Le variant Delta du SARS-Cov2 : prémices à une quatrième vague

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Dr ALain Lafeuillade

par le Docteur Alain LAFEUILLADE, spécialiste en Médecine Interne et Infectiologie.

La logique d’un virus, c’est de muter
Nous l’avons bien observé avec le VIH, le virus du SIDA. Tant que nous n’avons pas eu des trithérapies capables de bloquer complètement la réplication virale, les thérapeutiques disponibles ne faisant que ralentir la multiplication du VIH, et celui-ci développait des mutations de résistance à ces traitements. Ce n’est pas le cas du SARS-Cov-2, agent de la Covid-19, puisqu’il n’y a pas encore de traitement efficace contre lui. Mais en se multipliant, le virus donne naissance à de nombreux mutants : certains ont un avantage sélectif car ils sont plus contagieux, et prennent le dessus, d’autres ont des mutations qui ne leur confèrent aucune agressivité particulière, et ils vont disparaître.

Le variant Delta
Il a été initialement détecté en Inde fin 2020. Plusieurs études ont montré qu’il était 60 fois plus transmissible que le variant Alpha (Britannique), ce dernier étant déjà 3 fois plus contagieux que la souche initiale de 2019-2020.

Il faudra néanmoins attendre le 11 mai 2021 pour que l’OMS le classe parmi les « variants inquiétants ». En fait, il a été responsable de la seconde vague en Inde dès février 2021. Vue la précarité du système de santé indien, il fut difficile au départ de déterminer si ce variant entrainait des maladies plus graves ou si l’hécatombe observée en Inde n’était pas simplement le résultat d’une inefficacité de prise en charge. Il aura fallu observer les premiers cas épidémiques en Grande Bretagne pour s’assurer que le variant Delta entraînait des cas de Covid-19 au moins 19 fois plus graves que le variant Alpha.

Depuis est apparu le variant « Delta Plus » qui contient en plus une mutation déjà présente sur le variant Alpha. L’épidémie importée en Grande Bretagne a aussi montré que ce variant touchait avant tout des personnes jeunes, non vaccinées, ou des personnes n’ayant reçu que la première dose du vaccin.

À ce jour plus de 90 pays ont détecté le variant Delta sur leur territoire.

Avec les vacances d’été et la mobilité retrouvée des populations, il est logique que le variant Delta prenne peu à peu sa place au détriment du variant alpha. Dans le Var, le variant delta est passé de 10% des contaminations à 23% rien qu’en une semaine. Les Alpes Maritimes sont encore plus touchées puisque le variant Delta représente actuellement 43% des nouveaux cas d’infection.

Le variant Delta : un défi pour la vaccination ?
En fait le variant Delta comporte quinze mutations « nouvelles », dont certaines sont déjà présentes chez des variants préoccupants comme le variant anglais ou le variant sud-africain. Il est donc licite de se poser la question de l’efficacité des vaccins face à ce variant agressif.

Des réponses à cette question nous viennent principalement de Grande Bretagne où le variant Delta est devenu majoritaire, ayant infecté à ce jour plus de 50 000 personnes, et étant responsable d’une reprise de l’épidémie : le nombre de contaminations quotidiennes est passé de 2000 à 7000 personnes ces dernières semaines et double tous les 11 jours.

Mais les données sur l’efficacité de la vaccination sont plutôt rassurantes. Le tableau ci-dessous résume l’efficacité vaccinale pour les 2 vaccins majoritairement utilisés en Grande Bretagne.

Efficacité Pfizer 1ère dose Efficacité Pfizer

2ème dose

Efficacité Astra-Zeneca 1ère dose Efficacité Astra Zeneca 2ème dose
Variant Alpha (Britannique)  

50%

 

93%

 

50%

 

66%

Variant Delta (Indien)  

33%

 

88%

 

33%

 

60%

 

On constate donc quand même une baisse d’activité de la vaccination, surtout par Astra Zeneca, sur le variant Delta.

Une observation identique a été faite aux USA où le Professeur Antony Fauci incite la population à effectuer rapidement la seconde injection (ils utilisent surtout le vaccin Pfizer).

Le laboratoire qui a mis au point le vaccin Moderna (vaccin à ARN messager comme le vaccin Pfizer) a assuré que son vaccin gardait une « activité neutralisante » contre le variant Delta. Dans une étude effectuée par le laboratoire, des personnes vaccinées et confrontées au variant Delta ont vu leur production d’anticorps diminuée, par rapport à une infection par une souche non mutée, mais restant dans des valeurs qui assurent une protection.

Enfin, la firme Johnson & Johnson qui fabrique le vaccin Janssen, vaccin à vecteur adénoviral, une technique « classique » différente des vaccins à ARN messager, a dévoilé 2 études, dont une réalisée à l’hôpital de Boston, montrant que leur vaccin à une seule injection est efficace contre le variant Delta et de façon durable.

Les scientifiques et le Ministre de la Santé sont-ils trop prudents ?
Certainement pas! Jean-François Delfraissy, Président du Comité Scientifique appelle dès à présent à une obligation de la vaccination anti-Covid-19 chez les soignants, et je l’approuve. Comme j’ai défendu pendant des années l’obligation vaccinale contre la grippe chez les soignants, car il y a régulièrement des cas de transmission nosocomiale de la grippe de soignant à patient. Après tout, la vaccination contre l’hépatite B (l’hépatite B chronique est incurable et conduit à la cirrhose puis au cancer du foie) est obligatoire et très bien acceptée chez les soignants. Cela voudrait-il dire que quand le risque est pour soi on accepte la vaccination, quand il est pour les autres c’est moins évident ? Cela est inadmissible.

L’incitation à la vaccination du Ministre Olivier Véran dès maintenant pour tout le monde est tout à fait justifiée pour éviter (ou limiter) une quatrième vague à la rentrée, voire dans l’été.

Ces vaccins ont maintenant été utilisés sur des millions de personnes et prouvé leur innocuité, ne pas se faire vacciner relève de l’irresponsabilité individuelle et collective.

Pour sortir du cycle vicieux confinement/mesures de freinage, puis re-confinement/mesures de freinage, il n’y a que la vaccination.

Pour reprendre une image du Professeur Gilles Pialoux de l’hôpital Tenon à Paris, publiée dans les médias il y a quelques mois: « Passer 3 semaines en réanimation pour une forme grave de Covid-19, c’est très fatiguant. Passer ensuite plusieurs mois en rééducation, c’est épuisant. »

Et en population générale ?
Là je m’autorise à être moins catégorique qu’Olivier Véran, il faudra peut-être discuter de l’obligation vaccinale en population générale, puisque ces variants amènent le taux de personnes vaccinées nécessaire pour assurer une immunité de groupe de 60% à 80-90%. Après tout n’impose-t-on pas une douzaine de vaccins obligatoires aux enfants jusqu’à 12 mois ?

Ceci est un changement d’avis de ma part sur cette question, le SARS-Cov-2 s’avérant un virus imprévisible.

Mais c’est peut-être déjà le choix du gouvernement, avec le « Pass-sanitaire » qui va devenir de plus en plus souvent obligatoire. Les tests PCR et les tests antigéniques des personnes asymptomatiques ne seront plus remboursés (étant réalisés pour voyager ou simplement assister à un concert), et il ne restera plus que la vaccination comme option gratuite.

Docteur Alain LAFEUILLADE,
spécialiste en Médecine Interne et Infectiologie.

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