Macron attendu au tournant

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Photo : Soazig de la Moissonnière / DILA-La Documentation française

Voilà des semaines que les commentateurs patentés sur toutes les chaînes tournent en rond et meublent le temps qui nous sépare de la parole de l’oracle ! Pourvu que ceci…pourvu que cela…va-t-il lâcher un peu de lest, va-t-il accélérer le mouvement..? Des interrogations à l’infini et la crainte que la paix sociale n’est pas pour demain ?

Pourvu qu’il rassure l’opinion puisque c’est la pédagogie qui ne colle pas, la politique est bonne, à quelques rustines près. Pourvu qu’il trouve les bons mots, qu’il ne soit pas arrogant, lui qui a réponse à tout…ou presque ?

À quoi aurait-il servi que le pouvoir ait « entendu » les gilets jaunes sans avoir compris que  ce mouvement était profond et rejoignait très largement dans ses revendications celles du mouvement syndical qui s’exprimait déjà et qui attend du concret en termes de pouvoir d’achat, de justice fiscale, d’inégalités sociales et entre les territoires, de services publics à développer (non à privatiser), de démocratie participative, de considération à travers la possibilité de vivre dignement tandis que s’étalent des profits, des privilèges,  des dissimulations ainsi que des salaires et  retraites, du côté des élites, qui relèvent de la provocation.

Beaucoup de journalistes -pas tous- ont relayé avec zèle l’indignation du pouvoir devant les exactions d’une minorité extérieure, pour l’essentiel, justifiant le durcissement de la répression suivie d’une loi répressive qui vise à limiter le droit de manifestation en fustigeant le gros des manifestants assimilés à des casseurs professionnels que la police, pourtant informée, n’a pas su isoler.

Les interventions policières ne sont pas exemptes de violences délibérées et disproportionnées le bilan est très lourd comme, récemment, à Nice à l’encontre de Geneviève Legay (73 ans) victime d’une charge de la police, niée puis reconnue par le même procureur ! Une enquête est diligentée par la femme…du policier concerné !

À quelques jours des annonces du président, le défenseur des droits, Jacques Toubon dénonce le « profilage racial et social » qui s’exerce à Paris et qui n’est pas récent. (1)

Le « grand » débat avait pour objectif de dissuader les gilets jaunes de manifester les samedi au prétexte que ces manifestations dégénéraient et causaient des dommages aux commerçants et aux villes. Les Français.es furent invités à débattre autour de quatre thématiques en leur laissant croire qu’ils allaient élaborer les réponses et laisser libre cours à leurs propositions. Le président en tirera ses conclusions et sifflera la fin de la récréation.

Sauf que la mobilisation ne s’est pas arrêtée, même si elle a baissé en intensité. Ce qui ne veut pas dire que les participants des premières semaines et les 70% des Français qui se reconnaissaient dans leurs revendications se sont convertis au macronisme, sinon Macron ne serait pas en chute dans les sondages de popularité comme le signale Paris-Match du 10/4/19.

Pas seulement parce que le dit débat n’en finit pas de durer et d’offrir au président une tribune permanente en cette pré-campagne des européennes mais parce que, pendant ce temps il met à l’ordre du jour, à l’assemblée, les questions les plus sensibles, celle des retraites avec un flottement autour de la durée de cotisations qu’il avait promis de ne pas toucher, à 62 ans alors que des ministres l’envisagent, de la commission européenne, de l’OCDE et du gouvernement lui-même. (1)

Il est fortement question d’augmenter sa durée qui, en réalité, est déjà de 62,8 années- tout en réduisant son montant, à travers son mode de calcul, sa désindexation sur l’évolution des prix, pour aboutir à leur réduction donc à la baisse du pouvoir d’achat des retraités, y compris les plus insuffisantes !(2)

Second exemple : la réforme, plutôt le sabordage de la fonction publique que Macron veut réduire de 120 000 agents, 50 000 dans la fonction publique d’Etat, 70 000 dans les collectivités territoriales et les hôpitaux ! Au moment où l’on mesure qu’ils font cruellement défaut dans tous les domaines et sur tout le territoire. Les soignants sont en grève ce lundi et n’arrêtent pas de souligner les manques de personnels, comme dans les EPHAD. Et dans tous les autres services publics insuffisants et trop inégalement répartis.

Macron n’est pas en train de changer de cap. Il est là pour mettre en oeuvre des politiques libérales. Or c’est le libéralisme qui est à l’origine de la crise qui n’en finit pas et dans laquelle les sociétés occidentales s’enlisent pour « sauver le capital »? Elles gèrent au nom et pour la finance, au seul profit d’une minorité de très riches disposant du pouvoir économique, politique et médiatique. N’hésitant pas à trafiquer le système électoral pour s’assurer de la continuité du pouvoir.

Ce n’est pas en baissant les impôts qu’on augmentera le pouvoir d’achat de ceux qui en ont le plus besoin : c’est en s’attaquant aux profits et aux privilèges fiscaux des plus riches, en donnant des droits aux salariés dans les entreprises et dans les conseils d’administration !

On ne s’attend à aucun miracle ce lundi soir mais à une tentative de mystification supplémentaire assortie de quelques saupoudrages qui ne remettront pas en question le fond d’une politique annoncée qui creusera un peu plus les inégalités en se parant des plumes de la « modernité ».

La transition écologique et la justice sociale attendront.

René Fredon

(1) https://actu.orange.fr/france/le-defenseur-des-droits-jacques-toubon-denonce-les-consignes-discriminatoires-de-la-police-parisienne-magic-CNT000001eXaID.html

(2) Le rapport complet du gouvernement est disponible sur
http://www.economie.gouv.fr/rapport-economique-social-et-financier-plf2014

 

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