Audience solennelle à la CRC

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Audience solennelle
Chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur le 14 février 2019

VERBATIM
M. Nacer Meddah, président de la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur

Seul le prononcé fait foi.

Madame la sous-préfète, directrice de cabinet, merci beaucoup d’assister à l’audience solennelle de la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d ‘Azur.

Le concours du représentant de l’État est indispensable au bon exercice de nos missions et votre présence témoigne encore une fois de la qualité des relations et de la confiance que nous avons nouées, membres du corps préfectoral et membres de la juridiction.

Monsieur le Premier président, nous sommes tous, ici à la chambre, d’autant plus honorés de vous accueillir cette année encore, que nous vous savons très sollicité en ce moment de diffusion du rapport public annuel de la Cour des comptes.

J’en profite également pour saluer le président de la mission permanente d’inspection et à travers lui son prédécesseur, Jean-Yves Bertucci qui a officié pendant plus de cinq ans. Je salue amicalement l’actuel président qui a été mon mentor à mon arrivée à la Cour des comptes.

Je salue également le reste de votre délégation Monsieur le Premier président ainsi que le représentant du Procureur général près la Cour des comptes, Monsieur Christophe Luprich, substitut général.

Mesdames et Messieurs les parlementaires, Monsieur le ministre, maire de Marseille, Mesdames et Messieurs les élus locaux,

Mesdames et Messieurs les représentants des autorités judiciaires, Monsieur le Premier président et Monsieur le procureur général de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence,

Messieurs les présidents des tribunaux de grande instance et Messieurs les procureurs de la République,

Mesdames les présidentes de la Cour administrative d’appel et du tribunal administratif de Marseille,

Mon Général, gouverneur militaire de Marseille, officier général de la zone de défense et de sécurité sud,

Mesdames et Messieurs les représentants des autorités administratives, civiles et militaires,

Mesdames et Messieurs,

Au nom de l’ensemble des membres de la chambre, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie pour votre présence aujourd’hui parmi nous. Malgré le poids de vos obligations respectives, elle constitue une marque de considération à l’égard de notre juridiction à laquelle tous ici nous sommes très sensibles.

Quand on oublie le citoyen, il se rappelle à nous. Qu’est le citoyen pour les juridictions financières ? Si la question est redoutable, la réponse est en fait évidente. Il est tout pour nous. Il constitue le cœur de notre mission : notre devoir de lui rendre des comptes sur la gestion publique.

Oui, quand on oublie le citoyen, il se manifeste. Si on ne l’entend pas bien, il le fait savoir. Il ne veut pas que du pouvoir d’achat, il réclame également de la justice et du service public. A cet égard, Monsieur le Premier président, le rapport public annuel de la Cour des comptes a, cette année, une fois encore, été un révélateur des interactions entre les attentes du citoyen et les enjeux de la gestion publique.

Qu’attend exactement le citoyen de nous ? Il exige d’être correctement informé sur la chose publique. Pour éviter qu’il ne s’égare sur le terrain des préjugés, qu’il ne soit instrumentalisé, il nous faut l’éclairer sur la réalité de la gestion publique. Il nous faut lui faire savoir quels ont été les progrès réalisés, quelles sont les difficultés qui demeurent et dénoncer les mauvaises gestions.

Informer, éclairer le citoyen sur la gestion publique n’est pas une tâche aisée. Il n’y a pas d’un côté la bonne et de l’autre la mauvaise gestion publique. Les situations sont plus contrastées, et c’est tout l’art d’un contrôle mené par les juridictions financières de mettre cela en lumière.

Contrôler, c’est avant toute chose, écouter, avec une attention soutenue, en faisant preuve du plus grand discernement. En tendant une oreille absolue, comme en musique, nous pouvons éviter toute incompréhension, tout malentendu, toute fausse note.

La justice n’est jamais dans le parti pris et ne connaît que l’objectivité : c’est pourquoi nos instructions se font à charge comme à décharge et que les procédures contradictoires, que certains peuvent juger trop lourdes et trop longues, sont les garantes des droits de la défense. Oui, sans remonter à la nuit des temps, c’est bien le citoyen qui octroie aux juridictions leur autorité, qui leur confère leur statut, qui leur impose un devoir.

Les juridictions, quel que soit leur ordre, judiciaire ou administratif, sont redevables envers les justiciables. On ne demande pas à une juridiction de faire la justice. On lui demande de rendre la justice. De rendre des comptes. Il faut en effet toujours revenir à l’essentiel, à la source de notre légitimité, à notre devoir fondamental dans le contrôle démocratique. Et pour nous, juges financiers, notre devoir premier est clair : il est de rendre des comptes au citoyen sur la gestion de l’argent public.

Ce devoir de rendre des comptes au citoyen implique plusieurs exigences: l’indépendance, l’impartialité, l’objectivité. Permettez-moi un peu d’humour en y ajoutant l’exigence de rester en éveil, ce que n’avait pas manqué de rappeler Charles Péguy en disant « un juge habitué est un juge mort pour la justice ».

Sans abuser des citations, je soumets à votre sagacité ce proverbe russe qui dit « ne craint pas la justice mais craint le juge ». Je répète « ne craint pas la justice mais craint le juge ». Ce proverbe nous renvoie à notre simple condition humaine, en nous rappelant l’humble place du serviteur de l’Etat. C’est un devoir de remplir notre mission mais c’est un défi de chaque instant d’y parvenir ou plus humblement de tendre vers cette ligne d’horizon.

Votre présence ce matin donne tout son sens, toute sa force à notre audience solennelle. L’audience solennelle donne la gravité qui sied à l’autorité de la justice. Dans les juridictions judiciaires tout comme dans les juridictions administratives, vous savez mieux que personne combien les audiences sont des moments forts, pas seulement pour des questions de reconnaissance ou de fierté professionnelle, pas seulement pour ouvrir et fermer une année judiciaire ou faire le bilan de l’année écoulée.

Oui, vous le savez bien chers collègues, avec ce rituel des audiences solennelles nous répondons présents à l’injonction silencieuse que nous adresse le citoyen de rendre encore et toujours la justice en pleine indépendance et en totale impartialité.

Chacun de vous ici entend cette petite musique, elle parle aux serviteurs de l’intérêt général que vous êtes. Même si les parcours ont été différents, nous avons tous notre propre histoire, avec un chemin qui nous a mené vers le service des autres, vers le bien commun. Cette petite musique de la chose publique vous l’entendez tous bruisser à votre oreille comme un hymne, comme notre Marseillaise du serviteur public.

Monsieur le Premier président, en m’ayant permis de rejoindre cette juridiction vous m’avez offert ce à quoi je suis le plus attaché : servir nos concitoyens en proximité, dans les territoires. Et la région PACA n’est pas n’importe quel territoire. C’est une magnifique région. Elle a tous les atouts, devrais-je dire tous les atours.

Pour notre juridiction, elle présente des enjeux de première importance en matière de gestion publique locale avec une résonnance nationale. La Cour le sait bien. Elle, qui nous demande de participer à toutes les grandes enquêtes nationales. Oui, Mesdames et messieurs les élus, une évaluation de politique publique à dimension nationale ne saurait être menée sans prendre en compte votre région.

Et je ne parle pas des richesses naturelles, culturelles, que je découvre avec ravissement chaque jour. Oui, que votre région est belle, aussi belle que Marianne est jolie, et Marianne n’est pas jolie qu’à Paris. On me demande souvent comment je m’y sens. Si je m’y plais. Jean-Claude Izzo, dont je relis en ce moment la trilogie Fabio Montale, pourrait répondre à ma place quand il écrit : « d’où que l’on vienne, on est chez soi à Marseille. Dans les rues, on croise des visages familiers, des odeurs familières. Marseille est familière dès le premier regard. »

Votre région est belle, et, comme toutes les régions, elle bouge. Votre territoire est en mouvement. Les périmètres changent, les compétences évoluent, des acteurs apparaissent, d’autres s’effacent… Oui, Mesdames et Messieurs les élus, vos responsabilités avec les vagues successives de décentralisation sont allées crescendo.

L’État, lui aussi, ne reste pas immobile. Le besoin de maîtriser les comptes publics nationaux l’a conduit à repenser son action et à réviser son organisation territoriale.

Nous sommes tous habitués à cette rengaine dont on nous rebat les oreilles, que les fonctionnaires seraient rétifs au changement, rien de neuf depuis Tocqueville. Mais permettez- moi d’y ajouter plus qu’un petit bémol. Si vous regardez autour de vous, vous constaterez en réalité que l’administration est en changement permanent. Elle est poussée sans cesse à l’innovation. Dès qu’il y a un projet pour servir les autres, les agents répondent toujours présents à l’appel.

Toutes les politiques publiques se composent désormais d’une déclinaison territoriale importante. Mesdames et Messieurs les élus, ces responsabilités renforcées vous obligent vis- à-vis des citoyens et nous obligent, nous, en tant que juridiction financière.

Nous ne pouvons pas, nous aussi, rester dans une organisation figée. Il est temps de régler notre pas, d’être en cadence pour conduire le changement, d’avoir le souci constant de recourir à des modes agiles. Pour entraîner les forces vives il convient de les accompagner en musique, en rythme, avec une partition comme feuille de route.

Il faut ainsi tracer un cap pour notre juridiction. Il lui faut une vision. Il faut être porteur d’un projet fédérateur au delà du devoir qui lui incombe et qu’elle a parfaitement assumé ces dernières années. Je saisis cette occasion pour saluer le travail accompli par mon prédécesseur, le président Louis Vallernaud, et son infatigable dévouement.

La juridiction, tous les membres qui la composent, viennent de se forger une ambition commune en se dotant d’un projet de chambre. Monsieur le directeur général du FRAC, une nouvelle fois grand merci à vous. Vous nous avez offert le lieu le plus propice pour réaliser notre ouvrage. Quel lieu plus adapté que le Fonds régional d’art contemporain pour créer une œuvre d’avant-garde ?

Être à l’avant-garde, qu’est-ce que cela veut bien dire pour une chambre régionale des comptes ? Être à l’avant-garde, c’est sortir d’une programmation, subie, réglée comme du papier à musique, avec comme refrain le contrôle répété des grands comptes. Il nous fallait reprendre la main, écrire et maîtriser notre propre partition en élaborant une stratégie de programmation adéquate et enrichie par des apports extérieurs. Adéquate en étant au diapason avec les spécificités et enjeux territoriaux de premier ordre. Adéquate en n’étant pas simplement contributeur mais aussi en initiative sur l’évaluation des politiques publiques au plan national. Enrichie par des apports extérieurs. C’est une évidence. C’est la force d’agir ensemble. Et si je reste sur le registre musical c’est agir en chœur. Ailleurs, on parlerait plus volontiers d’une mise en réseau.

Nous ne devons pas craindre d’être dans l’échange et dans le partage. Osons nous exposer, mais en veillant en permanence à nos prérogatives de juridiction financière. Nous pouvons travailler ensemble sans être pour autant dans la complaisance ou dans la compromission. Ce que nous avons à dire nous le dirons. S’il est nécessaire de marquer le « la », nous le marquerons. Il ne saurait être question de brider l’expression d’une juridiction.

La chambre régionale des comptes évolue déjà de manière plus ou moins intégrée dans plusieurs communautés de travail. Tout d’abord et c’est une évidence, nous appartenons avec la Cour des comptes à une même communauté, celle des juridictions financières.

La Cour a toujours fait preuve de bienveillance à l’endroit de la chambre. Je profite de cette occasion, si vous me le permettez Monsieur le Premier président, pour remercier directement votre secrétaire général et toutes ses équipes. Après une année 2018 en sous- effectifs la chambre va retrouver, enfin, en 2019 la plénitude de ses moyens.

Au delà de cet accompagnement, les travaux en commun entre les équipes de contrôle de la Cour et celles de la chambre sont nombreux et fréquents, sur des sujets multiples et divers.

À ce titre, j’insiste, notre ambition, c’est d’être encore plus force de proposition en matière d’évaluation des politiques publiques notamment en expérimentant des enquêtes régionales qui pourront ensuite être reprises au plan national en plein accord avec la Cour.

Les autres juridictions qu’elles soient judiciaires ou administratives entretiennent des relations privilégiées avec la chambre, et je crois pouvoir le dire, en bonne harmonie. Nous avons convenu d’amplifier nos partenariats. J’en remercie les chefs de juridictions et procureurs présents.

Je n’oublie pas, parmi nos partenaires de premier rang, devrais-je dire au premier rang, les préfets et tous les services de l’État, avec une attention marquée à l’endroit des directions régionales et départementales des finances publiques.

Les autres institutions publiques avec lesquelles nous allons développer encore plus nos relations sont nombreuses, je ne vais pas toutes les énumérer, mais pour n’en citer que quelques-unes : l’Agence régionale de santé, l’Agence nationale de contrôle du logement social, la Banque de France, l’URSSAF.

Que ceux que j’ai oubliés me le pardonne. Nous avons aussi à œuvrer en commun, à mettre en musique les principes de la bonne gestion de l’argent public qui nous tiennent à cœur.

Le développement de nos relations va de pair avec la valorisation de nos missions et de nos travaux. Nous sommes bien conscients qu’il nous faut, là encore, nous ouvrir davantage et accroître notre rayonnement.

Valoriser les missions et les travaux de la chambre signifie s’inscrire dans notre monde moderne où la communication est partout, en continu. Cela passe par l’élaboration de plans de communication opérationnels.

Pour que le citoyen entende correctement toutes nos compositions, nous avons besoin des médias traditionnels et des réseaux sociaux, y compris des gazouillis du petit oiseau bleu de Twitter.

En matière de communication, il est un sujet qui mérite un plus grand écho, plus de résonnance, de force, de souffle. C’est celui relatif au suivi des recommandations. Il est en effet primordial de montrer au citoyen, que contrairement à une idée reçue, nos recommandations ne restent pas lettre morte. Plus de 64 % ont été suivies d’effets. Non, les engagements des élus ne sont pas « que du pipeau ».

Preuve en est, et pour ne citer qu’un exemple : certaines collectivités ont rétabli, dès cette année, à la suite du rapport de la chambre, le temps de travail légal. Elles ont ouvertement reconnu que la mise en œuvre de cette recommandation leur avait permis d’aménager les heures d’ouverture des services pour les adapter aux besoins des usagers.

En revanche, il va de soi, que si nous ne sommes pas entendus, nous n’hésitons pas à le faire savoir, à sonner le tocsin avec le concours des médias.

Alors que c’est avec beaucoup de gravité et de solennité que j’ai ouvert cette audience, vous me permettrez un ton plus léger pour la clore. Léger pas autant que vous pourriez le penser car c’est une chanson d’engagement que je souhaite vous entonner.

L’engagement de cette juridiction. Quel est-il ? Que le citoyen soit au cœur de nos préoccupations. Que dans cette région, qui ne manque pourtant pas de soleil, nous l’éclairions avec plus d’intensité. Mon engagement plus personnel, celui qui m’a toujours guidé, de veiller à ce que tous les membres de la chambre puissent disposer des conditions de travail les meilleures. Qu’ils puissent vibrer à l’unisson dans la fierté de servir l’État.

Recevez, en ce jour de la Saint-Valentin, en guise de bouquet, ces propos, qui, je le crois, résonnent en nous tous, et qui traduisent, en ce qui me concerne, plus encore qu’un engagement, un amour indéfectible pour le service public.

Seul le prononcé fait foi.

 

 

 

 

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