Commission d’enquête parlementaire sur les Services d’Urgences de France

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Docteur Vincent Carret

Bon courage !
Une commission d’enquête parlementaire, encore une, pourquoi pas mais pour quoi faire?

Une demande de commission d’enquête parlementaire sur les Services d’Urgences de France conduit à nous interroger sur l’efficacité de toutes celles réalisées par le passé y compris de l’utilité des innombrables rapports, audits, plans, et autres, au vu de la situation présente.

Ils ( nos députés ) ont été alertés, ils savaient, ils ont continué !

Comment croire et espérer en l’efficacité d’une commission parlementaire qui reviendrait à mettre en cause et demander des comptes à des élus législateurs et parlementaires des mandatures précédentes qui écrivent la loi et à l’origine des politiques de Santé actuelles, du désarmement de nos hôpitaux et de nos services et des drames actuels ?

Une commission d’enquête en plein délire et folie des politiques de Santé menées depuis trente ans qui voit l’hôpital de Guingamp en Bretagne devoir faire appel à des médecins Cubains risque de n’être au final qu’un plan de COM et ne jamais répondre aux drames soulevés ni mettre à l’ordre du jour aucune responsabilité ni aucun compte à rendre au titre des politiques menées et imposées à nos concitoyens!

Cette initiative de quelques députés dont Damien MAUDET du groupe LFI semble bien isolée au risque de devoir rendre des comptes devant la nation c’est une évidence, mais surtout elle ravive face aux drames qui auraient dû être évités la hantise de l’oubli à l’image des 170 000 morts du Covid-19 qui comme tous nos combats passés ont fini par être effacés de la mémoire collective.

Une commission d’enquête parlementaire à laquelle nos équipes se devront de répondre, Toulon et le VAR depuis plus de vingt ans font partie des « observatoires » en médecine d’Urgences de France, les projecteurs y ont souvent fixé l’actualité en Médecine d’Urgence,  ce qu’il s’y passe est destiné  à se reproduire ailleurs et plus tard au niveau national.

Le Ministre délégué à la Santé, Fréderic VALLETOUX, vient de répondre à cette demande émise   suite aux nombreux drames survenus au sein des services d’Urgences de France et précise à juste titre : « La problématique des services d’Urgences dépasse largement le seul cadre des Urgences, elle est une problématique de tout le système de Santé dans sa globalité et d’une responsabilité collective ». Ce constat objectif et vrai est partagé par tous depuis trop longtemps.

Les Urgences ne sont que l’effet « Iceberg » et visible d’un système parvenu à la rupture et dénoncé en tant que tel par plusieurs rapports dont celui du Sénat en Septembre 2017. Rien n’a changé depuis ce constat, c’est même pire qu’avant !

Les drames actuels qui endeuillent les familles et frappent nos équipes sont et étaient inévitables dans un système identifié à la rupture et en limite de fonctionnement permanent qui tient aujourd’hui que par le renfort de mesures « dégradées », de « tri », de refus et de réorientation des malades ou de fermeture de services, du jamais vu ! Tout le monde le sait depuis longtemps.

Tout le monde savait, tout le monde voyait, tout le monde se taisait, alors que tout le monde aurait dû réagir à la hauteur des enjeux et des alertes de terrain pour que ces drames n’arrivent jamais.

Les services d’Urgences « seule soupape de sécurité et de soins accessibles h 24 aux demandes de soins et de misères sociales » ont été abandonnés depuis longtemps. on leur demande de tout porter et de tout assumer, ils ne le peuvent plus.

Les Services d’Urgences sont mis à la faute depuis des années , les Urgentistes le crient et le hurlent à qui voulait les entendre. Ils doivent assumer et porter toujours et encore toutes les démissions, les renoncements et les transferts de responsabilités, tant vis-à-vis de l’Amont que de l’Aval hospitalier, et continuent à être mis devant le fait accompli, face aux drames annoncés on réagira au dernier moment au pied du mur. Les Urgences restent toujours la variable d’ajustement de tous. « Aller travailler à la mine » est dans le jargon hospitalier le terme consacré aux Urgences et résume une réalité exposée au grand jour.

Notre système de Santé à travers ses Urgences est à la rupture et en crise, les drames récents en expriment le stade ultime atteint.

Cette crise s’exprime tous les jours et est devenue permanente à travers les pressions et tensions qui y sont concentrées et centralisées par une volonté des politiques de Santé dites d’hôpital « à flux tendus » et de la rentabilité,  sans capacité de réserves et en limite de réponses aux demandes des malades qui éprouvent de plus en plus de mal à accéder aux soins.

La solitude et l’abandon des services d’Urgences et des Urgentistes sont admis et rentrés anormalement dans l’ordre des choses et ne choquent plus personne. Les visions court termistes qui ont été incapables d’anticiper et de préparer le pays aux enjeux actuels ne choquent également plus personne tout comme l’absence de culture de gestion de crises face à une crise permanente et continue.

« Les Urgences sont l’affaire de tous et de la responsabilité de tous » est le rappel de bon sens fait par le nouveau Ministre d’État.

À cette commission d’enquête qui nous sollicitera nous exposerons des situations de gardes qui font la vraie vie et qui nous conduisent à réaliser des prouesses pour soigner.

Les profils de patients qui arrivent aux Urgences et n’y trouvent plus les réponses attendues ont changé. Ils sont devenus plus complexes parce que plus âgés et en retard de prise en charge pour un accès aux médecins et spécialistes hors délais raisonnables, atteints de pathologies chroniques et multiples qui aggravent leurs situations ils sont mis en files d’attente de lits d’hospitalisation pour les recevoir  plusieurs heures aux Urgences.

Tous justifient des heures au téléphone de négociations pour leur trouver un lit et combien de temps perdu et sacrifié auprès des autres malades en attente de soins. Ils sont les PPNV ( ou plus personne n’en veut ! ) , peu rentables dans les visions de la marchandisation des soins car occupant plusieurs jours les lits d’hospitalisations ou en perte d’autonomie et en souffrance d’orientations en l’absence de politique du grand âge et de la dépendance, sans compter ceux qui sont orientés aux Urgences pour venir mourir.  Les Urgences qui dans la logique et par définition sont là pour soigner et sauver des vies sont aujourd’hui la destination des fins de vie sans que cela ne puisse heurter les esprits et les consciences !

Venir mourir aux Urgences en plein débat des soins palliatifs et des conditions de soins en fin de vie est aujourd’hui une mission attribuée aux Services d‘Urgences de France.

Nous présenterons également le cas de ce jeune de 20 ans au diagnostic inconnu et qui occupera pour lui tout seul un médecin Urgentiste pendant plus de cinq heures ( et huit spécialistes sollicités ) et donc hors disponibilité pour les autres patients en attente. La polyvalence et la coordination des soins attribuées aux Urgences par confort et démission du plus grand nombre contre l’hyper-spécialité médicale où chacun reste dans son couloir de nage car incompétent en sortie de son seul domaine est aussi l’objet de dérives qui s’accentuent et augmentent l’effet d’ attente et d’orientations des malades sur nos brancards couloirs.

Les drames visibles aux Urgences et qui font la « Une » des médias sont de fait de la responsabilité de tous  et d’un dysfonctionnement de tout notre système de Santé qui depuis trop longtemps s’est déchargé et continue à se défausser sur ces services , là est le regard honnête et pragmatique du nouveau Ministre délégué à la Santé qui interroge l’ensemble des élus législateurs sur les limites de cette demande de commission d’enquête réservée au seul système d’Urgence de France.

Cette demande d’une minorité d’élus sur la sollicitation des familles endeuillées est plus que légitime et fondée mais risque de ne pas pouvoir apporter les réponses souhaitées pour que de telles drames ne se reproduisent plus, le retard pris malgré les trop nombreuses alertes et signalements des Urgentistes depuis trop longtemps a eu raison de leurs combats qui tous ont sombré dans l’oubli.

Se défausser sur les « lampistes » est le risque et le danger que craignent les familles, par lucidité nous savons tous que le mal est profond et que rien ne changera si on ne s’y attaque pas un jour, cette volonté de s’attaquer aux racines du mal est la raison pour laquelle toutes ces familles  croient et espèrent encore en leurs élus législateurs sollicités.

Puisse l’avenir donner aux familles plus de poids et de force que nous dans nos combats perdus face à nos députés et la représentation nationale, combats qui ont été menés dans une certaine indifférence générale.

Parce que ces morts et ces mémoires nous obligent et pour toujours , nous validons et défendrons cette démarche de la part de députés devant la représentation nationale et y participerons dans un devoir de transparence et de vérité.

Dr Vincent CARRET
AMUF

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