Une histoire de bit et de pixel… Nucléaire et jeu vidéo

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Le jeu vidéo a bien évolué depuis ses débuts et tient désormais une place importante dans notre paysage culturel et économique. L’univers vidéoludique est devenu un monde d’occasions et de portes ouvertes : les écoles se multiplient, les moyens de jouer sont de plus en plus nombreux et même le gouvernement a enfin commencé à comprendre qu’il pouvait être intéressant d’investir dans ce secteur[1].

Mais comment en est-on arrivé là ? D’où vient le jeu vidéo ? Comment sommes-nous passé de Pong et de Pac-Man à The Order 1886 ou The Witcher 3 ? C’est ce que nous allons tâcher de découvrir ensemble dans cette article (et probablement quelques autres) en nous intéressant à toute cette histoire de bit et de pixel. C’est parti.

Naissance en labo

1er jeu vidéoSi d’aventure vous demandez à un gamer de vous donner le nom du tout premier jeu vidéo, il y a fort à parier qu’il vous réponde Pong. Et il aura tort. Si l’antique simulateur de ping-pong est effectivement considéré comme le premier jeu vidéo « grand public », il est en réalité l’héritier d’une période beaucoup moins connue considérée comme étant la « préhistoire du jeu vidéo » par les connaisseurs. Cette préhistoire commence en 1958 dans un laboratoire fortement marqué par le monde militaire : le laboratoire national de Brookhaven à Upton dans l’Etat de New-York.

C’est là-bas que le physicien William Higinbotham décide de créer un petit jeu sur un oscilloscope afin de divertir le public lors de la journée porte ouverte organisée par l’établissement afin de redorer son blason (en pleine guerre froide, les instituts spécialisés dans la recherche nucléaire n’avaient pas le vent en poupe). Le programme, constitué d’un trait horizontal pour figurer le sol, d’une barre verticale pour le filet et d’un point représentant une balle sera baptisé par son créateur Tennis for two et rencontrera un énorme succès, les visiteurs voulant tous s’essayer à la première simulation de tennis virtuel. Malgré le succès de son invention – qui conduira le laboratoire à en faire une « attraction » récurrente de ses journées portes ouvertes – Higinbotham n’en déposera pas le brevet, jugeant qu’elle n’apportait rien au système de calcul utilisé. Un sacré manque de flair.

D’autres chercheurs et ingénieurs vont, à la même période, s’intéresser de plus en plus à ce principe du jeu vidéo (qui n’est pas encore nommé ainsi) et on verra, dans les laboratoires, l’apparition soit de jeux, soit d’ingénieurs bien décidés à exploiter ce filon balbutiant et qui en deviendront les premiers grands noms. C’est notamment au sein du célèbre MIT qu’un certain Steve Russel codera le jeu Spacewar ![2] conçu pour tourner sur les ordinateurs PDP-1. Le jeu est tellement apprécié que la plupart des labos et des universités équipées d’un PDP-1 s’en voit offrir une version. Sa popularité auprès des étudiants en informatique en fait pour ainsi dire le premier jeu vidéo avec une « communauté de fan » et l’imagerie du « geek » est en route.

La Brown Box, la mère de toutes les consoles

La brown boxSi Higinbotham a inventé le premier jeu vidéo, l’idée de créer de l’interactivité entre le spectateur et l’écran est née 7 ans plus tôt, en 1951, de l’esprit de Ralph Baer, considéré comme le « père des jeux vidéo ». Il travaillait alors pour le constructeur en télécommunication Loral Electronics à qui il proposa d’intégrer un système interactif à ses téléviseurs. Hélas, le projet n’a pas convaincu et il faudra attendre 1966 pour que Baer puisse enfin donner corps à son projet.

En effet, en 1966, Baer travaillait pour Sanders Associates, une entreprise spécialisée dans l’électronique militaire (on y revient) où il dirigeait un département de 500 personnes. Sa position lui permet de détacher deux personnes pour l’aider à la réalisation de son projet. Baer mettra au point plusieurs prototypes de jeux dont Chase Game, un jeu de « poursuite » où un joueur doit attraper le second et qui pouvait se jouer avec une fausse carabine permettant de tirer sur son adversaire. Déjà à l’époque, le souci de l’immersion et de l’interface se posait.

Après plusieurs prototypes, Baer présente le projet à ses supérieurs en 1968 sous le nom de Brown Box : une boite austère, fournie avec une fausse carabine mais qui permettait de jouer à une petite sélection de jeux sur son écran de télévision. Le projet ne passionne pas vraiment les dirigeants de Sanders qui décident toutefois de lui laisser sa chance grâce à l’accessoire en forme de carabine. Yankee will be Yankee. Quoi qu’il en soit, c’est donc en 1968 qu’est déposé le tout premier brevet pour un jeu vidéo.

Vers Pong et l’arcade
Malgré un dépôt de brevet, Sanders subira de plein fouet la crise des années 60 et sera incapable de distribuer son produit. Ralph Baer se tournera vers les constructeurs de téléviseurs mais il lui faudra plusieurs années avant d’enfin parvenir à un accord satisfaisant.

En 1971, la société Magnavox décide de lancer la production de l’objet sous le nom d’Odyssey. Mais au dernier moment, une toute jeune société nommée Atari va lui griller la priorité et se donner ainsi les moyens de devenir un des acteurs majeurs des débuts du jeu vidéo sur la scène grand public. Mais de ça, nous en parlerons dans une autre chronique d’une histoire de bit et de pixel consacrée aux salles d’arcades.

 

Erwin BESNAULT

[1] A ce propos on peut mettre en avant la nouvelle aide financière prévue pour 2016 et mise en place par Fleur Pellerin : le FAPJV (peut-on faire acronyme plus évocateur ?)

[2] Le jeu est encore jouable dans sa version quasi originale à cette adresse : http://spacewar.oversigma.com/

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