Infection à VIH et SIDA : le risque de la banalisation

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Pendant quelques jours, le SIDA est redevenu d’actualité… Le temps de la campagne du Sidaction, on a rappelé que 6000 personnes sont infectées chaque année en France et que 30 000 sont infectées mais l’ignorent…

Le Dr Alain Lafeuillade, chef du service des Maladies Infectieuses au Centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne, suit l’évolution de cette maladie, qui faisait peur avant les années 1990, mais se banalise aujourd’hui. Il a bien voulu faire le point sur les risques actuels, et les perspectives…

 

NF : Dans notre région – parmi les plus exposées à l’infection à VIH – quelles sont les populations les plus touchées ?
Dr Alain Lafeuillade: « Les nouvelles découvertes de séropositivité concernent essentiellement des homosexuels ou bisexuels masculins. Il peut s’agir de personnes infectées depuis plusieurs années et qui sont restées sans symptôme jusque là. Le VIH ne détruisant que très progressivement les défenses immunitaires de l’organisme, 5 à 8 années peuvent s’écouler entre la contamination et les premières complications de la maladie. Il peut s’agir aussi d’infections récentes, notamment chez de jeunes homosexuels qui n’ont pas connu ce qu’était le SIDA jusqu’à la fin des années 90, et ont donc une image très banalisée de l’infection. L’usage du préservatif est loin d’être systématique, et le multi-partenariat avec des personnes de rencontre accroît encore le risque de s’infecter. Souvent, ces personnes se disent que si elles contractent le VIH, il y aura, certes, la trithérapie à prendre, mais que celle-ci est maintenant bien supportée et ne comporte plus que un ou deux comprimés par jour – ce qui est vrai – et banalise encore plus la chose. »

NF : L’information du public est-elle à la hauteur de l’enjeu ?
Dr Alain Lafeuillade: « Les campagnes de prévention ont peu à peu disparu ces dernières années. Une information grand public est pourtant nécessaire pour dire que la maladie est toujours là, avec 6000 nouvelles personnes infectées par an en France, et que la trithérapie n’en guérit pas. Une information plus ciblée vers les « publics à haut risque », comme les homosexuels qui fréquentent les « lieux de consommation sexuelle » et qui, souvent, ne se font jamais dépister, est primordiale. Elle nécessite une aide au milieu associatif, qui est mieux accueilli comme interlocuteur que les soignants, vus comme des « moralisateurs »… »

NF : Après les trithérapies, quelles sont les avancées thérapeutiques que l’on peut espérer ?
Dr Alain Lafeuillade: « On a énormément amélioré les trithérapies ces dernières années, et on continue à le faire : moins de comprimés, moins d’effets secondaires immédiats, mais aussi à long terme. Ces trithérapies sont tellement efficaces que les dernières études portant sur l’espérance de vie de séropositifs traités, semblent démontrer qu’elle rejoint peu à peu l’espérance de vie de la population séronégative.

Les recherches pour éradiquer le virus et pour trouver un vaccin sont menées par de nombreuses équipes à travers le monde mais n’aboutissent pas, pour l’instant. Récemment, l’équipe du Professeur Monsef Benkirane, du CNRS de Montpellier, a décrit une molécule présente sur les cellules infectées de façon latente par le VIH. Il s’agit de « réservoirs » du virus qui font que, chaque fois que la trithérapie est arrêtée, la multiplication virale repart et remet en marche la machinerie de destruction des cellules immunitaires. Il va falloir plusieurs années pour trouver et tester des médicaments destinés à détruire ces « cellules réservoirs ». De façon plus certaine et réaliste, je pense que nous disposerons, à moyen terme, de trithérapies injectables à effet retard : les patients viendront à l’hôpital pour une injection intra-musculaire tous les 2 à 4 mois, selon les molécules, et n’auront pas de pilules à prendre entre temps. Ce sera aussi une garantie pour le médecin, que le traitement a bien été pris, sans périodes de relâchement… »

N.F.

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