Gilets jaunes et trou de la sécu

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Depuis quelques jours, le rouleau compresseur médiatique pilonne l’opinion pour attribuer aux Gilets jaunes le trou de la sécu !

Il y a un an, lors de l’élaboration du plan de financement de la sécurité sociale pour 2019, la ministre Agnès Buzyn et celui du budget, Gérald Darmarin annonçaient triomphalement qu’il n’y avait plus de déficit de la sécu. Toutes branches confondues, le budget serait légèrement excédentaire ! « C’est nous les meilleurs, en moins de deux ans on a fait mieux que de combler les déficits ! »

Mais voilà que, à partir de novembre 2018, les Gilets jaunes envahissent les ronds-points tous les samedis pour dire « stop à la baisse du pouvoir d’achat, stop aux cadeaux fiscaux aux grandes entreprises, aux taxes sur l’essence »… Ils arrachent quelques concessions au gouvernement que celui-ci estime à 5,5 mds.

Certaines manifs dégénèrent du fait d’interventions policières disproportionnées et d’agissements de groupes incontrôlés -mais qui peuvent rendre d’utiles services- débouchant sur des violences gratuites et des déprédations immédiatement mises sur le compte des Gilets jaunes afin de les  rendre impopulaires. Peine perdue.

L’occasion pour le gouvernement, neuf mois plus tard, en juin 2019, de revoir son discours et ses annonces : la colère des Gilets jaunes aurait coûté 3,1 mds à la sécu dont le budget repasse dans le rouge. S’y ajoutent une baisse de la croissance ainsi qu’une moindre hausse de la masse salariale qui se répercutent sur les recettes de la sécurité sociale. Paramètres qui n’ont rien à vois avec les GJ mais avec l’échec des politiques voulues par Macron en faveur des plus riches. Par exemple

-l’incitation aux entreprises de donner en début d’année une prime aux salariés.es moyennant une exonération des cotisations sociales jusqu’à 1 000 euros. Coût : 400 millions d’euros

-l’exonération des cotisations sur les heures sup a été avancée au 1/1/19. Coût : 1,2 mds d’euros

– la baisse des cotisations sociales sur les salaires décidée en 2018 devait être compensée par une hausse de la CSG. La hausse de la CSG sur les retraites a été annulée pour les retraités dont le revenu est inférieur à un certain seuil. Coût : 1,5 Mds d’euros.

Mettre ces nouveaux cadeaux fiscaux au patronat sur le dos des gilets jaunes relève de la duplicité !

Fin septembre 2019, nouvelle estimation et confirmation de l’explication officielle : « les mesures prises en faveur des gilets jaunes ont dégradé les comptes de la sécu » à hauteur de 5,4 mds en 2019 (au lieu de 0,7 mds d’excédent prévus il y a un an !) Donc déficit prévu en 2020 de 5,1 mds. Le retour à l’équilibre prévu en 2020 est reporté en 2023.

La décision de baisser le taux de la CSG prélevée sur les retraites dont le revenu fiscal est inférieur à 2 000 euros coûterait à la sécu 1,6 mds pour la seule branche « retraite »

Une stratégie  limpide
Comme pour les migrants qui, disent-ils, viennent grever nos finances publiques, les GJ sont les coupables désignés qu’il faut opposer à ceux qui ne manifestent pas, qui ne revendiquent pas, qui se contentent des explications que leur donne le pouvoir à travers ses caisses de résonance que sont les médias, aux mains des milliardaires soignés aux petits oignons par leurs amis du gouvernement.

Ils sont si sensibles à leurs requêtes et au maintien de l’ordre dans la rue comme dans leurs entreprises. C’est qu’il y a, d’un côté, ceux qui décident et qui encaissent et, de l’autre, ceux qui exécutent et qu’on vire de plus en plus facilement : rupture conventionnelle, un petit pécule et au-revoir, plus d’indemnités-chômage ! On n’arrête pas le progrès social, il y en a tellement qui attendent.

Ces grands patrons ont, eux, de quoi se payer des lobbyistes professionnels permanents, pour faire le siège des ministères et les aider à faire les bons choix, tellement ils sont persuasifs. Et on s’étonne  de la suspicion qui règne et fleure bon le conflit d’intérêts. Dassault, père et fils étaient à la fois députés et PDG d’une multinationale florissante produisant des avions de guerre dont le principal client est l’État. Ils étaient aussi patrons du Figaro : pas besoin de lobbyiste ! Ainsi va la « démocratie ».

Ce sont ces gens-là, gavés de pognon pour plusieurs générations qui décident du niveau de nos retraites, eux qui n’en ont pas besoin et qui n’hésitent pas à nous faire travailler et cotiser plus longtemps pour gagner moins. Ils ne pensent jamais à augmenter les cotisations patronales, c’est tout de même curieux ? Les entreprises du CAC 40 ont distribué 46 milliards à leurs actionnaires, rien qu’au 2è trimestre 2019 et on cherche ailleurs quelques milliards pour équilibrer les comptes de la sécu !

De qui se moque-t-on ? Certaines entreprises, petites et moyennes, ont certes trop de charges, pas les multinationales, Macron les transfère sur les plus modestes et cela fait encore plus de pauvreté, plus de précarité, plus d’injustice sociale et fiscale. Chacun en fait l’expérience.

Les Gilets jaunes qui sont entrés dans notre histoire sociale ont toujours les mêmes raisons et la même volonté d’agir. Les colères sociales se multiplient. Le pouvoir accélère la démolition de notre modèle social et de nos services publics.

Loin de se résigner, les GJ réfléchissent aux formes, à l’efficacité de leur lutte, à la nécessité de conjuguer leur force mobilisatrice pacifique avec celles du mouvement syndical et associatif notamment qui ont les mêmes objectifs de progrès et de justice sociale comme de la prise en compte de l’urgence écologique.

Pour passer des actions corporatistes largement justifiées mais trop isolées à un rassemblement qui stoppe les velléités de destruction massive du macronisme et dessine les contours d’une société émancipée de la domination de la finance mondialisée.

René Fredon

 

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