Si j’étais Benoît Hamon…

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En ce 13 avril 2017, à 10 jours du 1er tour, je me mets à la place du candidat sorti vainqueur de la primaire socialiste -et je n’ai pas envie d’ironiser- je me demanderais ce qui risque de se passer si la tendance qui se dessine se poursuit. Va-t-il finir par rattraper…Defferre ?(1)

Benoît Hamon est en train de vivre une sorte de calvaire à côté duquel celui de Fillon paraît presque consommé. Ne parlons pas de Mme Le Pen, elle s’en charge avec sa sortie « révisionniste »à la papa ?

Hamon a parfaitement analysé la situation qui conduit, dans une très forte proportion,  les « poids lourds » du gouvernement à renier leur engagement de soutien au vainqueur de la primaire pour rejoindre le camp de Macron. C’était avant de connaître le vainqueur ! Côté éthique on fait mieux. L’honnêteté eut été de dire avant : « on vous prévient, si ce n’est pas Manuel qui sort, on n’ira pas derrière Benoît ou Arnaud. » Evidemment cela n’aurait pas fait très sérieux non plus !

Donc la primaire n’a servi à rien si ce n’est à attirer près de deux millions de participants qui ont été pris pour des imbéciles puisque leur vote n’a strictement servi à rien. Si…à finir par donner du PS une image encore plus détestable que celle d’un gouvernement et d’une majorité parlementaire qui ont profondément déçu celles et ceux qui les avaient élus. La fracture sociale a explosé, celle du PS aussi. Et les mêmes voudraient en faire porter le chapeau à Benoît Hamon ?

En se précipitant dans les bras de Macron, les uns précocement, d’autres attendant pour voir, ils ont délibérément signifié à l’opinion qu’ils n’entendaient pas soutenir le programme de Benoît Hamon, qu’ils lui préféraient celui de leur favori, un collègue venant de la banque, lui aussi plein de talent, jeune et tout et tout, le renouveau personnifié, l’audace de poursuivre la même politique, quitte à amplifier ses conséquences désastreuses…sauf pour les riches.

Et en plus Macron n’avait pas eu, lui, l’outrecuidance de critiquer avant de le quitter, le gouvernement auquel il appartenait, comme certains, ces frondeurs, donneurs de leçons, qui vivaient mal les entorses aux promesses et les cures d’austérité à répétition, la dérive libérale. Le président sortant a jugé préférable de ne pas défendre son bilan, c’est tout dire.  Il avait promis de ne pas faire connaître sa préférence avant le 23 avril. Encore une promesse…

Il vient ce jour de sortir de sa réserve et de faire part de son inquiétude concernant la percée de Jean-Luc Mélenchon dans les sondages :  « ll y a un péril face aux simplifications, face aux falsifications, qui fait que l’on regarde le spectacle du tribun plutôt que le contenu de son texte », dit-il dans un entretien au Point, craignant visiblement pour son poulain Macron. On voit bien que son ennemi n’a jamais été la finance ! C’était juste une formule de campagne…et ça avait marché. Il compte sur Macron pour la poursuivre.

Le même jour, Ségolène Royal portait un tout autre regard sur la campagne de JL Mélenchon qu’elle jugeait « très bonne…quand en politique on porte à la fois du fond, de la passion, de l’enthousiasme, on dégage quelque chose qui fait que les électeurs se sentent un peu soulagés…de voir un niveau de débat d’idées au-dessus de ce qu’on vivait depuis des semaines de manière un peu désespérante. »Réponse de la bergère au berger…

Comment douter que la candidature de Macron procède d’une stratégie que l’Elysée ne pouvait pas ignorer mais plutôt inspirer puisqu’elle a séduit tellement de ministres sortants, de députés qui, un peu partout, se présentent sous l’étiquette PS tout en appelant à voter Macron, savonnant un peu plus la planche sur laquelle glisse Hamon, sous leurs sarcasmes  : « il fait une mauvaise campagne, avec un mauvais programme, il marginalise le parti socialiste… »

Mais alors qu’attend-il pour leur rendre la monnaie de leur pièce à tous ceux que la direction laisse faire. Y en a-t-il encore une ? Iraient-ils chez Macron pour redorer le blason du PS ? Macron est compatible avec tout ce qui se présente à lui de libéral, c’est ce qui plaît tant à Gattaz. Comme Fillon et M. Le Pen il prépare une purge gratinée de précarité généralisée, de reculs sociaux tous azimuts.

En se maintenant, B. Hamon rend à Macron un précieux service puisqu’il prive Jean-Luc Mélenchon des voix de gauche socialistes qui y croient toujours alors qu’en se retirant à son profit il lui assure une victoire certaine qui n’est pas encore acquise.

Comment peut-il hésiter ? Parce qu’il s’est engagé à aller jusqu’au bout ? Serait-ce au prix de leur victoire à tous ces parjures qui ne tiennent pas aux valeurs dont ils se sont si longtemps réclamés. Quelle image de la politique que ces recyclages en perspective pour sauver la finance, les privilégiés…au nom des intérêts supérieurs du pays ? De qui se moque-t-on ?

Il ne peut plus croire en une inversion de tendance. Mais il peut faire pencher un peu plus la balance du côté des victimes de l’austérité, des inégalités, de toutes les injustices et discriminations qui fracturent notre société. Il peut contribuer à amplifier l’espoir et les attentes de celles et ceux qui aspirent à en sortir, par le haut, pour le bien commun, l’intérêt général, l’Humain d’abord.

Je ne suis pas Benoît Hamon mais je ne doute pas que ces questions doivent le faire beaucoup réfléchir. Puisse-t-il être un des artisans d’une victoire des forces de gauche et écologistes dans leur diversité, qu’il aura contribué à forger…Simplement en choisissant son camp.

René Fredon

(1) Gaston Defferre (SFIO) s’était présenté en 1969 à la présidentielle succédant à la démission du Général De Gaulle. Il avait obtenu 5% des suffrages exprimés. G.Pompidou avait été élu contre A.Poher, J.Duclos (PCF) avait frôlé la qualification avec 21,27%.

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