Opéra de Toulon un Rigoletto di qualità !

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Compte rendu critique du spectacle du mardi 9 octobre Opéra de Toulon

Très attendue cette représentation du chef d’œuvre de Verdi a tenu toutes ses promesses.

Le jeune chef d’orchestre d’origine catalane Daniel Montané mais poursuivant sa carrière en Allemagne (il vit à Berlin) avait déclaré lors de la présentation de l’œuvre au Foyer de l’Opéra de Toulon « Diriger Rigoletto de Verdi est un honneur ». On a bien senti son implication, son humilité et le choix judicieux de tempi plutôt soutenus (ce qui n’excluait pas certains risques de décalage.) On lui saura gré de la tenue générale et de la musicalité de la représentation lors de la soirée de mardi (la dernière) d’un casting jeune et fortement impegnativo. La production venue des villes lombardes était confiée à Élena Barbalich artiste raffinée et cultivée qui avait fait le choix d’une scénographie symbolique (les jeunes filles-fleurs dénudées du début et de la fin – le duc collectionneur de beautés diverses). Il semble que le public toulonnais ait apprécié sa mise en scène (plus que certains critiques transalpins). À situer entre un habillage flirtant avec la modernité (chaises et tables suspendues) et des postures traditionnelles parfois un peu statiques des protagonistes. Un entre-deux en somme. Cependant des trouvailles méritent d’être soulignées (les faisceaux des lampes irradiantes et inquiétantes) mais aussi la sobriété des grandes scènes (Cortigiani, Bella figlia dell’amore).Le système de panneaux tournants a donné à sa mise en scène une grande fluidité visuelle.

Un plateau vocal homogène.
Du côté du plateau vocal saluons le choix de l’équanimité. Pas de vedettes mais une unité de qualité de l’ensemble des protagonistes. Nika Guliashvili impérial dans un Monterone marmoréen à la voix épanouie (ah l’école de chant des pays de l’Est).Tremendo Sparafucile du jeune et beau Dario Russo excellente ductilité d’une voix de basse profonde. (la scène dialoguée avec Rigoletto maudit dans la nuit a été un grand moment émotionnel). Autres prestations impeccables Vincent Ordonneau dans Matteo Borsa, Mikael Piccone dans Marullo (Clément Marot dans la pièce de Hugo le roi s’amuse. Et Federico Benetti dans le Comte de Ceprano. Mention spéciale pour la Maddalena de Sarah Laulan et la douce et perfide Giovanna, Nona Javakhize.

Jeunesse et musicalité
En tête d’affiche il faut souligner la beauté du timbre du jeune ténor Marco Ciaponi et plus encore sa grande musicalité. Son courage aussi, puisque sans doute trompé par un souci de perfection, se sentant vocalement fatigué au matin de cette dernière, il a demandé un message d’indulgence bien inutile le soir avant le spectacle, a sipario calato. Après une telle prestation on peut se demander ce qu’il en aurait été de sa voix en pleine santé ! Artiste à la diction italienne parfaite, il a chanté avec nuances et fraseggio. Dès son air d’entrée et son duo Per voi gia possente la fiamma d’amore, la cause était entendue. C’était une bonne surprise. Enfin un ténor musicien et pas uniquement un organe ! Le public ne s’y est pas trompé, saluant sa vaillance dans la cabalette (souvent coupée) Possente amor mi chiama (sans le dacapo mais avec un contre ut plus qu’honorable.) Une jeune voix à suivre témoignant de la qualité de l’enseignement du chant en Italie. On le retrouvera avec plaisir dans le Requiem de Mozart prochainement.

La belle soprano roumaine Mihaela Marcu a donné une Gilda tendre et douloureuse (beau timbre, qualité et musicalité, respect du texte, justesse de la caractérisation) Madame Marcu honore elle aussi l’art roumain qui, depuis plusieurs années, exporte de si belles voix.

Francesco Landolfi dans le rôle du malheureux bossu a été fortement applaudi. Le rôle est écrasant, omni présent, nécessitant un artiste capable de caractériser toutes les palettes des sentiments, de l’amour filial à la sombre haine, de la passion au sarcasme, de la veulerie au courage suprême. Il a été scéniquement à la hauteur. Un peu plus de puissance dans certains passages en particulier le duo de la vengeance ne m’aurait pas gêné. Par contre, on doit souligner la musicalité intelligente de sa ligne de chant qui devrait lui ouvrir les portes des grandes maisons lyriques. L’orchestre et les chœurs de l’opéra de Toulon n’ont pas failli à leur réputation actuelle les portants à un niveau d’excellence rarement atteint.

En résumé ce Rigoletto d’ouverture a été un succès (le public aussi a beaucoup changé). Il s’est caractérisé par la jeunesse d’un plateau, une mise en scène intelligente et renouvelée et l’homogénéité d’un cast vocal allant droit à l’essentiel, l’émotion sans posture démagogique.  C’est ce que voulait Verdi lorsqu’il conseillait à ses chanteurs de chanter comme l’on parle. La verità del canto per carità !

Jean François Principiano

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