Municipalisme et transformation sociale

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Le municipalisme libertaire ou communisme libertaire, désigne la mise en œuvre locale de l’écologie sociale élaborée par le théoricien et écologiste politique américain Murray Bookchin.

 Ces termes sont utilisés pour décrire un système politique dans lequel des institutions libertaires, composées d’assemblées de citoyens, dans un esprit de démocratie directe, remplaceraient l’État-nation par une confédération de municipalités ou communes libres et autogérées1.

Le projet repose sur l’idée que la commune constitue une cellule de base capable d’initier une transformation sociale radicale par propagation « nous dit Wikipedia.

Une approche anti-capitaliste décentralisée qui, comme au Kurdistan, rejette les structures traditionnelles d’un État-Nation donc la question du pouvoir central, de sa nature de classe, de sa verticalité, de sa constitution, de ses choix libéraux assumés, de sa maîtrise de l’appareil d’État…un anti-modèle selon la conception que Öcalan, le leader du PKK, a puisé dans les théories du chercheur communiste libertaire américain durant ses années d’incarcération en Turquie.

Cette originalité se double de préoccupations écologiques et d’égalité totale homme-femme au point que chaque président de commune est doublé d’une co-présidente et vice-versa. C’est l’un des statuts de la femme les plus évolués au monde inscrit dans la nouvelle constitution de la Fédération démocratique de la Syrie du Nord adoptée en décembre 2016.

Transposée dans nos  « démocraties » occidentales très centralisées, cette expérience singulière dont on parle fort peu ne peut-elle alimenter l’illusion qu’il suffirait de s’emparer des municipalités conçues comme des « contre-sociétés » pour servir d’exemple, par capillarité, et faire grandir le besoin de démocratie locale jusqu’à ce que « ces îlots de démocratie poussée jusqu’au bout » irriguent le pays tout entier, à supposer que les tenants de l’oligarchie restent passifs et renoncent à leur pouvoir et à sa forme capitaliste ?

Dans le Monde diplomatique d’octobre 2019 (p.3) Frédéric Lordon s’interroge sur les communautés auto-gérées, les ZAD (zones à défendre) sous le titre : « Et la ZAD sauvera le monde… ». Même problématique ou presque que « les communes libres et auto-gérées » qui à terme se substitueraient à l’Etat-nation. « Je ne crois pas, dit-il, que le capitalisme tombera par un mouvement de fuite continue des « communes » qui l’éviderait de sa substance…(ni) qu’une juxtaposition de « communes » fasse une forme politique complète. »

Certes le capitalisme est en crise profonde mais encore dominant et loin d’être perçu comme l’obstacle à lever pour passer à une société du bien commun, de l’intérêt général, de l’épanouissement de chacun dans une société démocratique, laïque, pacifique où se conjuguent enfin « liberté, égalité, fraternité », entre les citoyens, entre les sexes comme entre les peuples

Comment y parvenir sans remettre en question la propriété des grands moyens de production et d’échange, la constitution et les pouvoirs qui l’ont conçue et modifiée en fonction des rapports de forces et de classe au fil des époques.

Peut-on faire comme si les problèmes des municipalités, économiques, environnementaux, sociaux, éducatifs, culturels….pouvaient être résolus à leur échelle indépendamment du contexte et des prérogatives que les autres niveaux de pouvoirs, au plan de l’Europe et du monde se sont attribués.

La question écologique a forcément des causes qui dépassent les frontières et très largement la responsabilité des individus d’un pays, conditionnés au consumérisme et à la production de déchets -dont une grande partie n’est ni collectée, ni traitée ni recyclée- causes qui se situent à une tout autre échelle économique et politique à rapprocher des critères de rentabilité financière pour une minorité, qui caractérise l’économie libérale.

Les États concourent directement à laisser encore exploiter les énergies fossiles et piller les ressources qui n’ont pas le temps de se renouveler et dont la production intensive ainsi que leur distribution mercantile compromettent si gravement notre environnement et l’avenir de la planète.

Ce qui, inversement, ne veut pas dire que l’on n’y peut rien au niveau local, que la manière dont sont gérés les biens publics promis à la privatisation ne devrait pas être remise en question, qu’il n’y aurait pas de marge de manoeuvre, que les élus seraient contraints…Rien de plus faux ! Leur volonté ou non de faire s’exprimer en permance les habitants paupérisés, impliqués dans l’élaboration d’un programme progressiste pour leur ville, pour chaque quartier et pour son économie globale, leur soif de démocratie participative sont riches de potentialités démocratiques dans les rapports élus-population.

La commune c’est la bonne échelle pour que les populations  fassent prévaloir leur propre vision des priorités sociales et écologistes, (ce ne sont pas les seules), sachant qu’une commune ne peut pas augmenter les salaires, par exemple, ni décider des dotations de l’État mais qu’elle dispose encore de certains leviers, le plus important étant celui d’informer et d’agir avec la population pour défendre ses intérêts.  Redonner aux communes des pouvoirs, des moyens, une autonomie réelle en fait partie.

Les majorités conservatrices veulent poursuivre leurs programmes conservateurs. L’extrême-droite veut imposer son ultra-nationalisme mâtiné de racisme  et de xénophobie. Les majorités progressistes feront de leurs communes des lieux de résistance aux politiques libérales qui les étouffent.  Elles y déploieront une tout autre conception de la démocratie participative, toujours proclamée mais vidée de sa substance, ce qui alimente la résignation, le sentiment d’impuissance, le statu quo, le repli sur soi: On subit au lieu d’agir puisqu’on n’ a confiance en personne, pas même en soi, on se sent incompétent, le pot de terre quoi !

Il n’y a qu’à voir à quel point à droite, au centre et parfois à gauche on est pris par la fièvre du rassemblement sur des listes… »apolitiques », « neutres » histoire de brouiller les pistes, leurs candidats se voulant simplement « de bons gestionnaires »,  « non partisans ». Et ça marche ! Beaucoup trop. Une élection municipale ne serait pas politique…puisque ce sont des candidats qui vous le disent !

« C’est un bon maire, vous savez ? » Pardi, c’est qu’il en a des collaborateurs, on ne voit et on n’entend que lui, à longueur d’année  dans le journal du coin, souvent le seul, qui lui accorde une place quasi-quotidienne considérable : il faut bien « informer » les gens…n’est-ce pas. Surtout dans la ville-préfecture.À Toulon, le maire aime tellement son territoire qu’il en oublie qu’il est aussi l’homme fort des LR, successeur de Léotard et d’Arreckx qui ont défrayé la chronique judiciaire en leur temps. Et ce n’est pas terminé pour Léotard impliqué dans les rétrocommissions de contrats d’armements.

Malgré un système électoral particulièrement injuste, il importe de combattre l’idée que « la politique est par principe pourrie…la preuve, ils se battent pour être élus » Cet amalgame est mortifère pour la démocratie. Il ne concerne qu’une infime minorité de politiciens corrompus généralement proches quand ce n’est pas au gouvernement. L’opinion publique en est légitimement écoeurée.  Beaucoup trop passent à travers les mailles de la justice !

Ce sont ceux-là qui discréditent la politique. Pas l’immense majorité des élus -à tout niveau- qui représentent dignement leurs électeurs. La loi électorale est un déni de démocratie, elle est faite pour donner aux vainqueurs des majorités absolues stables, elle élimine des minorités sous ou pas représentées. En même temps on assiste à une désaffection inhabituelle de maires sortants qui ne se représentent pas, compte tenu de la lourdeur de la tâche, du niveau de leur responsabilité et de l’insécurité qu’ils doivent affronter dans l’exercice de leur fonction.

Un phénomène politique inquiétant progresse, même aux municipales, c’est l’abstention. Elle est le reflet des mécontentements qui ne se reconnaissent plus dans les contenus des politiques libérales ni dans l’utilité d’aller voter. À force de voir des majorités dites de gauche et de droite pratiquer les mêmes politiques libérales, à quelques nuances près, et qui se veulent toutes écologiques aujourd’hui…, il y a de quoi se poser des questions ?

Et plus encore, la nécessité de trouver les réponses…qui sont en nous. Se laisser berner de promesses ou bien s’emparer de l’occasion pour ne plus s’en laisser compter, en cessant de n’être qu’un spectateur sceptique d’un résultat annoncé pour devenir un acteur, parmi d’autres, décidé à faire advenir ce à quoi il ne croyait plus hier.

René Fredon

https://www.franceculture.fr/geopolitique/kurdes-de-syrie-le-crepuscule-du-rojava

 

 

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