Les ADJ pour les personnes sans domicile stable ( à ne pas confondre avec les accueils de jour des structures médicales) ont été formellement reconnus dans les années 1990
Accueillir, écouter, réconforter, accompagner, orienter.
Sans jugement, sans conditions administratives, sans passer par la case justification. Domicilier et favoriser l’accès aux droits, offrir des espaces chaleureux pour permettre aux personnes de souffler, poser leurs bagages, de prendre une douche, un petit déjeuner, un repas. Faire que celles et ceux qui se présentent puissent se sentir en sécurité, trouver une place, reprendre confiance, se remobiliser, envisager d’autres perspectives, se réinscrire dans le collectif, et, avant tout, reprendre un peu de forces pour affronter la dureté de la vie quotidienne à la rue. Autant de réalités de vies qui animent chaque jour les ADJ, ces accueils de premier niveau. Le débat public ne fait que trop rarement référence aux ADJ, en dehors de quelques allusions en période de grands froids.
La crise sanitaire de 2020 a pourtant mis en lumière le rôle déterminant de ces espaces.
Ils ont représenté des points d’ancrage essentiels pour les personnes en grande précarité et constitués dans certains territoires, les seuls lieux collectifs restés ouverts. Selon la philosophie qui a présidé à leur création, s’ils ont un socle commun, les modes d’accueil peuvent varier selon les structures : très administratives ou de plus petites plus « familiales » , mais tous ont cette priorité, celle de mettre la personne accueillie au cœur du projet…porter soins et assistances aux personnes en grande précarité. Il convient de valoriser leurs actions tout en rendant compte des parcours de vie difficiles d’une partie de nos concitoyens.
La santé est un enjeu majeur auquel les ADJ se trouvent confrontés.
Les équipes doivent adapter leurs pratiques et veiller à adapter des réponses ajustées à ce public diversifié ; un travail inter-associatif et inter- profession est impératif et en cela on peut se féliciter du tissus toulonnais et plus généralement varois, à la fois constitué de professionnels et de bénévoles.(promo soins, siloé, banque alimentaire, commerçants de quartier, voisinage s’impliquant…) Dans le var, Fréjus avec Paola solidarités (devenue En Chemin), Toulon avec les Amis de Jericho, Archaos et sa petite sœur Les ELLES (accueil pour femmes par des femmes), AVAF présente à La Seyne, Brignoles, sont les plus connus.
Attardons nous sur Archaos la plus petite…mais pas la moins costaude ( !) et la plus atypique qui fête ses 30 ans. Créée en 1994 à l’origine par un collectif libertaire offrant une simple pause- café aux Sans Domicile rue de Préssencé, en centre ancien de Toulon, l’ADJ a vécu cette vie de SDF, dans des lieux fluctuant au gré des évolutions immobilières de la ville, de l’évolution des besoins, des réponses à apporter : de la Rue de la Boucherie, à la place de l’équerre, à la rue Montebello, puis Rue Rouden , désormais au Pont du Las dans des locaux financés par un mécène investisseur solidaire et permettant de répondre aux besoins des accueillis et des salariés et aux attentes des collectivités de plus en plus en demande …avec des moyens financiers de plus en plus contraints. Association passerelle, « accueil de bas seuil » ce sont plus de 80 personnes qui sont accueillies à Archaos chaque jour pour la restauration, l’hygiène, la domiciliation, l’accès aux droits, le suivi RSA, des ateliers recherche de logement… mais aussi des ateliers jardinage avec l’eco lieu du Plan du Pont à Hyères, la citoyenneté. Des accueillis en actions dans le fonctionnement de l’association (participation à l’élaboration des repas collectifs, services divers, ) deux représentants élus siégeant au CA … La culture n’est pas oubliée (visite de musées, concerts, conférences, lectures, alphabétisation), le sport non plus…Mais n’oublions pas « les Elles d’archaos », dans un local à proximité accueillant les femmes , plus de 190 reçues en 2024, accompagnées et orientées en fonction des besoins exprimés (santé, alphabétisation, vêtements…)
Ces lieux d’accueil sont volontairement situés en quartiers urbains pour répondre aux besoins de proximité et d’intégration pour des populations principalement SDF mais aussi de plus en plus, compte tenu de l’accroissement des précarités, à des personnes très mal logées ou précaires isolées cherchant un peu de liens ; ou d’anciens Sans Domicile désormais logés mais y trouvant une famille. Il est vain de vouloir cacher la misère qui doit nous interpeller et nous faire nous questionner sur nos propres visions de nos sociétés, car la misère sera toujours là…du moins pour encore longtemps ! Alors soyons solidaires, accueillants, compréhensifs et tolérants, malgré parfois les quelques désagréments pouvant ici ou là perturber notre petit confort ou interpeller nos vues…n’oublions pas l’histoire de la poutre et de la paille !
Et puis on ne saurait omettre que de nombreux accueillis des ADJ seraient en capacité d’intégrer un logement dans la mesure où il en existerait et ou les financements pour un accompagnement de proximité seraient associés . On nous parle de politique de Logement d’abord, encore faudrait -il qu’il y ait d’abord des logements. C’est le message qui a été porté auprès du Préfet alors que ce dernier vient d’engager des consultations avec les ADJ afin d’analyser les forces, les faiblesses, les échecs, les réussites, les besoins, et pour cela on peut s’en féliciter.
Mais on ne saurait oublier les paroles fortes du Président de la République à la prise de son premier mandat : « d’ici la fin de l’année je ne veux plus voir de personnes à la rue »
Il y a loin de la coupe aux lèvres, et cela oblige à rappeler le principe du théorème de l’horizon : plus on s’en approche plus il s’éloigne, et si en intensité cette misère a régressé, elle a fortement progressé en nombre de personnes la subissant.
Et c’est bien ce qui doit nous préoccuper…et devrait faire se préoccuper nos Gouvernants.
Jean-Paul Jambon