Rapport d’observations définitives de la Chambre Régionale des Comptes sur la gestion de Saint-Tropez
Synthèse
La commune de Saint-Tropez compte moins de 5 000 habitants mais bénéficie d’un sur-classement démographique dans la strate des communes de 20000 à 40000 habitants compte tenu de son activité touristique, de l’importance de sa renommée et du nombre de résidences secondaires. Elle présente ainsi un niveau atypique de recettes de fonctionnement, par rapport aux communes de la même strate (49M€ en 2015).
Une situation financière saine qui offre toutefois des marges d’amélioration
La situation financière de la commune de Saint-Tropez est saine malgré la réduction des dotations de l’État. Les charges de gestion sont en diminution, notamment du fait du transfert du contrat de collecte des déchets ménagers à la communauté de communes du Golfe de Saint-Tropez. La capacité d’autofinancement, qui se situe bien au-dessus des moyennes de la strate, a représenté entre 15 et 20% des produits de gestion au cours de la période examinée.
Cette situation s’explique notamment par les recettes relevant de la valorisation par la commune de son patrimoine (1,1M€ pour l’occupation des terrasses, 0,6 M€ de taxe de séjour et 0,2M€ au titre de la marque déposée «Saint-Tropez»). L’encours de la dette a été en partie sécurisé par la renégociation de certains emprunts structurés.
Pour autant, une allocation plus optimale des moyens et une utilisation plus efficace des deniers publics permettraient à la commune d’améliorer encore sa situation financière. C’est ainsi, par exemple, que:
-La renégociation d’un emprunt, qui a été profitable, a cependant entraîné une rémunération significative, contraire aux pratiques habituelles, au profit d’un avocat(0,2M€);
-Le marché de nettoiement (1,5M€) a été attribué à une entreprise qui n’a en réalité pas exécuté certaines prestations contenues dans son offre, alors que celles-ci avaient justifié l’octroi du marché;
-La suppression des heures supplémentaires et des astreintes forfaitaires indûment octroyées à certains agents permettrait de dégager des économies évaluées par la chambre à 40 000€.
La gestion du port de Saint-Tropez, qui est assurée en régie, offre également des marges d’amélioration. La collectivité a mis en place un dispositif de contrôle des pourboires versés aux personnels du port. Ce dispositif a permis de mettre un terme à une situation antérieure particulièrement opaque. En revanche l’attribution de places de bateaux demeure peu transparente et apparaît comme imparfaitement objectivée, voire même contraire à la réglementation. Au surplus, l’octroi de places par l’intermédiaire d’associations s’avère irrégulier. Les bénéficiaires de ces places disposent de tarifs préférentiels par rapport à ceux relevant directement de la régie portuaire. Cette gestion a entraîné une perte évaluée à environ 0,4M€ pour le budget du port.
Une planification urbaine avec des finalités privées et spéculatives
Les opérations d’aménagement, projetées ou réalisées, ont été nombreuses à l’entrée du centre-ville (Les Lices, le Couvent, l’hôpital, la cave coopérative, la cité Mistral).
L’utilisation par la commune de ses prérogatives en matière de planification urbaine appelle plusieurs observations.
Ainsi, afin de limiter les possibilités de cession par la société DCNS d’un terrain lui appartenant, la commune a, en 2010, gelés a constructibilité. Puis, en 2014, elle a obtenu la cession à son profit, par cette entreprise, d’un premier lot correspondant à un premier tènement pour un prix de 0,45M€, cinq à sept fois inférieur à celui estimé par France Domaine, en arguant d’un projet de construction de logements sociaux. Parallèlement, la société DCNS a cédé à une société de promotion immobilière un deuxième lot, correspondant au second tènement de son terrain, pour 17M€. Deux ans plus tard, par délibération du 16 juin 2016, le conseil municipal a autorisé la revente du premier lot à la même société de promotion immobilière, après avoir modifié le PLU et mis un terme au gel de la constructibilité du terrain.
La revente du lot au prix de 8M€ engendrerait une plus-value de 7,55M€. Le constat de l’abandon du projet de construction de logements sociaux qui avait justifié le faible prix de la cession réalisée en 2014 a conduit DCNS à engager un recours en annulation de cette vente.
Une concession d’aménagement, attribuée à un promoteur
en 2011, prévoyait la réalisation de 274 logements dont deux tiers à destination sociale. La réalisation d’une part plus importante que prévue de logements en accession à la propriété a augmenté la marge du promoteur. La construction, sur l’un des sites, d’espaces commerciaux, qui n’avaient pas été prévus dans le traité de concession, a permis de l’augmenter encore. Par ailleurs la vente d’un espace commercial a été réalisée à un prix réduit (2 500€ le m² comparés à un prix moyen de 8600€ le m² pour les autres espaces commerciaux) au bénéfice d’une filiale d’une société dont une autre filiale était sous-traitante du concessionnaire. En réponse aux observations provisoires de la chambre, les tiers concernés ont fait valoir que le prix était similaire à celui d’un local voisin.
Cependant ce bien avait été vendu à un autre partenaire d’affaires du concessionnaire.
Le PLU a autorisé, en 2015,l’édification de petits immeubles résidentiels collectifs d’un à trois étages sur certaines parcelles, à proximité de la concession d’aménagement.
Seules quelques parcelles, dont une appartenant à un élu, ont eu la possibilité d’accueillir des constructions de trois étages.
L’élu concerné a revendu son bien qui avait acquis de la valeur à la suite de la modification du PLU.
Une autre modification du PLU a concerné le projet d’aménagement privé d’une cave coopérative. Ce projet pouvant être qualifié d’opération d’aménagement, une « procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes » aurait dû être mise en œuvre par la commune, en application de l’article L.300-4 du code de l’urbanisme.
Il ressort de cet ensemble de constatations que les modifications du PLU de la commune de Saint-Tropez ne visent pas toujours à faire évoluer les règles d’utilisation du sol dans un but d’intérêt général.
Certaines ont en réalité favorisé des projets immobiliers privés et ont parfois été réalisées sous couvert de projets à finalité sociale qui n’ont finalement pas vu le jour et ont permis parfois la réalisation de potentielles plus-values significatives.
La chambre formule dans ce cadre quatre recommandations:
Recommandation n°1:
En matière de commande publique, mieux définir les besoins de la commune, éviter de définir des critères d’attribution fondés sur des « avantages particuliers » et appliquer les principes de la commande publique prévus à l’article 1er de l’ordonnance du 23
juillet 2015.
Recommandation n°2:
Mettre un terme aux attributions forfaitaires indues d’heures supplémentaires ou d’astreintes et appliquer le temps règlementaire de travail de 1607 heures par an.
Recommandation n°3:
Mettre en place un dispositif d’octroi des places portuaires transparent et objectivé (PV d’attribution, critère d’ancienneté de la demande…).
Recommandation n°4:
Pour les opérations d’aménagement, appliquer les règles de mise en concurrence prévues à l’article L.300-4 du code de l’urbanisme et renforcer leur suivi financier.