L’Appel des «4000» et de tous au Président pour la Pédiatrie

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Tout un symbole !
Se battre pour la Pédiatrie, en France, sixième puissance économique au monde !

Dr Vincent Carret

«Des enfants quotidiennement en danger!» dans une lettre choc publiée vendredi dernier dans le Parisien ou « L’Appel des 4000» au Président de la République pour la Pédiatrie, l’alerte encore une est lancée.

Que tout le monde face très attention à la tribune du Week-end dernier parue au niveau national.

Pour ne plus faire confiance à personne, 4000 Médecins et Soignants de France dans le secteur de la Pédiatrie sur fond d’épidémie de bronchiolite en appellent directement au Président de la République et à personne d’autre. Exit le ministre de la Santé, exit les ARS, exit les Ministres et le 49.3, exit les élus qui votent les PLFSS (Projet de loi de Financement de la Sécurité Sociale) ou plans d’économies et de financements à la baisse et donc les pénuries de soignants depuis 30 ans !

Ils somment le chef de l’État d’intervenir sans tarder. «Notre objectif n’est pas d’affoler la population mais de réclamer au vu de la situation une réponse politique immédiate et forte»

4000 Soignants dénoncent «Le naufrage» des services de Pédiatrie et «les ratés des gouvernements successifs», écrit le Canard enchainé ce Mercredi 26 Octobre 2022.

Le titre donne le ton : «Santé des enfants : l’inaction politique est irresponsable, nous sommes contraints de trier nos patients par manque de place » peut on y lire.

Ils ne sont pas n’importe qui. Ils sont les patrons, les Chefs de services d’Urgences Pédiatriques et de Réanimations Pédiatriques au sein de nos plus gros services référents de France, ils sont les acteurs de terrain les plus investis et responsables au contact des réalités dans un des domaines des plus sensibles. Leur colère gronde et se propage, seuls, trop seuls dans une indifférence qui choque ! Une solitude qui touche même les combats à mener pour parvenir à soigner les enfants !

Se battre pour soigner les enfants, en France ! Surréaliste, impensable. À se demander et à s’inquiéter de ce que nous sommes devenus !?

Une colère exacerbée par les plans COM et autres stratégies de minimisation habituelle employées pour ne pas regarder en face la dure réalité des choses surtout quand elles atteignent maintenant le  secteur le plus sensible de notre Santé, les enfants, nos enfants.

Ce qui est écrit concerne l’ensemble de nos territoires et annonce notre quotidien pour les mois prochains.

«Transférer des enfants par la route à 300 klm de leur prise en charge initiale par manque de lits de Réanimation et durant des heures en trajets SMUR, hospitalisation en des lieux inadaptés, reports d’interventions programmées, sorties prématurées pour faire des places, l’absence d’infirmières en Pédiatrie dans tous les secteurs, des enfants instables pris en charge dans des couloirs sur des brancards» «On n’avait jamais vu ça !» dénonce Stéphane DAUGER patron de la Réanimation pédiatrique de l’hôpital Robert DEBRÉ un des fleurons de la spécialité en France. «Le tri a ses limites, quand on a trois bébés qui s’étouffent en même temps, lequel doit on choisir ?» rajoutent ses équipes !

Ils poursuivent : «À l’hôpital Robert DEBRÉ les greffes de moelle osseuse pour les enfants sont à l’arrêt depuis des mois pour une partie des enfants malades, par manque d’infirmières on fait 30 % de greffes en moins».

En 35 ans de carrière hospitalière le Professeur Hervé CHAMBOST chef de service d’Hémato-Oncologie du CHU La Timone n’a lui non plus jamais vu ça : «la semaine prochaine des chimiothérapies devront être décalées pour des enfants, on n’a pas assez de personnel, ceux attendus lundi ne pourront être pris en charge que jeudi» !

La Provence titre ce jour : «Bronchiolite : l’épidémie de trop ! La mise sous tension du secteur pédiatrique d’un hôpital public déjà massacré par la crise du Covid». «La Timone en Réanimation Pédiatrique : fuite des Infirmières, opérations reportées, un service de pointe à bout de souffle»

Pour calmer les « râleurs » une enveloppe de 150 millions d’euros pour tous les services en tension et une annonce (encore une !) non plus « une Mission flash » mais «des Assises de la Pédiatrie» organisée au printemps 2023 ! Une réponse « irresponsable » pour ces 4000 spécialistes de la Pédiatrie signataires rejoints ces jours ci par des centaines d’acteurs et d’Associations d’enfants malades et de leurs familles … Et de plus en plus de citoyens.

Attendre le printemps quand l’automne alerte déjà sur le front des épidémies banales et habituelles et met un système en grande difficulté en Octobre !

De cette réalité dépendent des questions et encore une fois un manque d’anticipation de la pensée politique et de sa capacité à se projeter y compris pour un domaine où l’on ne devrait jamais devoir s’inquiéter ni douter.

Ces questions sont pourtant nombreuses, elles nous responsabilisent et nous interrogent tous:

Quid de la démographie des médecins Pédiatres en France sur nos territoires à l’hôpital et en ville quand plus de 70% sont âgés de plus de 50 ans ? La relève a t-elle été pensée et assurée dans nos facultés et nos sorties d’Internat classant pour les spécialités ? Quid des Urgences Pédiatriques et de leur dimensionnement restreint et centralisé à venir sur nos territoires ? Quid des consultations avancées en Pédiatrie Générale au sein même des Urgences pour décharger la filière hospitalière? Quid de la Chirurgie Pédiatrique hors CHU? Quid de nos SMUR Pédiatriques Régionaux et de leur capacité à intervenir et couvrir nos territoires en Régions? Quid de la néonatologie domaine si particulier et pointu et la relève par ses futures équipes? Quid de la Réanimation pédiatrique et de ses capacités à pouvoir affronter des situations dites exceptionnelles? Quid de la psychiatrie infanto-juvénile quand on assiste à son état de souffrance actuelle? Quid du maillage territorial des Pédiatres dans les déserts médicaux?

Au titre des responsabilités partagées ne pas oublier aussi un fait de société. Quid du découragement et de l’abandon des jeunes médecins Pédiatres (dont beaucoup de jeunes femmes) malmenées par des parents impatients d’attendre et de plus en plus violents envers les équipes?

Comment rendre attractif un secteur en tension et en pression continue lui aussi sanctionné par ses politiques de contraintes budgétaires et voué à la perte de sens vécue et ressentie par une grande partie des Soignants?

Combien de questions restent aujourd’hui dans l’incertitude à venir pour ne pas avoir été planifiées ni réfléchies et soumises tant aux injonctions des politiques d’économies et de restrictions que des changements sociétaux de paradigmes?

La Pédiatrie et ses différents domaines sont des spécialités à part entière des plus exigeantes en terme de formation et de compétences. Pour y pallier on ne peut s’affranchir des années d’expertises et de pratiques. Les systèmes «D» et autres stratégies de contournement et de bricolage y sont interdites et à risques, nous le savons tous.

Un véritable chantier se présente, il est lui aussi d’ampleur. Une prise de conscience réelle et grave doit être actée et s’inscrire sous la responsabilité de tous. Affronter les réalités et les vérités plutôt que d’entendre dire que «tout est sous contrôle» et éviter les provocations de ceux qui sur le terrain savent de ce qu’il en est sera également une aide précieuse pour les horizons à venir.

Alors que la mortalité infantile des enfants de moins de 1 an augmente en France depuis 10 ans selon l’ INSEE ( Institut National de la Statistique et des Études Économiques) de manière significative voire «inquiétante» et relayée dans une étude du Lancet ( + 7% de mortalité ), interrogeons nous ! Cet indicateur clé mesure la bonne santé d’une population et est un révélateur du développement socio-économique et de la qualité des soins d’un pays.

Cette crise de la Pédiatrie (comme celle de nos Aînés) couve depuis des années. Elle est connue de tous. Personne ne l’a anticipée comme le reste. Comment alors ne pas rejoindre dans un vent de révolte générale, ici plus qu’ailleurs et à juste titre, Marcel GAUCHET Sociologue et Directeur d’études en sciences sociales dans son regard sur nos élites et nos gouvernants.

«Quand on regarde et on observe nos gouvernants au fil du temps face aux enjeux essentiels de notre société,  on se demande s’ils savent vraiment ce qu’ils font !»

Face aux enjeux de la Pédiatrie, domaine essentiel de notre Santé et de nos vies, nous ne pouvons que le rejoindre.

Une société qui sait trouver de « l’argent magique » quand elle le veut, mais qui n’a pas su et ne sait toujours pas investir dans « une volonté magique » pour protéger deux secteurs essentiels de nos vies, nos Aînés et nos Enfants qui ont été oubliés et sacrifiés, est une société qui se meurt.

Au scandale de la marchandisation de nos Anciens assimilés au symbole financier de « l’Or gris » à travers le dossier Orpéa, il risque de se rajouter un autre niveau du délitement de notre société dans sa perte de sens et de valeurs essentielles. La Pédiatrie se profile pour devenir le futur scandale de Santé Publique annoncé lui aussi de longue date.

… Et le 49.3 confisquant tout débat de démocratie sanitaire n’y fera rien, bien au contraire, sauf à engager la responsabilité du gouvernement et des gouvernants devant nous tous, devant «les 4000» et l’ensemble de nos concitoyens.

Responsabilités lourdes à venir surtout quand seul l’Hôpital Public assume en première ligne les  missions d’urgences et de gravité pour la Pédiatrie …

Dr Vincent CARRET
AMUF

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