Macron c’est pour aujourd’hui ou pour demain ?

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Aux abords de la salle 200 manifestants ont tenté de faire entendre leur profond désaccord avec la récente déclaration du candidat Macron au sujet de la colonisation et de la présence de la France en Algérie. Les forces de l’ordre ont dû utiliser des gaz lacrymogènes pour les disperser et laisser le libre accès à la salle aux quelques 2 000 personnes venues de tous les départements de la région Provence Alpes Côte d’Azur.

Macron à Toulon, un peu comme Napoléon pour sa campagne de Russie, s’est placé à la tête de son « armée des vingt nations ». Venus d’un peu partout de l’échiquier politique, ils sont là et le font savoir à grand renfort de trompettes et de slogans. Les nouveaux convertis ont cette fraicheur qui manque tant aux autres candidats. La salle est à moitié pleine, l’ambiance est bon enfant : le Messie est attendu.

Macron est, comme ces sauveurs autoproclamés, un homme seul. Il est seul à brandir cet « anti-système » comme un gage de modernité. Il n’y a aucun intermédiaire entre lui et le peuple des marcheurs! Ce qui suscite, chez les gens venus assister à son discours, de la curiosité que l’on a tendance à confondre avec de l’adhésion.

Il nous manque un Roi
Les plus anciens se rappelleront certainement les années 90. En son temps, Bernard Tapie, sorti du chapeau du prestidigitateur François Mitterrand, avait su faire exploser les lignes politiques aux élections européennes de 1994. Macron vend Macron comme le faisait si bien notre Nanard national … Macron tente un nouveau tour de passe-passe : L’idée que l’on peut donner un coup de pied dans le système sans trop troubler l’ordre établi, c’est pourquoi il séduit tous ceux que Mélenchon effraye. Mais le Messie Macron a une curieuse conception de la République. Durant l’été 2015 répondant à la question de savoir si la démocratie est forcément décevante, il répondra non pas qu’il nous faut une Constituante comme Mélenchon mais : «Il nous manque un Roi». (Europe 1 le 8 juillet 2015). Rien que ça !

L’énarque incarne tout le système qu’il prétend rejeter. Il a du charme, il est brillant, il séduit, mais il n’a que de vieilles ficelles libérales voire ultra-libérales pour déverrouiller le pays. D’ailleurs ses déclarations séduisent le MEDEF, qui n’en attendait pas tant. « L’état doit continuer à donner plus de souplesse au marché du travail » Le 12 nov 2015 ou encore « Il faudrait que les heures supplémentaires soient majorées beaucoup moins voire pas du tout » le 15 Mars 2016 dans les colonnes du Monde pour défendre la première version de la loi Travail ou encore en Oct 2014 quand il a expliqué que cette réforme des transports routiers pourrait « bénéficier aux pauvres qui voyageront plus facilement ». C’est du Macron … sans filtre.
Esprit brillant mais politicien débutant, qui a plutôt l’habitude des transgressions. On se souvient de sa sortie sur les ouvrières «illettrées» de chez Gad ou de sa saillie sur la France qui a besoin de jeunes qui rêvent d’être milliardaires.
N’avoir dans la vie pour seul objectif que celui d’être milliardaire en dit long sur ce qui se promène dans la tête de ce Rastignac des temps modernes.
Emmanuel Macron est un jeune homme ambitieux, qui regarde tout ce qui brille, qui se montre prêt à tout pour parvenir à ses fins. Hollande et Valls en savent quelque chose.
Interpellé sur la loi travail par deux grévistes, il a eu une réplique teintée de mépris de classe. Pour un ancien banquier à la fortune faite chez les Rothschild, de sa réplique suinte une forme de mépris de classe. Costard contre tee-shirt. Elite contre prolétariat inculte. Tout un programme, d’ailleurs c’est le seul qu’il ait présenté à ce jour et ce n’est certainement pas le discours de Toulon qui prouvera le contraire. « Pour se payer un costard il faut travailler Monsieur » Oubliant au passage que le travail, c’est ce qui manque le plus aujourd’hui … à la France d’en bas, dont il n’a jamais fait partie.

Macron et l’âge du Faire
Pourtant depuis quelques mois nous assistons à un panurgisme médiatique qui a pour effet un intérêt public incontestable mais, fabriqué de toutes pièces par les 7 milliardaires propriétaires de la presse en France. Macron bénéficie d’une grande popularité dans une partie des Français qui voit chez lui un personnage politique capable de bousculer une classe politique salie dans les dernières semaines … surtout chez ceux qui ne veulent pas voir que ça dure depuis des années. Mais être populaire ne signifie pas forcément être en capacité de susciter un engouement électoral. Demandez à Georges Boulanger ou plus récemment à Alain Juppé. Jusqu’à présent, la principale force d’Emmanuel Macron est d’avoir réussi à développer un discours « anti-système » et même « anti-élite » tout en étant totalement l’enfant du sérail. Pour élargir sa base politique, notamment sur le plan sociologique, il va avoir besoin de passer à l’« AGE du FAIRE ».

T’as de beaux yeux tu sais
L’ancien ministre de l’Economie de François Hollande ne séduit pas uniquement les patrons du CAC 40, chefs d’entreprises de PME, dirigeants de la nouvelle économie … De nombreux jeunes s’intéressent également à son discours comme les femmes venues à Toulon applaudir le nouveau Lecanuet. Quelques candidats investis par le PS pour les prochaines législatives, n’oubliant pas de calculer, avaient pris soin de réserver leurs places dans le carré VIP. Sait-on jamais, si la mayonnaise venait à prendre… Selon Macron le monde a changé mais, les habitudes politiciennes restent les mêmes !
Il faut remettre les choses à leur place, concernant cet « engouement ». Pour l’instant, Emmanuel Macron n’a que 496 000 abonnés à son compte twitter alors que François Hollande en compte 1,880 million. Et à gauche, il suscite de nombreuses oppositions, notamment dans une partie de la jeunesse. Celle qui s’est opposée à la loi travail, celle de « Nuit debout », celle qui ne supporte plus ses costards à 1600€ et sa tête de premier de la classe, celle qui pense que « nos vies valent mieux que leurs profits »
Car Macron affirme un libéralisme décomplexé, à la fois économique et politique. Macron dit vouloir mettre en place un nouveau progressisme, une « société ouverte ». Toute la question est de savoir, quand il parle de libéralisme, s’il veut appliquer ces recettes chères aux néolibéraux et appliquées dans les années 80 par Madame Thatcher et Ronald Reagan, avec les dégâts sociaux que l’on connaît dans ces pays ?
Ce qui est sûr, c’est qu’il ne croit pas à l’action de l’Etat dans l’espace économique, ses amis de la finance pourraient le lui reprocher. Lors de cette campagne osera-t-il dire, pour se moquer de son ancien gourou Hollande : Mon véritable ami. Il n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature, il ne sera donc pas élu, et pourtant il gouvernera avec moi. Cet ami, c’est le monde de la finance.

En réalité, Emmanuel Macron dit vouloir mettre en place une « social-démocratie », en cela il dit la même chose qu’Hollande, mais les deux évitent, refusent d’instaurer un réel rapport de force dans une société globalisée et financiarisée. Pourtant sans rapport de force il n’y a pas de politique surtout face aux requins de la finance.

Macron : Est-ce suffisant dans un monde de tumulte ?
Malgré les présentations élogieuses dans les journaux, dont les patrons sont TOUS ses amis, Macron n’est pas un intellectuel, au sens de rapport critique au monde. Un de ses mentors, Michel Rocard, était davantage pétri de doutes .
Macron finalement est un légitimiste. Il ne cherche pas à renverser la table, mais plutôt à cerner les situations pour se frayer un chemin, son chemin. Est-ce suffisant dans un monde de tumulte ? Peut-être à un niveau individuel, peut être pour sa carrière, mais pour mettre en marche un peuple vers son destin, est autrement plus difficile.
Renvoyer Macron à ses très libérales positions économiques, ou à son parcours de banquier, de conseiller du Président, de Ministre des finances n’est pas suffisant pour comprendre la complexité du personnage. Son ambiguïté pour ne pas dire sa duplicité est d’ailleurs sa principale force dans cette sphère du pouvoir, alors qu’il se réclame d’une tradition du « parler vrai ». S’il n’avait pas ce sens inné de la duplicité, jamais il ne serait arrivé aussi vite là où il est aujourd’hui. Jamais il n’aurait pu lancer un mouvement politique tout en étant dans un gouvernement. A bien y réfléchir, Emmanuel Macron n’est pas celui qui s’affiche. Un jour il faudra tomber le masque.

Ceux qui étaient venus pour connaître son programme en sont pour leurs frais. Ils n’auront eu qu’une peau de chagrin, il faudra encore attendre. Après le meeting de Toulon, des participants sont sortis déçus d’une prestation qui n’était à leurs yeux qu’un diagnostic voire un catalogue d’idées reçues. Les plus attentifs ont même entendu un « Je vous le dis les yeux dans les yeux » « je vous aime » suivi d’un improbable « Je vous ai compris ». Mais n’est pas le général qui veut !

Malgré les bons sondages et les articles dithyrambiques Macron ne joue peut être pas ce coup-là, mais celui d’après?
Laurent di Gennaro

Les réseaux Macron
On trouve des personnalités d’un autre siècle et des supporters beaucoup plus jeunes, des hommes et des femmes ayant une sensibilité de gauche et de droite. Leur point commun ? Elles appartiennent toutes ou ont appartenu à ce système que dénonce le révolutionnaire Macron.
Citons le patron de presse, ancien PDG du Nouvel Observateur, Claude Perdriel, Jean Pisani Ferry L’économiste a quitté son poste de commissaire général de France Stratégie comme si la France en avait une, Laurence Haïm cette brillante journaliste qui pensait impossible l’élection de Trump. Didier Casas Le directeur général adjoint de Bouygues Telecom. Pierre Bergé l’ancien compagnon d’Yves Saint Laurent. Marc Simoncini Le fondateur du site de rencontres Meetic. Laurent Bigorgne Directeur de l’Institut Montaigne. Directeur du cercle de réflexion Terra Nova qui prône la légalisation du Cannabis. Pierre Gattaz qui ne l’a pas rejoint officiellement mais qui le trouve « très intéressant ». L’essayiste de tous bords Jacques Attali, l’ancien révolté, Daniel Cohn-Bendit, le prix Goncourt, Erik Orsenna ancienne plume de François Mitterand, le sénateur maire de Lyon, Gérard Collomb, le sénateur centriste à vie, Jean Arthuis, deux retraités de la politique, Renaud Dutreil et Serge Lepeltier qui se verraient bien reprendre du service. Sans oublier Ségolène Royal et Dominique de Villepin.
Avec tout ça Macron se veut encore « Hors système ».

Les petites phrases dont Emmanuel Macron a le secret
« Si j’étais chômeur, je n’attendrais pas tout de l’autre, j’essaierais de me battre d’abord. »
« Le libéralisme est une valeur de gauche »
« Les salariés français sont trop payés » « Les salariés doivent pouvoir travailler plus, sans être payés plus si les syndicats majoritaires sont d’accord. »
« Le FN est, toutes choses égales par ailleurs, une forme de Syriza à la française, d’extrême-droite.
« Être élu est un cursus d’un ancien temps. »
« Les britanniques ont la chance d’avoir eu Margaret Thatcher »
Je dis aux jeunes : « ne cherchez plus un patron cherchez des clients »
« Je suis pour une société sans statuts »
« Je ne suis pas là pour défendre les jobs existants »
« Le chômage de masse en France c’est parce que les travailleurs sont trop protégés »
« Chaque candidat qui sera investi signera, avec moi, le contrat avec la Nation. Il s’engage à voter à mes côtés les grands projets, à soutenir notre projet. » « Pas de frondeurs » ( l’article 27 de la loi fondamentale dispose que tout mandat impératif est nul. Le droit de vote des membres du Parlement est personnel »)
« Je vais faire un CICE durable »
« Je ne vais pas interdire Uber et les VTC, ce serait les renvoyer vendre de la drogue à Stains »
« Je compte sur vous pour engager plus d’apprentis. C’est désormais gratuit quand ils sont mineurs »
« Vu la situation économique, ne plus payer les heures supplémentaires c’est une nécessité » (à Davos !)
« La gauche classique est une étoile morte. L’idéologie de gauche classique ne permet pas de penser le réel tel qu’il est »
« C’est une erreur de penser que le programme est le cœur » d’une campagne électorale » « la politique, c’est mystique »

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