Le FN embarqué dans une falsification des propos attribués à un imam…
Ils avaient été moins virulents que Christian Estrosi après l’horrible tuerie du 14 juillet qui a fait 85 victimes et des centaines de blessés. Marion Maréchal-Le Pen qui n’a pourtant pas froid aux yeux quand il s’agit d’en rajouter dans la surenchère sécuritaire et identitaire, s’était montrée relativement plus discrète lors de l’hommage rendu aux victimes en présence du 1er ministre, copieusement sifflé ainsi que le ministre de l’Intérieur.
C’est que l’ancien maire de Nice, devenu président du conseil régional, est toujours en charge de la sécurité de « sa » ville, comme 1er adjoint. Il n’entend pas se laisser doubler sur ce terrain par ses concurrents aux dents longues d’extrême-droite qui récusent ce qualificatif mais qui sont allés chercher le co-fondateur du bloc identitaire, Philippe Vardon pour le faire élire aux régionales après avoir refusé son entrée, deux ans auparavant, au rassemblement bleu marine auquel il avait adhéré. « C’était une erreur… » a dit le bureau, sous la pression de G. Collard. Car le personnage est très marqué à l’ultra-droite la plus radicale et même le Fn, en pleine « dédiabolisation », le trouvait encombrant.
C’est d’ailleurs pour cette raison que la présidente n’a pas hésité à faire exclure son père-fondateur aux formules provocatrices volontairement marquées du sceau de la tradition nationaliste, raciste et xénophobe, antirépublicaine. Pourtant, avec sa nièce, elles ont trouvé parfaitement présentable cette recrue rejetée quelques mois auparavant. Au point d’en faire un conseiller régional et même un responsable politique à Nice. On a des principes ou on n’en a pas !
Estrosi, devancé au 1er tour par M. Maréchal-Le Pen de 14% n’entend pas lui laisser le monopole du discours musclé identitaire et du rôle de principal opposant au gouvernement. Déjà, dans la campagne des régionales, fin avril 2015 il n’avait pas hésité à parler de la présence « de cinquièmes colonnes islamistes », allant jusqu’à dire que « la troisième guerre mondiale était déclarée au judéo-christianisme » pour ne pas être en reste avec la famille Le Pen, histoire de rassurer le même électorat.
Dès août 2015, le FN trouvait Estrosi trop complaisant, l’accusant de laisser l’imam Sadouni « faire l’apologie des djihadistes « , leur nouveau cadre se montrant particulièrement « utile » pour chauffer l’opinion et faire monter les enchères sécuritaires et guerrières. Il avait même crée « Nissa Rebela » pour ça.
Devenu responsable niçois du Fn, Vardon demandait au préfet la fermeture de la mosquée et de la librairie et portait des accusations graves contre l’imam qui pourtant n’approuvait pas les prières de rue au pied d’une HLM mais tenait bon pour que les musulmans disposent de lieux de culte dignes.
Il prenait même position publiquement contre le Fn, ce qui attisait leurs foudres islamophobes facilement inflammables.
La chef de file, FN M. Maréchal-Le Pen, fondait sur cette proie, y voyant « les accointances islamistes et les fantasmes complotistes de l’imam Sadouni » qu’il faut expulser du territoire, demande un autre conseiller régional fn, Bettati.
Au lendemain des évènements du 14 juillet 2016, un journal italien très à droite, Il giornale, appartenant au frère de Berlusconi, chargé par Marion Maréchal Le Pen de lui faciliter les contacts avec ses confrères français a, comme par hasard, l’idée d’interviewer l’imam auquel il prête des propos que ce dernier dit n’avoir pas tenus, à commencer par le titre : »S’il y a des attentats, c’est la faute de la laïcité des Français » !
L’imam qui affirme avoir été « piégé » par ce journal aux liens évidents avec le Fn, a décidé de porter plainte pour diffamation le 28 juillet 2016 : « Ce sont des propos que je n’ai jamais pensés et encore moins prononcés. Je suis l’objet d’une cabale du Front national : ils ont monté une machination pour se venger de mes prises de position contre eux… » a-t-il confié au journal Le Monde du 4-8-16.
La justice est donc saisie. Comme d’habitude le FN se défend de tout complot et continue sa campagne visant, entre autre, à s’opposer à toute construction de mosquée et à suspecter tout imam d’être un prêcheur salafiste. Leur crédo : « des églises, oui, des mosquées, non ! »
Bien sûr il faut neutraliser toute personne suspecte de prosélytisme « radical » et/ou tenant des propos favorables à Daesh, à ses méthodes, à ses buts…mais en restant dans le cadre d’un Etat de droit et de ses valeurs républicaines dont la laïcité n’est pas la moindre.
Il est aussi indispensable de s’interroger sur l’origine de la situation qui a vu cette organisation criminelle apparaître, se développer, se financer, s’armer et recruter jusque dans nos sociétés militairement présentes au Proche et Moyen-Orient comme en Afrique. Et, n’en déplaise à Manuel Valls, expliquer n’est pas justifier mais comprendre pour mieux extirper le poison et stopper la contagion. Il n’y a rien de fatal.
Pour les communistes, ce n’est surtout pas en divisant la société selon les croyances ou les origines ethniques qu’on va trouver les réponses, qui sont aussi sociales, mais dans l’unité de la nation pour que prévale une culture de paix, de dialogue et de respect des différences. Pour qu’à la guerre à outrance se subsituent la diplomatie -sous l’égide de l’ONU- le co-développement dans le respect des indépendances nationales.
Le pape François a été très clair tout récemment en allant dans ce sens et même très loin en mettant en cause le « dieu argent » à la base des guerres pour la possession des richesses par la domination des peuples.
Il est urgent qu’ensemble, croyants de toutes les religions et non-croyants, nous nous engagions sur cette voie de la raison et de la sagesse.
René Fredon
