« Nous sommes tous fautifs, nous ne nous sommes  pas assez battus ! »

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Docteur Vincent Carret

La parole publique que nous confère nos instances à travers l’Amuf est devenue rare et mesurée surtout en périodes de crises. Elle doit néanmoins aussi être courageuse et vraie en toutes circonstances. Elle l’a été souvent, très souvent, parfois trop !

Les combats menés et assumés depuis vingt cinq et passés au révélateur de la crise Sanitaire du Covid-19 nous confortent dans la juste appréciation de nos alertes et inquiétudes quant aux conséquences des politiques de Santé de « folie » menées depuis plus de trente ans . Le constat en est aujourd’hui rendu public et aux yeux de tous  alors qu’il ne fallait pas voir et se taire.

Pour avoir toujours suivi une ligne directrice, « Servir » et rester investi au service de l’intérêt général et de nos populations, nous sommes restés cohérents et lucides. Cette colonne vertébrale de l’Amuf a toujours été respectée et ce malgré les obstacles et pressions en tout genre, souvent dans une profonde solitude, elle est aussi notre fierté.

Beaucoup se sont tus et ont préféré se mettre au service du silence.
Combien de silences et de non réponses à nos alertes et signalements face à des situations jugées graves pour nos malades et nos équipes ? Combien de renoncements, de manque de courage, de cynisme, de mépris, voire de lâchetés parfois pour se cacher et se protéger derrière les services d’Urgences qui assumaient seuls les conséquences de ces politiques de santé ?. «  Responsables de rien et protégés de tout », écrivait Alain Peyrefitte dans « le mal français » en 1976 au sujet de ces élites qui se cachent et qui refusent d’assumer !

De tous ces combats et de ces observations de nos élites et instances depuis plus de vingt ans restera un questionnement.

Comment des esprits intelligents, talentueux, brillants, clairvoyants et responsables, qui en comité restreint parviennent à dénoncer nos politiques de Santé et hospitalières dites des « injonctions contradictoires  permanentes » peuvent-ils s’imposer des règles bien en-deçà de leurs valeurs et de ce qu’ils sont ?  Comment et pourquoi les voir accepter le silence imposé et dicté ? Comment rester aux ordres et contre ordres, sans rien dire, surtout quand nous parvenons au bilan et aux résultats actuels pour notre Santé ?

Combien savaient et disaient que ça allait craquer ?
Comment avoir accepté qu’un ministère aussi important au vu des enjeux de société que celui de la Santé et de la Solidarité soit volontairement affaibli par BERCY et en permanence attaqué comme nous l’indique Marc PAYET dans « le Ministère des bras cassés» ?

Comment ne pas avoir voulu et su mettre nos élus législateurs qui font la loi et les projections des politiques de Santé plus en phase avec les réalités, c’est-à-dire leurs responsabilités pour répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens dans un domaine où la confiance envers tous ne pouvait être trahie ?

À ne pas avoir voulu affronter ces enjeux et ces défis pour protéger chacun dans son coin ses intérêts personnels et professionnels, nous avons menti, nous nous sommes tous mentis.

Au plus haut niveau de l’état tous en appellent à l’exemplarité et à la responsabilité individuelle et collective en cherchant par tous les moyens à s’en exonérer à titre personnel. Comment alors les croire, comment avoir confiance en la parole publique et politique qui est devenue aujourd’hui le défi majeur de notre époque ?

Ils ne sont pas les seuls à devoir s’interroger. Comment toutes et tous parmi nous avons-nous pu glisser vers une société d’indifférence à l’autre et du chacun pour soi tel que nous le voyons au quotidien en matière de soins lors de nos consultations sans imaginer un jour qu’il n’y aurait pas un retour de boomerang des plus douloureux ?

Le retour de « boomerang » annoncé est là, violent, très violent quand on assiste aux parcours de soins et aux difficultés à prendre en charge nos patients ville et hôpital confondus.

L’exemple de la faillite de nos politiques de Santé envers nos Aînés ( et le scandale du dossier ORPEA révélé par le livre « Les fossoyeurs » ) et le renoncement d’un projet de loi en faveur de la dépendance à la hauteur de la situation pour nos Anciens devaient être un signal fort pour secouer et réveiller les consciences, en vain ! Le dossier des Urgences pédiatriques et de notre Pédiatrie en pénurie de lits et de personnels soignants confrontés à l’épidémie de bronchiolite vient de confirmer le niveau de renoncement et de déclassement d’un pays, sixième puissance économique au monde, qui se ment et qui ment à ses concitoyens.

Comment accepter de nos ARS que les blocs chirurgicaux de nos hôpitaux qui remplissaient leurs missions au service de nos populations et de nos territoires dans un passé pas si lointain n’y parviennent plus sauf à devoir subir les délais d’attente ( ou de transfert pour cause de fermeture) sans reconnaitre que les politiques de Santé menées nous ont conduit à la faute, en chirurgie comme dans de trop nombreuses spécialités aujourd’hui difficilement accessibles ?

De ces renoncements de tous, de ces démissions, de ces lâchetés individuelles et collectives, de ces mauvais choix et erreurs aujourd’hui reconnues ( Cf « les regrets des six Ex ministres de la Santé » / Le Monde Août 2022 )  il en résulte l’état de notre système de Santé et la situation de crise qui durera.

«  Nous avons les politiques que nous méritons » écrit Chloé MORIN, nous avons et nous aurons la Santé que nous méritons, toutes et tous, pour ne pas avoir su la défendre ni la sanctuariser.

Au quotidien beaucoup se lamentent aujourd’hui et se réveillent sur la violente de la situation. Ils sanctionnent et « dégagent » par les Urnes leurs élus qui les ont trahis ou s’en prennent aux soignants. ll fallait se réveiller avant, ce n’est pas faute d’avoir alerté en responsabilité, toujours et sans relâche depuis des années !

Où étaient-ils tous dans ces combats qui auraient du mobiliser les foules au-delà d’une minorité investie pour leur bien le plus précieux, leur Santé, la Santé de tous ? Ailleurs, «  Avant ça ne me concernait pas ! » est la réponse trop souvent entendue !

Parce que le temps des crises durera, parce qu’elles sont venues perturber et contrarier le plan des politiques néolibérales de la rentabilité et du profit en matière de soins « valeurs marchandes » et pour longtemps, il va falloir repenser ce nouveau monde dit du « post Covid » et revoir les vieux logiciels qui nous ont conduit dans le mur.

Reconstruire un système de Santé avec des logiciels adaptés aux crises actuelles et celles qui arrivent parce qu’elles vont arriver comme l’indique à nos Chefs d’états le rapport prospectif de la CIA pour 2020-2040 , « vers un monde de plus en plus contesté et violent » et parce que tous savent maintenant que ces crises s’anticipent et se projettent.

Il sera difficile dès lors de poursuivre dans des visions court-termistes qui continueraient à ne pas nous y préparer parce la Santé est et sera de plus en plus en première ligne et au front pour les assumer « avec ou sans loi ou règlement qui imposerait une obligation particulière de prudence et de sécurité » comme vient d’annoncer la cours de Cassation au secours de l’ex Ministre de la Santé ….et au secours des autres.

Voulons-nous nous préparer à affronter ce monde qui arrive et réarmer notre Santé ?

C’est la question que nous devons tous nous poser maintenant.
C’est le choix de société qui se présente .

Dr Vincent CARRET
Amuf VAR

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