Demander pardon et présenter des excuses plus que des regrets !

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@afp
Docteur Vincent Carret

Ça craque partout !
Les Français sont inquiets pour l’avenir de l’Hôpital selon un sondage Odoxa publié ce jour. Ils sont satisfaits de leurs soignants qu’ils jugent avoir été à la hauteur de la crise sanitaire à 94 % mais jugent sévèrement les gouvernements à hauteur de 30 % des satisfaits!

Nos concitoyens sont lucides et ne sont plus dupes ! Les belles paroles et plans de COM pour endormir les foules et regarder ailleurs ne fonctionnent plus, surtout quand la Santé et l’Hôpital public constituent à leurs yeux un enjeu majeur.

« L’hôpital passera-t-il l’hiver ? »  titrent  dans l’inconnu les « UNES » régionales et nationales . Il va être mis en tension une fois de plus pour devoir assumer et porter le système de Santé durant la période des fêtes à venir. 66% des Français et 95 % des personnels hospitaliers abordent cette période avec inquiétude.

Affronter la menace d’une triple épidémie Covid, bronchiolite et grippe, avec des hôpitaux à bout de souffle qui se préparent encore à devoir gérer les limites d’un système de Santé à genoux est un défi de plus.

Alors que le Président de la République reconnait la « folie » des politiques de santé abandonnées aux lois du marché depuis trente ans, politiques pensées et voulues d’hôpitaux « à flux tendus » sans capacité de réserve, en tension et pression continue donc en crises permanentes,  les principaux intéressés s’interrogent : « Qu’est-ce qu’on aurait dû faire autrement ? »

Ils ont été Ministres de la Santé en France et affichaient des regrets cet été 2022 !

« ILS », ce sont nos six ex-ministres de la Santé qui prennent la parole ( Jean François MATTEI, Xavier BERTRAND, Philippe BAS, Roselyne BACHELOT, Marisol TOURAINE, Agnès BUZYN ) le Samedi 13 Août 2022 dans les colonnes du Monde.

À les lire, on s’attendait à un tout autre niveau de prise de conscience et de mea culpa !

Le présent porte leur bilan, lourd, très lourd de conséquences. Aveuglés par les seules pressions économiques de la rentabilité, des économies, ils ont plié sous le poids de leur ministère et de Bercy qui commandent.

Un vent de panique et de stress continue à souffler en cette année 2022 sur  notre système de Santé. « Quand j’ai demandé à mes équipes de me montrer les courbes de projections démographiques des médecins en 2017,  j’ai paniqué » avoue Agnès BUZYN  «  Nous aurions dû changer la donne parce que là nous allons vivre des années horribles ! »

Il aura fallu un virus et une crise sanitaire pour révéler au grand jour et aux yeux de tous le travail de sape et de déconstruction de notre Santé soumises au diktat de la mondialisation heureuse néolibérale. Une image et un sentiment partagés par tous, Droite et Gauche se sont succédées pour continuer les mêmes politiques et détruire lentement et surement l’hôpital public, détruire « une richesse » celle d’un socle républicain  de solidarité et d’égalité pour tous enviée dans le monde entier et programmée dans une mise à mort quasi certaine pour l’offrir au capital du privé !

Tous ont été sanctionnés avec leur gouvernement respectif pour leur gestion et la mise sous pression de notre système de Santé ! Les dernières élections ont acté ce fossé creusé entre tous, les déserts médicaux que ces politiques ont créés en sont le symbole !

En réponse de ces votes sanctions contre les gouvernants, ils sont Six ex-Ministres qui sous la pression de l’opinion publique en ces temps de crise sanitaire et hospitalière à s’exprimer pour établir un bilan , leur bilan. Tous ont un regard critique et sévère sur les politiques de santé menées depuis trois décennies. Ils le font à minima sur leur propre bilan et se défaussent volontiers sur leurs successeurs !

Tous dans cette tribune du Monde dénoncent la responsabilité de Bercy et un raisonnement technocratique guidé par une logique comptable imposée ! L’humain après le financier !

Ce bilan des six ex-Ministre de la Santé, les Soignants de France en ont fait au fil du temps un inventaire d’une mise à mort pensée et voulue de long terme : «  Les coups de poignards dans le dos de la Santé, des soignants  de l’hôpital public , de nos Aînés et de nos enfants ».

La liste est longue et le résultat final du déclassement de notre système de santé terrible. Ces politiques de Santé de folie soumises aux lois du marché, du rendement, du chiffre contre l’humain et le malade, des économies, des restrictions et d’austérité dictées par Bercy, de l’hôpital entreprise du beau malade qui rapporte en T2a, des brancards couloirs des Urgences par faute de lits d’hospitalisations supprimés et disponibles, des alertes des maternités en grande souffrance, des secteurs pédiatriques et psychiatriques peu rentables, partout des déserts médicaux et des problématiques aggravées de  l’accès aux soins et des consultations sur nos territoires, du confinement d’un pays mis à l’arrêt pour protéger l’hôpital public du chaos, de la pénurie de Soignants qui ont été broyés et qui abandonnent, leur renoncement et la perte de sens de leur mission … Et aujourd’hui du « Tri » des malades et des enfants objets d’une lettre au Président de la République ! «  Monsieur le Président votre silence est assourdissant » ( lettre des 10 000 : Le monde le 1er décembre 2022 )

Tous reconnaissent leur manque de vision et leur vision court-termiste. Rien n’a été anticipé. La pénurie de Soignants, le vieillissement de nos populations et l’évolution des pathologies chroniques, la féminisation des médecins et du monde soignant, l’aspiration des jeunes générations à avoir un équilibre de vie professionnel-vie familiale et la fin du sacerdoce, le changement de paradigmes, non plus « la passion avant la raison » mais « la raison avant la passion », la perte de sens et le découragement unanime des Soignants Public et Privé confondus.

« Protégés de tout et responsables de rien », aucun des six ex-ministres ne semble vouloir assumer les conséquences de ces politiques de Santé menées qui nous conduisent à l’état de notre société et de notre système de soins actuel. Les déserts médicaux en sont tout le symbole de la faillite des pensées politiques de santé et de territoires intimement liées.

Jamais la France dans son principe Républicain de « liberté, égalité, fraternité et de Solidarité » n’a été autant divisée, fracturée, et abîmée . La Santé en est le symbole le plus criant.

Notre colère à leur égard est immense comme celle de nos populations au sein de nos territoires et déserts médicaux partout en France . Il y avait trop de médecins , il fallait pour réduire les dépenses réduire les prescripteurs et donc en 1970 mettre en place le « numerus clausus » dont les effets mortifères perdureront jusqu’en 2040 …

À ce stade des responsabilités où seule un ex-ministre « fusible » pour tous semble être inquiétée et mise en examen par la CJR ( Cour de Justice de la République), Agnès BUZYN, les Français se posent une seule question : Au vu des enjeux et des drames humains issus de ces politiques insouciantes, rendront-ils un jour, toutes et tous, des comptes devant la nation, eux et leur système ?

Cette crise de l’hôpital est une crise de la Démocratie et des fondements mêmes de notre République au service de la protection de tous, de nos libertés, de l’égalité des soins pour tous et de notre principe de fraternité. Elle est une crise des valeurs trahies et bafouées et volontairement fragilisées pour les mettre au service de la finance et des politiques néolibérales contre les hommes.

« Le capital et la finance n’ont pas de morale , que des intérêts ! »

Une société qui n’a pas su et ne sait pas investir pour protéger ses Aînés et ses enfants est une société qui se meurt. Le dossier Orpéa et de la marchandisation de nos Aînés, scandale honteux de « l’Or Gris » et de la non prévoyance des politiques de la dépendance du grand âge, se trouve télescopé aujourd’hui par celui de la Pédiatrie abandonnée et sacrifiée parce que dans cette dérive néolibérale des soins et de la santé «  elle ne rapporte rien ».

Cette voie de la Mondialisation heureuse et son aveuglement ont été démasqués et révélés au grand jour par cette crise sanitaire du Covid et de toutes les crises sanitaires qui s’enchaînent.

De ces bilans, des leçons tirées, de ces fautes, de ces erreurs et des drames humains et de l’annonce d’un monde de crises à venir non préparées, il en ressort une période de profonds bouleversements et de changement de paradigmes . Seul un devoir de courage et de responsabilités devant les leçons tirées de ces crises permettra d’envisager un retour de la confiance perdue en nos gouvernants.

Cette responsabilité reconnue et assumée de nos élites en matière de santé est attendue par tous les Soignants de France sur l’ensemble de nos territoires et par tous parce que plus personne n’est dupe !

Un préalable à cette obligation de confiance à retrouver entre tous est de demander pardon et de présenter ses excuses à ses populations pour avoir voté contre eux , contre leurs soignants, contre le système de Santé, contre le bien commun que sont les hôpitaux publics, contre les malades, contre la confiance trahie des électeurs.

Il faut le dire et le redire, La Santé, les déserts médicaux, la faillite de la pensée politique de court-termisme sanitaire ont pesé lourdement dans les dernières élections et pèseront davantage encore.

Il n’y avait pas d’argent « magique » pour la Santé mais il y en avait qui coulait à flot pour les cabinets de Conseils privés qui dictaient les politiques de Santé hospitalières, celles des budgets d’austérité et de restrictions en personnels, celles des politiques à flux tendus sans réserves, la fermeture des lits, notamment en Réanimation et en Pédiatrie.

Tous les jours je demande pardon et m’excuse devant nos malades et leurs familles en lieu et place de ceux qui devraient le faire.

Aucun mea-culpa, aucune auto critique, aucun courage de la part de ce monde politique devant les Français, dont acte ! sauf à continuer jour après jour au-delà de l’abstention à voir se creuser de plus en plus ce gouffre démocratique et ce rapport de confiance indispensable qui devrait nous lier avec ces gouvernants et nous rassembler.

Demander pardon et présenter ses excuses plus que des regrets comme l’a fait courageusement devant son peuple Allemand Angela Merkel parce que nos 160 000  morts du Covid et la souffrance des Soignants de France le justifient.

Nos nourrissons en attentent de lits de Réanimation aujourd’hui aussi plus que tout .

Dr Vincent CARRET
AMUF

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