Européennes 2019
RN : pédale douce sur l’Europe et haro sur les migrants
Une nouvelle tête, Jordan Bardella, a été choisie pour conduire la liste RN aux Européennes sous l’aile bienveillante et active de la présidente qui ne cache pas son ambition de devancer LREM le 26 mai prochain. Macron se positionne en rempart du danger populiste et désigne son adversaire privilégié qui n’en demande pas tant.
Marine Le Pen ne dira pas « merci Macron », pas plus que papa n’avait dit, publiquement, « merci Tonton » à François Mitterrand qui l’avait reçu à l’Élysée et donné une suite favorable à sa demande d’accès aux médias publics, à l’époque où sa formation d’extrême-droite était peu influente mais utile au président pour diviser la droite et conserver plus facilement le pouvoir. Il fit deux septennats. Le FN en profita et se montra encore plus critique que la droite, il était légitimé et amorçait sa progression.
Il n’est pas inutile de rappeler que dès 1974, le FN était lui aussi pro-européen… par anti-communisme. Dans son programme présidentiel, JM Le Pen écrivait : »il est évident que la menace soviétique rend illusoire une défense française isolée et peu crédible une coalitions disparate… » À la veille de Maastricht en 1992, son programme proposait « d’adapter notre économie à l’échéance européenne par une réduction des charges fiscales et sociales qui pénalisent les entreprises françaises face à leurs concurrents étrangers… » Du libéralisme pur jus.
Il était aussi pour une monnaie unique européenne, pour une défense commune tout en fustigeant les migrations « qui menacent la civilisation occidentale ». Il avait appelé à voter NON au traité de Maastricht et, à partir de 1995, il changeait de position dénonçant « la technostructure de Bruxelles et le mondialisme ». Il demandait le retour au franc tout en concédant une monnaie commune (et non unique). Il dépassait Jospin à la présidentielle de 2002, perdant contre Chirac au second tour.
C’est cette ligne qu’a repris sa fille Marine Le Pen, lors de ses deux campagnes présidentielles en 2012 et 2017, ne faisant plus de la sortie de l’euro un préalable pour des raisons électorales mais sans y renoncer vraiment. Pas plus que le RN ne parle de Frexit, conscient de l’impact négatif que cela pourrait avoir. Cette question du retrait de la sortie de l’euro avait provoqué de nombreux départs de cadres de l’ex-FN.
Le RN compte bien, à travers notamment la question des migrants et l’exploitation des peurs qu’il agite, grignoter encore des voix de droite essentiellement, sensibles à la xénophobie qu’il instille. Et donc peser d’autant plus fort que la droite est affaiblie, divisée et que les partis d’extrême-droite récupèrent une partie des colères populaires générées par les politiques libérales d’austérité !
Depuis que la campagne est lancée le RN minore ce changement de stratégie au centre de sa campagne européenne et auquel tenait sa recrue, Thierry Mariani, ancien ministre de Sarkozy, en position éligible sur la liste du RN qui met le projecteur sur « l’urgence de retrouver la maîtrise de nos frontières » pour bloquer l’accueil des migrants.
Un sens de la solidarité très… particulier qui fait des migrants non pas des victimes des guerres et de leurs destructions, des dictatures, du changement climatique…mais des coupables, des importuns qui viennent accroître nos dépenses sociales au détriment des Français.es ! Des envahisseurs, quoi ? La solution du RN : repoussons-les de « chez nous »!
Initiative récente (1): une pétition du RN contre l’agrément donné à l’association « SOS-Méditerranée » pour intervenir dans les écoles en faveur des migrants entassés dans des embarcations de fortune qui échouent trop souvent avant d’atteindre un port. Le RN accuse l’association de « complice des passeurs » et « qui déverse sa propagande » au mépris « de la neutralité de l’école » !!!
Le récent carnage en Nouvelle Zélande qui a fait 49 morts et des dizaines de blessés, perpétré par Bretton Tarrant, fasciste et raciste assumé, a bien été condamné par Marine Le Pen. Elle a osé dire qu’elle n’était pas au courant de la théorie du « grand remplacement« ? De qui se moque-t-elle ? (2) Elle n’arrête pas de parler de « submersion » des migrants, comme en septembre 2018 à Fréjus où elle parlait de notre société « qui organise une submersion irréversible et d’une ampleur non maîtrisable qui, à terme, fera disparaître, par dilution ou par substitution, sa culture et son mode de vie… »
Ce concept, revendiqué par le meurtrier se référant à la France, est très courant à l’extrême-droite depuis la fin du XIX è siècle. Récemment, un de ses théoriciens connus, Renaud Camus, en a fait le titre d’un ouvrage publié en 2011. Mme Le Pen ne saurait bien entendu, l’ignorer.
Autre exemple : le 14-3-19, invitée de France 2, elle n’a rien trouvé de mieux à dire sur la situation en Algérie qu’à proposer « que le gouvernement français veille à ne pas être submergé par les flux possibles de migrants algériens choisissant la France« …au nom du principe de précaution !
Elle a aussi rappelé qu’elle n’était pas contre les riches… pas non plus favorable à l’augmentation du SMIC, « ce qui aggraverait la situation des petites et moyennes entreprises… » justifie-t-elle, oubliant de préciser que ce sont les grandes qui l’applaudissent. Pas leurs salariés.es. Elle ne fait que détourner la colère sociale des véritables causes qui la produisent. Comme n’importe quel tenant du libéralisme !
Les uns, comme Macron, sont pour le fédéralisme en Europe, une Europe-forteresse avec un gouvernement supra-national, estimant mieux servir les intérêts privés dominant les peuples.
Les autres comme le RN et ses satellites, préconisant le retour aux nations repliées derrière leurs frontières mais toujours favorables à l’exploitation capitaliste, sans la libre circulation des personnes, surtout si elles viennent du Maghreb, d’Afrique et d’autres continents, de cultures, de religions, d’ethnies différentes !
Des nations ainsi fragilisées, soumises à la domination du dollar et à la « protection » de l’OTAN sous direction américaine, qui se considère en guerre économique et stratégique avec le reste du monde en train de s’affranchir de sa tutelle militaire, monétaire et politique.
Trump n’est-il pas le modèle de protectionnisme qui a les faveurs du RN ? Pas de quoi être rassurés !
René Fredon
(1) https://rassemblementnational.fr/pas-de-propagande-pro-migrants-dans-nos-ecoles/
(2) https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/03/15/la-theorie-du-grand-remplacement-de-l-ecrivain-renaud-camus-aux-attentats-en-nouvelle-zelande_5436843_4355770.html