Charles Berling met en scène à Châteauvallon des extraits de quelques grands livres d’Hannah Arendt et notamment de son chef d’œuvre les origines du totalitarisme dans un spectacle conçu par Bérengère Warluzel et intitulé Fragments. A suivre, à revoir et à questionner. Une belle occasion de s’interroger sur la pertinence d’une œuvre souvent mal connue malgré sa notoriété.
Hannah Arendt une pensée controversée
Beaucoup d’intellectuels citent cette philosophe, journaliste et sociologue allemande sans bien percevoir l’originalité de sa pensée.
Son œuvre tient en quelques livres très courts. À partir de 1955, Hannah Arendt donne dans diverses universités américaines des séries de conférences qu’elle regroupera en petits opuscules tels que : La Crise de la culture (1958), La Condition de l’homme moderne (1958), Essai sur la révolution (1963).
Jusqu’à sa mort en 1975, Hannah Arendt sera professeure à la New School for Social Research de New York. Son dernier livre, resté inachevé, La Vie de l’esprit, est publié de façon posthume en 1978.
Dans son livre Le Système totalitaire, Hannah Arendt conceptualise définitivement le « totalitarisme », système politique qui exerce un contrôle total sur les individus et sur les activités sociales. Elle propose une hypothèse en partie exacte : le libéralisme, le capitalisme, la consommation sans frein sont des formes de fascisme. Du soft fascisme.
Coca cola et Hitler même condamnation.
Contrairement à ce que l’on entend souvent dire, elle n’a eu qu’un succès relatif aux Etats Unis à cause de ses idées anticapitalistes.
Le capitalisme financier qui uniformise les peuples est, selon elle, une forme de totalitarisme car la mondialisation de l’économie élimine les singularités et nivelle les consciences au profit d’une masse de consommateurs anesthésiés.
Les historiens et chercheurs ont nuancé depuis cette hypothèse un peu radicale et journalistique. Pourtant elle avait bien vu le lien qui existe entre le consumérisme et la propagande totalitaire.
Le libéralisme origine du totalitarisme
Coca Cola, Mac Do, les séries télé, c’est du soft fascisme en puissance. Et ça fait autant de dégâts sur les consciences et le sens critique des individus. Pourquoi ? Parce que ça empêche de penser librement et surtout de résister à la pensée unique. Consomme et tais-toi ! Les hommes gavés de gadgets sont mûrs pour toutes les banalisations du mal.
Et lorsqu’elle a rendu-compte du Procès Eichmann en Israël, en 1963, elle a horrifié les associations de survivants des camps en démontrant que le bourreau était un homme commun, sans haine personnelle, qui a simplement bénéficié de l’anesthésie morale de tout le peuple allemand, décébré par la propagande, qu’elle compare au matraquage publicitaire du capitalisme triomphant américain…La banalité du mal.
Une rencontre intéressante.
Fragments est un spectacle qui a eu un certain succès en Avignon-off et il tourne maintenant en divers théâtres. Il sera présenté pendant 5 jours du 18 au 22 octobre aux studios du Baou de Châteauvallon par Bérangère Warluzel dans une mise en scène de Charles Berling. Le spectacle sera suivi d’une rencontre. Infos et réservations :
https://www.chateauvallon-liberte.fr/evenement/fragments/#reserver
Espérons que le public viendra très nombreux pour poser les bonnes questions. Par exemple que penserait actuellement Hannah Arendt de la guerre en Ukraine ? ou mieux encore, quels liens existent-ils entre la crise mondiale que nous vivons et l’absence de mobilisation des consciences ?
Si comme le disait Marx le libéralisme économique épuise les hommes et la nature, on pourrait ajouter avec Hannah Arendt qu’il anesthésie les consciences et facilite la montée des totalitarismes politiques. Taisez-vous ! Restez scotchés sur les smartphones ou devant la télé, il n’y a rien à voir !
Jean François Principiano