Lundi matin, dans une pharmacie de Saint-Raphaël, cette petite dame est déconfite. « Non, pas de masque, on les attend », lui dit la pharmacienne. Dans la grande surface voisine, « les commandes ne sont pas arrivées », prévient un panneau à l’entrée, au grand désespoir de centaines de clients qui font demi-tour. Un peu plus loin, dans une autre enseigne, le premier stock livré a été dévalisé en une poignée de minutes. « Il faut venir demain dès l’ouverture » conseille l’agent de sécurité aux clients. Dans un supermarché plus loin, les « bons » clients avec carte de fidélité ont pu réserver leur fameux lot de protection. Comme on achète de la choucroute en promotion. Cette enseigne – comble de l’indécence – « se mobilise pour ceux qui retournent travailler » claironne son site. Les autres citoyens, on s’en moque.
Voilà à quoi a abouti la gestion désastreuse des masques de protection : à une grande course anxiogène pour acquérir ce fameux objet demain indispensable. Les citoyens confinés avaient-ils besoin de ce regain d’inquiétude ?
Quelle vaste mascarade ! Et comme il est révoltant d’apprendre que les grandes surfaces vont vendre quelque 400 millions de masques, alors que depuis des semaines, les personnels de santé en manquent (les médecins ont droit à une dotation misérable de 12 masques chirurgicaux et 6 FFP2 par semaine), que plusieurs soignants sont décédés des suites d’une contamination sur leur lieu de travail, que des milliers de patients ont été atteints.
Pendant ce temps des millions de masques ont été utilisés dans des productions non essentielles : hélicoptères de guerre chez Airbus, voitures chez Renault et PSA…
« Consternation et dégoût »
Aujourd’hui, Carrefour (225 millions de masques prévus), Leclerc, Super U et consorts mettent en effet sur le marché des millions de masques, soi-disant «à prix coûtant» . Le président du Groupe Carrefour France, Alexandre Bompard, confirme bien qu’il a stocké 175 millions de masques chirurgicaux depuis le début du confinement, en vente depuis lundi 4 mai à 0,60€ pièce ! Début mars, un paquet de 50 masques coûtait encore 10,99€ la boîte. Et habituellement le prix se situe autour de 0,08€ pièce.
Aujourd’hui, l’achat de ces masques représente un coût bien trop élevé pour beaucoup de familles : de 100 à 200 euros par mois. C’est énorme. Nul ne doit avoir à choisir entre préserver sa santé (et celle des autres) ou manger à sa faim.
L’ordre des infirmiers juge pour sa part « intolérable et révoltante » l’apparition comme par miracle de ces centaines de millions de masques dans les grandes surfaces. « La consternation s’allie au dégoût » ajoutent les ordres nationaux des professions de santé dans un communiqué commun. Et de résumer : « Toute guerre a ses profiteurs ». On ne saurait mieux dire.
En Italie, les habitants ont droit à 30 masques gratuits par mois. En France, le gouvernement a utilisé la filière bénévole pour équiper les habitants en valorisant la solidarité et le «geste citoyen». Des milliers de couturières ont fabriqué des masques en tissu distribués gratuitement aux personnels soignants et aux entreprises publiques et privées.
Réquisitions !
Pourtant, 2 300 entreprises françaises peuvent fabriquer des masques ; 700 seulement ont été mobilisées. Des fermetures d’usines ont encore eu lieu récemment, alors que le gouvernement avait été alerté au sujet de cette pénurie : en 2018 puis en 2019, l’agence Santé Publique France avait prévenu Jérôme Salomon de l’insuffisance des stocks. Par deux fois, cette demande a été ignorée.
Tout ceci est inadmissible ! Nous devons exiger :
– La réquisition des usines pouvant produire les masques, surblouses et matériels médicaux nécessaires
– La distribution gratuite de masques pour toutes et tous.
Par le collectif « Plus jamais ça Est Var »
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