Regroupement autour du CHITS : inquiétudes

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Hôpitaux publics varois
Regroupement autour du CHITS : inquiétudes

Quelques observations s’imposent après les deux articles publiés par TV83 interrogeant deux directeurs adjoints sur l’avenir du plus grand centre hospitalier régional, hors CHU.

Tout d’abord l’article intitulé « L’hôpital Sainte-Musse mise sur le partenariat » appelle quelques remarques non pas d’ordre technique (tout nouvel équipement améliorant le diagnostic et le soin, voire l’intervention chirurgicale est le bienvenu et je n’ai pas la compétence pour donner un avis sur ses performances) mais d’ordre politique, en ce sens que l’on a l’impression que l’hôpital prend l’initiative de se doter d’équipements plus performants, dont on ne connaît pas le coût et l’incidence sur le budget. Ni le mode de financement.

Cela présente pourtant un certain intérêt sinon immédiat pour les patients que nous sommes tous en puissance, du moins pour les contribuables et les assurés sociaux qui ont en mémoire les observations formulées par la Chambre régionale des comptes (CRC), rendu public fin 2015. Ce n’est pas si vieux.

Un rapport très critique à bien des égards et qui porte sur la gestion du CHITS à partir de 2008, incluant le transfert de Font-Pré à Sainte-Musse en 2012. Il notait d’entrée que « la complémentarité avec d’autres établissements de santé était limitée, faible avec l’hôpital des Armées Sainte-Anne, inconsistante avec la communauté hospitalière de territoire à laquelle le CHITS est intégré ».

On veut bien comprendre que le directeur-adjoint sollicité ne se batte pas la coulpe pour évoquer ces observations, il nous dira même qu’il les prend en compte, il n’est jamais trop tard en effet. Un GIE (groupement d’intérêt économique) a été constitué pour ce qui est de l’IRM ostéo-articulaire, une plate forme chirurgicale équipée d’un robot a été inaugurée. Un investissement pour cet équipement de 1,6 millions d’euros financé comment et par qui ? sans pour cela contester son utilité.

Car la CRC a mis fortement l’accent sur le niveau atteint par l’endettement posant la question des possibilités réduites des investissements (par ces temps d’austérité) après avoir souligné que la situation financière du CHITS découlait aussi des conditions de vente du site de Font-Pré à Bouygues, très favorables à l’acquéreur privé qui n’avait pas été mis en concurrence.

Et que d’autre part, le coût de construction du bâtiment était passé de 125,58 d’évaluation à 307,98 millions d’euros de dépenses constatées en août 2014 (+182,4 millions) !
Nonobstant la souscription à partir de 2007 de prêts dits « structurés » ou toxiques, qui ne pouvaient pas être ignorés des gestionnaires, à partir de 2009. La direction ne les a renégociés qu’en 2011 et les pénalités payées aux banques ont atteint plus de 12 millions d’euros !! Tout cela dans la plus totale opacité.

On aimerait un peu de transparence sur ces sujets qui fâchent, car nous sommes finalement les payeurs de ces surcoûts qui ne relèvent pas forcément de la fatalité. L’hôpital se voit contraint de gonfler le poste des provisions pour risques en même temps qu’il voit se réduire sa capacité d’investissements et de remboursements des emprunts qui courent.

On peut se demander si le conseil de surveillance que préside Hubert Falco qui avant, présidait le conseil d’administration, a pleinement joué son rôle de mise en garde et de contrôle de la gestion désormais placée directement sous la tutelle de l’agence régionale de santé qui, elle aussi, devrait se sentir concernée par le rapport accablant de la CRC.

Le CHITS, tête de pont du groupement hospitalier de territoire (GHT)
Un second article commenté par un second directeur-adjoint, vient renforcer le sentiment que ça bouge beaucoup autour du CHITS qui devient le bateau amiral du Var chargé de piloter et de coordonner la politique de santé au niveau départemental.
Promotion ou gestion de l’austérité persistante par un regroupement des services depuis longtemps largement amorcé ?
La loi du 26 janvier 2016 présente la chose comme « la modernisation de notre système de santé ». Bien évidemment. Ils ne vont pas dire le contraire ! « C’est dans l’intérêt des patients et pour mieux rationaliser les modes de gestion par une mutualisation des fonctions, des transferts d’activités entre établissements… », bien sûr.

Pour la ministre, c’est même « une révolution comparable à la création des CHU en 1958 » !
Sauf que, dans un département sanitaire comme le Var, les établissements publics offrent moins de lits que dans le privé et que de regroupements de services en regroupements de services, à l’échelle départementale, cette fois, on va encore plus loin dans la re-centralisation qui n’a jamais rimé avec démocratie mais avec technocratie.

Fini le rattachement des hôpitaux publics autonomes autour des collectivités locales qui datait de la Révolution française. On a évolué, avec les ARH (agences régionales de l’hospitalisation) en 1996 vers les ARS (agences régionales de santé) en 2009, entrecoupé de la tarification à l’activité (T2A) à une gestion centralisée avec incitation à faire des économies.

Ce qui n’est pas une mauvaise chose en soi mais qui s’avère, dans la pratique, à priver les établissements des moyens en personnel notamment qui sont à la base du confort et de la sécurité des patients. Les robots d’accord mais du personnel soignant et non-soignant d’abord. Le déficit est notoire en matière d’effectifs.

On a surtout évolué vers la privatisation en grand des activités sanitaires dominée le plus souvent par de grands groupes dont la finalité est d’abord la rentabilité des capitaux investis, ce qui ne veut pas dire que les soins seraient secondaires mais qui ont tendance à se spécialiser dans les activités les plus lucratives et à « tirer » sur la masse salariale elles aussi.

Avec les GHT il est à craindre que les restructurations s’accélèrent encore et que la centralisation prenne encore plus le pas sur les besoins du terrain en évolution constante, que ce soit en matière « d’urgences », d’obstétrique », « de chirurgie ambulatoire »… dont s’occupe aussi le privé mais en cas de problème, le « service après-vente » est le plus souvent assuré par…le public ! Ce n’est pas le maire de La Seyne qui nous démentira…

Nous doutons que le partenariat public-privé se traduise par des économies. Ce n’est pas en transformant des investissements, donc emprunts, en fonctionnement, loyers très chers étalés sur de longues périodes, que l’on baisse les charges. Ou alors qu’on nous en fasse la démonstration ? (Pour la réhabilitation de trois collèges, le coût des loyers est plus du double du coût des travaux. Au bénéfice de qui ?)

Au fond, les raisons qui conduisent à ces régressions du service public hospitalier qui reste cependant incontournable car il assure aussi et quasi exclusivement des missions sociales, ce sont des raisons purement économiques d’équilibre des comptes tels qu’ils sont fixés au niveau gouvernemental. Avant d’être appliqués par une hiérarchie hautement centralisée.

Il ne s’agit pas de nier l’exigence de rationalité dans la gestion du service public de santé mais de promouvoir le service public et sa gestion décentralisée et démocratisée pour mieux répondre aux attentes de tous les usagers qui doivent, avec les professionnels de santé, les élus locaux, y être associés.

René Fredon

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