillant sur une adaptation de Spacewar ! qu’il nomme Computer Space. Hélas pour lui, c’est un échec commercial et il n’en produira que 1500 exemplaires[2]. Mais à cœur vaillant rien d’impossible et Nolan n’est pas du genre à se laisser abattre : il fonde avec Ted Dabney la petite société Atari et lors d’une démonstration de l’Odyssey de Magnavox, il se prend d’intérêt pour le jeu de ping-pong qu’elle propose. Il n’en faudra pas plus pour qu’Atari développe son propre jeu de ping-pong : Pong.

A la fin septembre 1972, on installe la borne de Pong au Andy Capp’s Tavern, un bar californien. Deux semaines plus tard, le patron de l’établissement se plaint de la borne, prétextant qu’elle ne fonctionne plus. En réalité, le compartiment prévu pour recueillir les pièces des joueurs est plein à craquer. Fort de ce succès, Atari lance la production de bornes Pong et en écoulera 35 000 unités.

105981-jeu-video-game-story-grand-palais                                                              La légendaire « Borne Jaune » de Pon

Malgré cet énorme succès, Nolan Bushnell aurait précisé, des années plus tard : « Je n’ai pas inventé les jeux vidéo. Ils ont été inventés sur des ordinateurs à 7 millions de dollars. Moi, je n’ai fait que les commercialiser »[3]. Quoi qu’il en soit, Atari vient de sonner le début de la colonisation des salles d’arcade par le jeu vidéo et donne ainsi au tout jeune média la visibilité qui lui permettra de devenir un jour l’industrie culturelle, économique et technologique qu’il est. Mais en ce temps-là, c’était une chose dont on n’osait même pas rêver.

La salle d’arcade, l’antichambre du gaming
Pong ayant donné le top départ, beaucoup se sont engouffrés dans la brèche et en ce temps-là, le plagiat n’était pas une affaire aussi sérieuse que maintenant et en seulement quelques semaines, le jeu d’Atari voyait naître des clones illégitimes. En effet, à cette époque les bornes fonctionnaient grâce à des systèmes électroniques très simples et faciles à copier. C’est probablement cette faible durée de vie des produits originaux qui poussa Atari et les autres compagnies à développer de plus en plus de jeux et surtout, de plus en plus vite tout en complexifiant dès que possible les technologies utilisées pour limiter les copies. Dès le début de son existence, on peut dire que le jeu vidéo a participé à l’émulation technologique et créative.

La salle d’arcade devient donc le haut lieu de la convivialité vidéoludique et de la créativité, les développeurs se permettant toutes les fantaisies avec des bornes proposant parfois des volants, des pédales et autres joyeusetés. Qui plus est, à travers son caractère social, la salle d’arcade a cristallisé dans l’esprit des joueurs l’essence d’une époque et d’une manière de jouer : le scoring et le hardcore gaming sont nés dans les salles d’arcade. Aujourd’hui encore, malgré leur déclin évident, les bornes d’arcade ont toujours une très forte aura de sympathie auprès des 25-30 ans, cette population de joueurs qui a connu l’arcade à la fin de son âge d’or et qui en garde souvent une certaine nostalgie ; nostalgie qui s’incarne en partie dans le retrogaming. Quant aux raisons de la mort des jeux d’arcade, elles sont nombreuses : un modèle économique qui ne fonctionne plus, des jeux qui ne peuvent plus rivaliser avec les productions consoles et PC et, tout simplement, un changement des modes de vie qui fait que le joueur d’aujourd’hui préfère rentrer chez lui pour jouer plutôt que de devoir se rendre à la salle d’arcade du coin.

tekken6_arcade_stick_ps3_1Certains sont si nostalgiques qu’ils investissent dans des pads « à l’ancienne » pour un confort de jeu optimal. Ici un pad façon

Pourtant, les salles d’arcade sont devenues dans l’esprit de beaucoup des portes d’entrée du gaming, des sanctuaires dans lesquels devait passer au moins une fois tout joueur qui se respecte. C’est dans ces salles que beaucoup de joueurs ont dépensé sans compter leurs premiers centimes dans l’espoir de pouvoir rentrer leur initial (souvent en 3 lettres) dans le tableau des high score, c’est encore là-bas que certains ont rencontré des monuments du jeu vidéo : ne dit-on pas que pour jouer à Street Fighter ou Mortal Kombat rien ne remplacera jamais un pad d’arcade[4] ?

Quid des consoles alors ? Même si le jeu sur console de salon apparaît dans les années 1976, il est loin de faire vraiment l’unanimité et il faudra attendre 1984 pour que le salon soit pleinement envahi par les machines de jeux et que les salles d’arcade perdent progressivement de leur superbe dans ce lent déclin qui se poursuit aujourd’hui. Mais de ça, nous en parlerons dans un autre chapitre de notre histoire des jeux vidéo.

Erwin BESNAULT

[1] Si vous ne l’avez pas vu, je recommande ce film, ainsi que le visionnage de l’épisode de la chronique Crossed de Karim Debbache qui lui est dédié trouvable sur YouTube à cette adresse : https://www.youtube.com/watch?v=NaB8JBfE7DY

2 CARIO, Erwan, Start ! La grande histoire des jeux vidéo, Paris, Editions de la Martinière, 2013

3 PALOQUES-BERGES, Camille ; MASUTTI, Christophe, Histoires et cultures du Libre. Des logiciels partagés aux licences échangées, Framasoft, ‘Framabook’, 2013

4 Certains diront même que « tout le monde à son perso sur Street ». Même si ce genre d’affirmation commence à avoir du plomb dans l’aile, elle reste témoin d’une période de transition où l’arcade avait encore quelque chose à offrir.

 

 

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