Il est un temps que les moins de 40 ans ne peuvent pas connaître, Toulon en ce temps là mettait à l’honneur la littérature. En 1984, avec le regretté Docteur Pierre Perruchio adjoint à la culture, nous voulions rendre hommage à un prix Nobel de Littérature (1960) qui, après une longue et brillante carrière diplomatique avait terminé sa vie sur la presqu’île de Giens.
Pour organiser cet évènement la fondation Saint John Perse basée à Aix en Provence avait bien voulu nous ouvrir ses archives. Quelle ne fut pas notre surprise quand nous apprîmes que le premier adhérent de cette fondation était un certain …Monsieur Jacques Chirac.
Étonnant car faut-il le rappeler, Saint John Perse de son état civil Alexis Léger fut le conseiller de Monsieur Édouard Daladier, figure du parti radical. En 1938, à la Conférence de Munich, Léger tente en vain de s’opposer au démantèlement de la Tchécoslovaquie que scellent pourtant au profit d’Hitler les accords signés le 29 septembre (avec la capitulation que l’on sait, à propos de la question des Sudètes). Lors de la négociation, il fait preuve en tant que conseiller diplomatique de Daladier, d’une véhémence toute particulière qui fit dire à Hitler « Quel est ce nègre qui m’a tenu tête ? »
Il ne nous en fallait pas plus pour proposer au Maire de Paris Monsieur Jacques Chirac, de venir à Toulon pour inaugurer l’exposition intitulée « D’Amer à Nocturne ».
Indisponible à cette période, c’est son fidèle ami Yves Guéna qui vint le représenter au Musée de Toulon. Son compte-rendu dût être assez élogieux pour qu’il décide de la présenter à la Mairie de Paris l’année suivante.
Par la suite, devenu Premier Ministre, c’est Jacques Chirac qui facilitera les choses pour que l’exposition soit présentée à l’ambassade de France à Washington.
Ceux qui pensaient et pensent encore que Jacques Chirac était un inculte, n’aimant que la bière et les femmes, en sont pour leurs frais.
En 1989, ayant gardé le contact direct avec Monsieur Jacques Chirac, nous lui proposions de parrainer l’événement phare des Rencontres Littéraires de Toulon ©, où nous souhaitions fêter le centenaire de l’École Estienne.
En préfaçant la manifestation « La poésie s’affiche » © que nous avions confiée cette année-là à l’École Estienne, Monsieur Jacques Chirac une nouvelle fois nous honora d’un texte qui élevait les métiers du livre au rang de chef-d’œuvre. Il est vrai qu’à cette époque, les Rencontres Littéraires de Toulon © avait pour ambition d’être autre chose qu’une foire aux livres.
En apprenant aujourd’hui le décès de Monsieur Jacques Chirac, c’est une forte émotion qui nous envahit. En nous quittant aujourd’hui, c’est la porte de notre jeunesse qu’il referme à jamais. Le temps passe mais le souvenir reste.
Au revoir Monsieur mon Président.
Laurent di Gennaro