Port de Toulon : Le domaine public va y laisser des plumes

0

Si l’on en croit les révélations de la presse (VM 23/9) qui ne passe guère de jour sans consacrer beaucoup d’espace aux travaux engagés dans la préfecture du Var pour en souligner le dynamisme et l’audace. Comme si l’on disait aux Toulonnais.es : « le projet est parti, il ira à son terme, plus besoin de concertation, les électeurs trancheront ».

Sauf que cette « information » prend des allures de publi-reportage très bienveillant payé par les contribuables.

Durant trois jours, le « club de l’immobilier Toulon-Provence » crée pour accompagner la transformation de la métropole, avait réuni ses 180 professionnels pour en savoir un peu plus sur le projet dit « de Mayol à Pipady ». La veille le maire leur avait vanté les charmes de « la plus belle ville du Var » et les « 800 millions investis en 12 ans par des privés« . Il pense beaucoup à eux, en effet.

Le lendemain, ce n’est pas un élu qui leur a mis l’eau à la bouche mais le PDG de Smart city consulting, assistant du maître d’ouvrage, TPM, François Jalinot qui dirigea l’aménagement de la rénovation urbaine de Marseille. Il est à la recherche d’investisseurs et de projets sur les 4 lots, au total 44 ha à aménager, en bord de mer. Assez alléchant, on n’en doute pas.

Des appels à projets ont déjà été lancés, selon le chargé de mission qui souligne le succès de la procédure. Les groupements retenus seront désignés à l’automne.

Il a laissé percer quelques informations inédites. On apprend que sur le site de l’ex-DCNs, l’Arsenal du Mourillon, Mr Jalinot a parlé d’y créer « un attracteur touristique« , formule un peu vague qui peut laisser penser à un casino, comme à un grand manège ou à de l’hôtellerie haut de gamme, prévue sur plusieurs lots…Il avance « une cité de l’innovation » et le déplacement possible du Musée de la Marine, tout ça à proximité du quai de 400 m pour les très grands paquebots.

Il imagine à haute voix comme s’il sortait devant les professionnels de l’immobilier des propos à brûle-pourpoint, qui n’engagent pas la collectivité, histoire de les faire saliver devant un site que beaucoup souhaiteraient occuper pour y rentabiliser les capitaux investis outre ceux consacrés aux travaux publics.

Les lauréats ne pourront pas s’approprier les sites, on est sur le domaine public et à proximité du domaine militaire, mais c’est tout comme : il est prévu d’occuper le territoire public durant…70 ans !!! C’est l’astuce pour ne pas parler de privatisation du domaine public mais ça y ressemble terriblement.

Le club de l’immobilier a donc pris acte que l’ancienne DDE, direction départementale de l’Équipement, en bord de mer, devenue la direction départementale des territoires et de la mer DDTM, serait cessible, donc privatisable.

Le lot qui inclus la caserne des pompiers -« dont le foncier est maîtrisé »- selon le représentant de TPM qui dit « attendre une offre de logements de qualité » On devine que ce n’est pas pour résorber le manque de logements sociaux. Mais bien plutôt pour modifier la sociologie de la ville et son attactivité pour un tourisme lui aussi « de qualité ».

Voilà comment d’un réaménagement du Port pour y accueillir les plus grands navires et yachts de haute plaisance, on a fait miroiter aux Toulonnais qu’on ne toucherait pas au patrimoine public et on découvre que l’on va livrer à la spéculation foncière une grande partie du bord de mer même si on laisse une promenade publique accessible et un espace public, parc, parking…à Pipady.

C’est tout ce qui différencie ce vaste projet de la réalisation des plages du Mourillon, il y a plus de cinquante ans. Elles ont un énorme succès et une fréquentation à la fois populaire et touristique car accessibles à toutes les catégories sociales.

Ce que son maire, H. Falco qui soigne son image de bâtisseur, essaie de minimiser, c’est que nos trois ports de Marseille Nice et Toulon, proches ou dans les centres-villes, sont dans le top 50 des ports d’Europe les plus pollués (Étude de l’ONG Transport et Environnement publiée le 5 juin 2019). Toulon à la 49è place, certes, un peu mieux que Nice (39è) et Marseille (8è).

Une page du quotidien achetée début septembre par TPM traduisait la « performance » de Toulon comme « la ville qui dépollue le plus ! » Et dont les quais seront électrifiés…d’ici 2023. « Ce sera même le 1er port de la Méditerranée  à l’être », insiste TPM. FAUX, Marseille a déjà commencé mais il reste beaucoup à faire. Une subvention de 30 millions d’euros vient d’être accordée par la Région et l’État à ces trois ports pour l’électrification complète…à moins d’un an des municipales : simple coïncidence.

Les grands paquebots ou ferries vont encore émettre pas mal de dioxyde d’azote et de soufre ajoutés au Co2 et aux particules fines en attendant, d’autant que les bateaux ne sont pas encore adaptés à cet incontestable progrès qui évitera que les moteurs au fioul lourd tournent en permanence quand ils sont à quai. Il reste aussi à obtenir que les normes, la teneur du fioul soit la même en Méditerranée que dans les mers du Nord.

On ne connaît pas de maires qui ne veulent pas améliorer la qualité de l’air. Toulon n’avait même pas de station de contrôle de l’air pollué . Celui de Toulon voudrait que « sa » ville rivalise avec les plus grands ports jusqu’à recevoir les « géants des mers ».  À Venise comme à Nice, les édiles cherchent à contenir un trafic qui atteint ses limites tant les conséquences sur l’environnement et sur les habitants ont dépassé les limites. Car c’est aussi et d’abord une question de santé publique.

Soigner la « vitrine » de la ville c’est une chose à condition d’améliorer le cadre de vie des Toulonnais et l’air qu’ils respirent, pas de livrer le patrimoine public aux spéculateurs qui ont l’oeil rivé sur le cadran de leurs profits. Tandis que nous payons les infrastructures qu’ils utilisent.

René Fredon

 

 

 

 

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.