Détournement de fonds publics et emplois fictifs: un complot? Non, une réalité tenace !
Aujourd’hui François Fillon et Marine Le Pen. Hier, Sarkozy, Chirac, Juppé, Tibéri, Cahuzac, Tapie-Lagarde, Cambadelis, Balkany…pour ne citer que les plus médiatisés.
Les deux premiers, candidats à la Présidence de la République sont sous les feux de l’actualité. Fillon pour l’emploi de sa femme et deux de ses enfants étudiants, comme assistants parlementaires…supposés. Sa femme ayant également été rémunérée pour deux notes de lecture chez un riche éditeur, très proche de son mari ainsi que par le successeur de son mari à la mairie de Sablé-sur-Sarthe.
Au total 900 000 euros de fonds publics perçus par des membres de sa famille pour des missions dont la justice financière cherche la trace. Ce qui crée un épais malaise chez les Français, on le comprend et jusque dans sa famille politique qui commence à se fissurer et à constater le doute qui s’est installé dans l’opinion sur la probité du favori des sondages. Plus des 2/3 pensent qu’il ne devrait pas se présenter, si l’on en croit un sondage du 4/2/17.
Car le candidat Fillon avait bâti sa campagne sur le thème de l’exemplarité, de la crédibilité de la parole publique. Il n’a pas hésité à solliciter le fondateur de la Vè République, lançant à La Villette : » imagine-t-on le général De Gaulle mis en examen ? » Comme si tout soupçon le concernant pouvait l’atteindre. Mais il n’avait pas manqué, pour se démarquer de Sarkozy lors de la primaire, de faire allusion aux affaires en cours qui avaient pesé dans sa défaite en 2012 ! Mais Premier ministre à l’époque, Fillon était au courant de tout mais ne disait rien.
Et puis, patatrac…la statue, encore virtuelle, est déboulonnée, elle n’est plus en équilibre sur son socle, elle devient une menace, un énorme risque pour sa famille politique. Il compte ses fidèles, resserré autour du leader, inattendu certes mais adoubé lors des primaires, donc légitime.
Voilà que le socle présente des failles chaque jour plus visibles. Entendre Pénélope Fillon dire en anglais sa langue maternelle, dans l’émission « Envoyé spécial » du 2-2-17, lors d’une interview de mai 2007 au Sunday Telegraph : « Je n’ai jamais été son assistante ou quoi que ce soit de ce genre-là »…ajoutant qu’elle « ne s’est pas occupée non plus de sa communication », ça sonne durement aux oreilles, même de ceux qui ne veulent pas entendre.
Allez expliquer ça à un peuple exaspéré qui reçoit comme une insulte l’incivisme de ceux qui lui demandent « effort et solidarité » en même temps qu’ils détournent l’argent public pour leurs propres intérêts ! Et ça fait longtemps que ça dure dans notre monarchie républicaine.
Fillon disait avoir le « courage » de s’en prendre au coût du travail, (mais pas à la fiscalité du capital), à la sécurité sociale trop généreuse, aux services publics, à la fin des 35 h, à l’allongement de la retraite…bref encore plus d’austérité, voilà son programme pour « redresser la France » ! Affaiblie par qui, par quoi ?
Il n’est plus crédible. Il est de ceux qui profitent largement du système tout en jouant la comédie du chevalier blanc ! Alors qu’il alimente le « tous pourris », l’abstention, la désespérance, en ouvrant un boulevard au FN.
Car il est une autre candidate, tout autant redoutable parce que son parti prospère grâce aux résultats calamiteux des équipes au pouvoir accrochées depuis des décennies à leurs dogmes libéraux mais passez nationalistes pour l’extrême-droite qui n’a d’yeux que pour Trump.
Marine Le Pen se trouve directement impliquée dans une tout aussi scandaleuse affaire d’emplois fictifs. La somme est assez coquette : 340 000 euros que lui réclame l’assemblée européenne pour avoir financé sa directrice de cabinet à Paris et son garde du corps sur des fonds destinés aux attachés parlementaires des députés européens. Bien entendu, ils n’avaient aucune activité d’attachés ! C’est du détournement de fonds publics pur et simple. Et elle s’en offusque !
D’ailleurs le FN qui tire assez facilement sur tout ce qui bouge, avait été relativement discret depuis les ennuis de Fillon. A vrai dire, il a juste à attendre que les déçus de Fillon se rabattent en partie sur l’extrême-droite, sans avoir à tirer sur l’ambulance.
Car Fillon, avec l’ampleur que prend son affaire alors qu’il se voyait à l’Elysée, lui a fait de l’ombre dans le traitement médiatique, la candidate de l’extrême-droite s’est trouvée moins exposée. Politiquement elle ne s’en plaindra pas. Pourtant, c’est aussi grave sur le fond.
Elle est au même niveau de duplicité que Fillon, il n’y a que le montant du détournement qui change.
Du coup, le soutien au décret de Trump sur l’interdiction (illégale) de laisser entrer sur le sol des Etats-Unis des ressortissants de 7 pays arabes, exprimé par Steeve Briois, le maire d’Hénin-Beaumont et pas démenti par le FN, en dit long sur les modèles et les valeurs qu’ils portent. Briois demande que la France en fasse autant !
En attendant, Marine Le Pen refuse de rembourser la somme extorquée au parlement européen au profit de son parti qui sera retenue chaque mois sur son indemnité. Pour Fillon c’est la justice française qui en décidera. Mais la patronne du FN entend bien se poser en « victime de l’establishement et de ses adversaires prêts à tout pour l’affaiblir. »..c’est bien connu !
C’est tellement facile de crier au complot, à la mauvaise foi de ceux qui les critiquent, qui combattent leurs idées en apportant la preuve de ce qu’ils avancent où en contestant l’ineptie, la dangerosité ou la sincérité de leurs propositions, la portée ou le non-dit de leurs discours, leurs paroles et leurs actes, notamment là où ils exercent le pouvoir, leurs amis d’hier et d’aujourd’hui et leurs références idéologiques à travers le temps.
S’offusquer de cela, n’est-ce pas contester le droit élémentaire et fondamental de chacun à intervenir dans la vie publique pour, justement, ne pas la laisser aux affairistes, aux tricheurs et aux prédicateurs du pire. C’est le b-a ba de la démocratie ? Et on en a un très grand besoin, surtout en ce moment.
René Fredon
