Où est « l’intérêt supérieur de la France »

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La déchéance de nationalité 
et la constitutionnalisation de l’état d’urgence, parlons en avant qu’il ne soit trop tard.
En réaction à l’horreur des attentats qui ont frappé notre société tout entière, l’état d’urgence a été décrété par le gouvernement, puis prolongé pour une durée de trois mois. Un projet de loi constitutionnelle prévoit l’inscription, dans la Constitution, non seulement de l’état d’urgence mais aussi de la déchéance de la nationalité pour les binationaux auteurs de « crimes constituant une atteinte grave à la vie de la nation ».
Comme il y était tenu, le gouvernement a saisi le Conseil d’Etat qui, dans son avis du 11 décembre, n’a pas vu d’obstacle juridique aux deux modifications envisagées. A juste titre, il a renvoyé au Conseil des ministres d’abord, qui devait adopter le projet de loi constitutionnelle, et au Parlement ensuite, si ce projet lui est déposé, le soin de faire des choix de nature politique quant à l’opportunité de ces deux ajouts.

C’est pourquoi, avant que cette proposition n’arrive en discussion à l’Assemblée nationale, Samedi matin des citoyens s’étaient réunis sur la place de la Liberté à Toulon, pour s’opposer à ce projet.

Pour les citoyens présents, il est clair que de l’avis même du Conseil d’Etat, la déchéance de nationalité pour les binationaux ne permettra pas d’empêcher que certains d’entre eux commettent des actes de terrorisme et ne concernera pas plus d’une poignée d’individus. Ceux qui pensent que la perte de la nationalité française va faire réfléchir ces kamikazes prêts à se faire exploser au nom d’un Dieu se mettent le doigt dans l’oeil. Le contenu de ce texte ne protège pas la nation ; en revanche, il enlaidit la République, ce qui explique au moins en partie la démission de la Garde des Sceaux.

L’état d’urgence conduit à des décisions arbitraires, des dérives autoritaires. Depuis novembre 2015, plus de trois mille perquisitions sont intervenues. Tout comme les assignations à résidence, elles ont donné lieu à de nombreux dérapages, à un accroissement des discriminations à l’égard de populations déjà stigmatisées en raison de leur origine, de leur religion supposée ou réelle. Toutes ces mesures, dont l’efficacité n’est pas démontrée, mettent à mal la séparation des pouvoirs: l’exécutif s’accapare le pouvoir législatif et relègue le pouvoir judiciaire hors de son rôle de gardien des libertés.
Inscrire l’état d’urgence dans la Constitution, c’est graver dans le marbre ce régime d’exception qui permet l’action des forces de sécurité sans contrôle du juge. C’est habituer les citoyens à un état d’exception. Avec les moyens ainsi mis en place, il faut s’inquiéter des pouvoirs sans contrôle donnés à ceux qui peuvent arriver aux manettes de l’Etat… La déclaration de notre premier Ministre à Davos n’est pas de nature à nous rassurer le dispositif pourrait être maintenu « jusqu’à ce qu’on puisse en finir avec Daech ». Mais quel est le gouvernement qui un jour osera nous dire officiellement que la menace terroriste a complètement disparu ? Si nous devons attendre cette déclaration officielle pour voir disparaitre l’Etat d’Urgence que l’on veut nous imposer, autant croire au Père Noël.

Inscrire le retrait de la nationalité française aux binationaux condamnés pour crimes terroristes, c’est porter atteinte au principe même d’égalité des citoyens, inscrit à l’article 2 de la Constitution, fondement de la République. C’est instituer, dans la loi fondamentale de notre pays, deux catégories de Français, ceux qui le seraient et ceux qui le seraient moins, au motif que leurs parents ou grands-parents ne l’étaient pas. C’est, de fait, remettre en cause le principe d’une nationalité française ancrée dans le droit du sol.

Ce coup politique, un temps espéré par le futur candidat François Hollande banalise la logique du rejet de l’autre, ce qui est un  comble pour un Président socialiste.  Il expose la nation à ce que d’autres majorités politiques élargissent le champ des actes conduisant à la déchéance de nationalité.

Il est nécessaire et possible que l’Etat français protège les citoyens face au terrorisme, sans remettre en cause les droits et les libertés. Nous n’avons rien à gagner à construire une société qui glisse de la présomption d’innocence au présumé potentiellement coupable.
Les terroristes cherchent à nous faire renoncer à notre vie démocratique, ne leur facilitons pas le travail en acceptant benoitement la gouvernance de la peur.

Rappelons ce que disait Benjamin Franklin (1706-1790), qui n’était ni un terroriste, ni un zadiste mais plutôt un humaniste éclairé « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux. »

LdG

1 COMMENT

  1. ENSEMBLE, CONTRE LA POURSUITE DE L’ETAT D’URGENCE

    Le Parti de Gauche 83 était présent, ce samedi matin, au rassemblement contre la poursuite de l’état d’urgence à l’appel notamment de Ligue des Droits de l’Hommes, à Toulon, place de la Liberté !

    Dans une nouvelle partie de jeu de bonneteau, Valls tente de rattraper des voix à gauche en promettant d’effacer la référence aux binationaux dans le futur texte de révision constitutionnelle. Mais dans les faits elle s’appliquera bien à eux !

    Et pour en rattraper à droite, il entend appliquer la déchéance de nationalité non seulement aux crimes, mais aussi aux «délits les plus graves» comme le réclamait Nicolas Sarkozy.

    Valls peut bien tenter de manipuler à droite comme à gauche, la constitutionalisation de la déchéance de la nationalité tout comme de l’état d’urgence reste une mesure d’extrême droite contre laquelle le peuple doit se mobiliser !

    Cette manifestation est une première étape qui en appelle d’autres, sur cette question comme sur bien d’autres nous ne lâcherons rien !

    Luc Léandri,
    Co-secrétaire Départemental du Parti de Gauche 83

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