On savait Marine Le Pen et son père Jean-Marie en froid, mais peut-être pas à ce point-là. La présidente du Front national est revenue sur ses liens avec son père dans un entretien avec des lecteurs du Parisien paru dimanche 26 mars.
« Il conditionne le retour à des relations familiales à la mise en oeuvre de relations politiques, a-t-elle expliqué. Bon bah voilà, moi je lui ai dit clairement ‘Je ne ferais plus de politique avec toi’. » Jean-Marie Le Pen avait été exclu du parti qu’il avait cofondé -le Front national- le 20 août 2015, après de nouveaux propos sur les chambres à gaz. « Il n’y aura pas de relation père-fille, j’en suis malheureuse d’ailleurs », a poursuivit Marine Le Pen.
« Mais je ne le poursuis pas non plus de ma vindicte, ce n’est pas du tout mon objectif. Mais voilà, je ne veux pas faire de politique avec lui, je ne veux plus. C’est terminé et je ne reviendrai pas sur cette décision », a-t-elle conclu. A la mi-mars Jean-Marie Le Pen avait confirmé qu’un rapprochement avec sa fille n’était pas à l’ordre du jour, alors qu’il venait d’accorder son parrainage à sa candidature. « Pour l’instant, c’est glacial », avait-il dit dans Le Parisien, avant d’expliquer les raisons de ce parrainage : « Elle est la candidate nationale. Je la trouve proche des positions que je défends depuis quarante ans. » (Fin de la citation de l’AFP)
Dans la vidéo cependant MLP répond à la question d’une participante qui lui fait remarquer que son père « a eu la gentillesse de lui prêter de l’argent… » Réponse : « Ce n’est pas son argent. C’est celui du FN. Les adhérents du FN ont prêté de l’argent à cette structure dans le but de financer les campagnes. C’est tout à fait normal qu’il respecte l’objet social de l’association… »
Donc père et fille n’ont plus de relations…sauf financières. Après un déballage public de plusieurs mois, aussi violent qu’indécent, la fille exclut le père qui va en justice et qui conserve son titre de président-fondateur. Il soutient également le parti dissident de Carl Lang. Mais il « aide » et parraine aussi pour la présidentielle la nouvelle présidente qu’il a nommée et qui l’exclut du FN ? Curieux tout de même. En saurait-elle trop, histoire de calmer les velléités paternelles ?
On peut aussi approfondir la question grâce à l’abondante littérature sur le sujet et au feuilleton judiciaire qui oppose en interne les « donateurs » et autres conseillers politiques, fiscalistes, juridiques du premier cercle qui foisonnent autour du père, ce dont la fille est parfaitement au courant, d’autant qu’elle tire toutes les ficelles du parti…familial.
On sait aussi que ce sont presque toujours les questions d’argent qui divisent les familles. Et chez les Le Pen on en brasse beaucoup. D’autant que l’argent récolté par le père allait directement sur son compte personnel, pas sur un compte du FN. Parfois sur celui d’une association quelconque, d’un micro-parti ? De quoi inspirer un scénario à tiroirs…caisse, bien entendu.
« Marine est au courant de tout » : l’enquête de Mathias Destal et Marine Turchi vous en apprendra beaucoup sur ces questions de financement, de patrimoine, des hommes de l’ombre qui entourent la présidente et qu’elle fréquente depuis qu’elle baigne dans la politique.
Pour l’exemple, à la page 161, après les élections législatives de 2007, le rôle joué par MLP alors en pleine osmose avec papa qui ne l’avait pas encore fait reine. L’affaire des fausses factures qu’elle avait exigé de l’imprimeur, l’industriel très proche de la maison, Fernand Le Rachinel député FN au parlement européen. Son témoignage devant la 17è chambre du tribunal correctionnel de Paris en 2012 en dit long : « J’avais refusé à Marine Le Pen d’émettre des fausses factures, d’effectuer des péréquations entre les candidats, ceux qui avaient plus ou moins de 5% » (Ceux qui avaient moins -il y en avait 360 en 2007- n’étaient pas remboursés de leurs frais de campagne. Comme aujourd’hui NDLR).
Le FN avait été condamné à rembourser 6,3 millions à Le Rachinel (plus 600 000 euros d’intérêts), confirmé en appel, le pourvoi en cassation du FN ayant été refusé !
Inutile de préciser que les auteurs de cette enquête salutaire disposent de tous les documents dont ils font état. Beaucoup y sont publiés, y compris des plus récents comme la lettre de l’OLAF (office européen de lutte anti-fraude) du 30/9/16 qui notifiait à Marine Le Pen les conclusions de l’enquête ouverte le… 2 /7/14, lui rélamant les 339 946 euros concernant les deux emplois fictifs constatés. « Montant du préjudice financier subi par l’Union européenne » y est-il écrit.
Comment Mme Le Pen peut-elle insinuer qu’il s’agit d’une décision politique prise intentionnellement au moment de la campagne présidentielle de 2017 ? Ne serait-ce plutôt pas elle qui, en contestant cette décision en fait une affaire politique qui lui sert d’argument de campagne ?
Il est vrai qu’avec un tel staff d’avocats et de juristes à la tête du FN, ils savent faire durer les procédures et se victimiser comme personne ! Leurs inconditionnels crient au scandale et ne veulent pas voir plus loin. Comment : on touche à leur idole ?
Ce qui pourrit la campagne c’est à la fois le comportement de candidats qui s’indignent qu’on parle de leur rapport à l’argent et de ce que cela induit de dépendance à l’égard de ceux qui en ont et qui en gagnent par tous les moyens, y compris les plus illicites. Et c’est ça qui détruit la confiance populaire à l’égard de la parole publique et de ceux qui la portent, qui veulent diriger le pays tout particulièrement.
Mais aussi c’est l’expérience concrète de ce que font depuis trop longtemps les gouvernants, au service des intérêts du capital et au détriment des peuples. Rien ne va changer si les sondages se confirment, faute d’union à gauche. La politique de Hollande va s’aggraver quel que soit le vainqueur. Le choix ne sera plus un choix politique, un débat sur la société et son avenir dans un monde incertain, mais ce qu’ils appellent un « vote utile » contre le moins pire. Utile à qui ?
Autrement dit, le contraire d’un choix démocratique éclairé. Décidément la Vè République a du plomb dans l’aile. Mais une VIè République, aussi nécessaire soit-elle, ne résoudra pas les problèmes économiques et sociaux lourds qui sont devant nous, urgents. Tant que celles et ceux qui subissent les politiques d’austérité et d’inégalités ne feront pas irruption en masse dans le débat et dans les luttes sociales contre les causes profondes qui nous enfoncent dans la crise :
Le poids de la finance et l’exigence de profits pour les possesseurs de la richesse créee par ceux qui travaillent et qu’on présente comme des « coûts » à réduire tandis qu’on allège, avec nos impôts, les charges des entreprises et des très riches ! Les mêmes causes produiront les mêmes effets.
Surtout si on doit être gouvernés par des fondés de pouvoirs des milliardaires et des tricheurs ! On peut encore l’éviter.
René Fredon
http://elections2017.actu.orange.fr/videos/marine-le-pen-je-n-entretiens-pas-de-relations-avec-mon-pere-CNT000000Fn54d.html
http://www.rtl.fr/actu/politique/le-rachinel-le-fn-definitivement-condamne-a-rembourser-plus-de-6-millions-d-euros-7766836917
