Ils sont morts de nos combats perdus !  

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« Assez de morts ! » publie l’AMUF ce 5 février 2024 qui avec SUDF ( Samu Urgence de France ) se joignent face à ce drame de société et les alertes de terrain qui se poursuivent.

Nos vies sont au service de nos concitoyens, pour soigner, pour sauver pas pour tuer !

Le lynchage médiatique et les « UNES » des médias l’ignorent, les drames des morts des Services d’Urgences en France sont des drames pour tous, surtout pour celles et ceux qui au sein de nos équipes se battent depuis des années pour les éviter.

Ils sont les morts de « nos combats perdus » ou des combats qui n’ont pas été menés par toutes et tous. Devant les tombes des nôtres et de nos Aînés les plus chers, nous demandons pardon de ne pas avoir été plus insistants et plus sévères envers des décisions et choix de société qui ont conduit à la situation sanitaire qui est la nôtre aujourd’hui.

Certains médias se déchaînent , ils n’informent plus, ils jugent avant les juges et condamnent. Le « tribunal médiatique » est sans pitié, sans état d’âme.

Les nombreuses couvertures médiatiques de ces drames s’inscrivent, certes, dans l’évolution de notre société actuelle et la rupture des « digues » que nous observons partout, Il n’y a plus de filtre, plus de recul ni d’analyse sur le fond, seule l’immédiateté et la violence des faits sont « accrocheurs » et semblent justifier à être portés en tant que vérité au-delà de tout.

« Laissez faire la justice, ne jetez plus l’opprobre sur l’ensemble de nos équipes qui ne le méritent pas et arrêtez de rajouter du drame aux drames ! » les familles endeuillées elles-mêmes ne le veulent pas.

Durant des années nous avons pu apprécier le professionnalisme, la rigueur et la maîtrise sur le fond des sujets de Santé abordés avec certains journalistes référents. Une information objective et la plus juste possible qui faisait bouger les lignes et remettait en cause les systèmes, une information qui  était utile à tous.

Les temps changent. Les lignes éditorialistes ont évolué. De cette information sur le fond et respectueuse de tous nous assistons à une évolution visiblement influencée par le « Buzz » et ses logiciels et les pressions des réseaux sociaux qui dictent et imposent tout jusqu’à la couverture des drames humains.

Ces drames au regard de la situation des Services d’Urgences de France que nous ne cessons de dénoncer et pour lesquels nous nous battons depuis des années n’épargnent personne et peuvent concerner tous les services d’Urgences de France et tous les Urgentistes de France, nous le redoutons au quotidien et le savons tous, un sentiment d’impuissance dans la parfaite maîtrise des flux est notre réalité.

Soigner au sein des Services d’Urgences de France est devenu un combat , un combat de plus en plus difficile à mener. Beaucoup y ont laissé leurs vies, leur santé, d’autres renoncent et partent, leurs services ferment.  Ce n’était pas et ce n’est pas la volonté des familles endeuillées qui veulent comprendre, tout comprendre, pas la tête ni la mort des Urgentistes.

Travailler au sein des services d’Urgences est dicté par une règle, celle de l’humilité.

Faire un diagnostic n’est pas toujours simple et la sagesse de l’expérience nous confirme chaque jour qu’aucun malade ne ressemble à un autre et que certaines pathologies ou complications qui sont rarement « livresques » peuvent nous piéger à chaque instant.

Pour soigner et bien soigner, il faut du temps. Du temps pour écouter, observer et examiner.  Ce temps précieux dans les politiques « d’abattage » à travers nos flux n’est plus permis ni autorisé sous la pression des files d’attente et le mécontentement général qui nous poussent tous et toutes à la faute.

Combien d’alertes, combien de tribunes, combien de rapports , combien de lettres ouvertes en responsabilité à nos élus législateurs qui dénoncent la rupture atteinte au sein des services d’Urgences de France ( Dont celui du Sénat de Septembre 2017 ), combien de signalements à notre Ministère et nos instances, voire même nos Procureurs de la République, en vain , les Services d’Urgences mis dans le « Rouge » continuent à être mis dans le rouge et à la faute au vu et su de tous. Ils le seront encore pour longtemps.

Dans une société devenue individualiste et indifférente à l’autre , qui hurle sur les équipes soignantes des Urgences seules pour pallier à tout parce que ça ne va pas assez vite et qui nous répond au quotidien qu’ avant , le cancer de l’autre , le polytraumatisé, le jeune en détresse psychologique ou la personne âgée fracturée en attente sur un brancard  «  ça ne les concernait pas ! », ces combats sont de plus en plus difficiles à mener pour celles et ceux qui les acceptent encore.

« On nous a demandé de la production de soins et de la rentabilité au lit du malade » dénonce depuis toujours le Dr Patrick PELLOUX Président de l’AMUF interrogé sur les drames en série aux Urgences ( 2 Février 2024), on en perçoit tous le bilan aujourd’hui.

Le «  Monstre » est tout puissant, il écrase tout et emporte tout sur son passage. Il n’a pas d’affect, pas d’éthique, pas de morale, pas d’humanité, que des intérêts. Il a emporté tous nos combats et emportera tous nos drames.

Le malade est devenu « rentabilité », « valeur marchande » qui doit rapporter, les Soignants des pions insignifiants que l’on déplace et que l’on remplace. La déshumanisation est le constat partagé par tous.

« Comment le CHU de Bordeaux est-il parvenu à broyer ses Urgentistes » est le titre choc et violent de la « Une » de Médiapart de Mai 2022 ! Il résume tout !

Nous ne reconnaissons plus nos hôpitaux et notre système de Santé, ils étaient reconnus et enviés à travers le monde, « ils ont tout détruit ! ». Ils, Droite et Gauche réunis, les mêmes, tous à genoux, tous alliés et responsables ont participé à son déclassement et son désarmement et à ces drames dont ils s’affranchissent !

La loi HPST de Roselyne BACHELOT et du gouvernement SARKOZY, loi dite « Hôpital entreprise du beau malade qui rapporte » ou «  Hôpital à flux tendus , sans capacité de réserve, en tension et pression permanente donc en crise continue » a fait beaucoup de mal à notre système de santé et nos populations . Personne ne s’en est remis !

« Il fallait arrêter les conneries depuis longtemps, partout ! » écrit dans ses tribunes Loik Lefloch Prigent au sujet d’EDF, de la santé, l’école, l’agriculture, la sécurité, ces drames nous le confirment aujourd’hui !

La justice est saisie de tous ces dossiers, elle saura établir les circonstances exactes du déroulement des événements et des responsabilités éventuelles, c’est son rôle, et c’est bien.

De cette société « violente » et  déshumanisée telle qu’exprimée par ces tribunes, il nous faut craindre l’effet inverse des leçons à attendre , celle de voir renoncer et abandonner de plus en plus de Soignants traumatisés car condamnés plus par le tribunal médiatique que par notre justice.

Les leçons du Covid-19 et ses 170 000 morts qui n’auront servi à rien participent à la poursuite de ces drames. «  C’est pire qu’avant » avouera sur le front des Urgences durant l’été 2023 l’ex Ministre de la Santé, Agnès BUZYN.

Puisse l’avenir laisser la justice faire son travail et éviter aux médias de condamner à l’avance devant l’opinion publique nos équipes en les détruisant un peu plus encore ce dont elles n’ont pas besoin et surtout de mettre fin à la longue liste de nos combats perdus et oubliés comme tous les drames précédents et ces morts indus et évitables dénoncés par nos représentants de SUDF ( Samu et Urgences de France)  et l’AMUF.

 

Dr Vincent CARRET
AMUF

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