Dans une région où l’extrême-droite a fait 40,6% au 1er tour des Régionales il y a un an, avec la petite-fille en tête et où la fille, présidente du FN se sent pousser des ailes après la victoire de Trump, on ne peut que constater les convergences entre les deux personnages en effet très proches sur bien des points de leurs programmes respectifs.
Contrairement à ce qu’a déclaré la candidate du FN au 20 h de la 2 dans la foulée des résultats (on ne lui refuse rien) Trump n’a pas fait un triomphe sur lequel il n’y aura plus qu’à surfer pour en tirer les dividendes en France. Loin d’en faut.
Avec 43,6% d’abstentions (41,4% en 2012, soit 101 millions d’électeurs sur 231 millions) Trump perd 1,2 million de voix sur Mitt Roney, candidat républicain en 2012. C’est la candidate démocrate (et je ne défends ni son programme très libéral, ni la candidate impopulaire) qui, elle, en perd 6 millions sur Obama en 2012 ! Elle devance pourtant Trump en nombre de suffrages mais le système électoral lui donne davantage de représentants ! C’est ainsi la….démocratie du « modèle » américain.
Ces résultats traduisent l’ampleur du malaise social et les ravages des politiques libérales menées au pays de la « libre entreprise », du capital érigé en dogme et qui croule sous les dettes : 19 mille milliards de dollars, pratiquement le double qu’en 2008. Ce qui n’empêche pas républicains et démocrates d’entretenir le mythe de la réussite possible pour tous par la sélection naturelle : les meilleurs réussissent, voyez mon empire ! Les autres survivent et n’attendent plus rien du pouvoir en place, quel qu’il soit.
La victoire du milliardaire ultra-libéral, vulgaire et sexiste n’en est pas moins incontestable. Le « rêve » américain, chimère déjà bien écornée, a toutes les chances de se transformer en cauchemar.
Reconnaissons à M. Le Pen d’avoir été la seule dirigeante d’un parti politique français à avoir publiquement soutenu le « bon cheval » dès le début de sa chevauchée et d’avoir été la première à le féliciter avant même que sa victoire eût été certaine !
Qu’il ait insulté les femmes, les Mexicains, « violeurs et voleurs », les Noirs, les Musulmans, l’islam en général, son adversaire…aimablement traitée de « Hillary la crapule…protégée par un système… » qu’il lui ait promis la prison et au peuple une croissance doublée dans une Amérique débarrassée de ses étrangers -il va avoir du travail- qu’il veuille édifier des murs plutôt que des ponts, s’attaquer à la couverture maladie, pourtant imparfaite, pour les très pauvres, les Républicains étant majoritaires à la Chambre et au Sénat…tout cela a rencontré l’approbation du FN émerveillé de tant d’agressivité et de hauteur de vue.
Mais pour les armes il n’y aura aucune restriction, libéralisation totale, foi de Trump ! Le business continue. La COP 21, un handicap pour les entreprises américaines, il va y remédier. Comme le commerce avec les Chinois, une de ses cibles favorites : c’est un protectionniste acharné mais qui a ses limites car Trump qui devient le commandant de la plus grande armée du monde n’a pas l’intention de réduire la voilure. Il veut l’accentuer et continuer à s’inviter chez les autres. Exemple : il veut créer 13 nouveaux bataillons de marine et augmenter sa flotte de guerre de 20%.
Ce n’est qu’un échantillon de son programme ultra-libéral attrape-tout qui parle de s’en prendre au système pour mieux en accentuer les traits les plus autoritaires, les plus conservateurs, les plus malfaisants au plan social, tout en récupérant une partie de ses victimes. Rien de nouveau, ça a bien fonctionné.
Que le FN adhère à cette vision de l’avenir pour la France, voilà qui a de quoi sérieusement inquiéter. En même temps que se trouve éclairé son projet, une fois débarrassé des éléments de langage qui visent à le dédiaboliser, à faire croire aux classes populaires que ce parti d’extrême-droite représente une issue à leurs colères légitimes. Il ne fait qu’exacerber les divisions, les peurs, la haine de l’autre, le repli nationaliste et identitaire, le tout sécuritaire …autant de convergences, en effet, avec Trump dont on comprend pourquoi Mme Le Pen aurait voté pour lui…si elle avait été américaine. Deux imposteurs aux convictions d’un autre âge.
Nous voilà prévenus. Sachons éviter le pire, en France comme ailleurs, il y a urgence. Mais cela ne suffit pas si l’on ne tarit pas la source qui alimente les démagogues dangereux. Si l’on ne sort pas des logiques néo-libérales. A plus forte raison de celles de l’extrême-droite dont on sait où elles ont conduit le monde.
C’est à la cause des inégalités, des reculs sociaux et démocratiques qu’il faut s’attaquer, ce libéralisme – qui porte bien mal son nom- dont les politiques sont en échec partout, en Europe comme aux Etats-Unis où, en se débarassant de Bernie Sanders, les démocrates ont ouvert la boîte de Pandore. Ne les imitons pas.
René Fredon
