Vaccination anti-Covid et populations « particulières »

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Docteur Alain LAFEUILLADE,
spécialiste en Médecine Interne et Infectiologie.

Il est une question qui revient de plus en plus souvent lors des consultations: « Docteur, à la vue de ma maladie chronique, puis-je recevoir le vaccin contre la Covid? ».

Tout d’abord, en termes de vaccins, je focaliserai la discussion sur les vaccins à ARN messager (ARNm): il y a deux possibilités, celui de Pfizer/BioNTech et celui de Moderna.

Contrairement aux théories complotistes, voire abreuvées de spéculations non vérifiées de certains « grands » professeurs de médecine (que je ne nommerai pas car ils seraient trop heureux d’être en première ligne, cf la maladie de Lyme chronique dont l’inexistence a été argumentée récemment dans un ouvrage écrit par le Pr Eric Caumes) qui ont sans doute oublié leurs fondamentaux, les vaccins à ARNm ne peuvent en aucun cas modifier notre génome et être assimilés à des thérapies géniques. Ce n’est pas l’ARN complet du coronavirus que l’on inocule, mais le messager qui fait produire au virus la protéine « spike », c’est à dire la protéine de surface du coronavirus lui permettant de se fixer à nos cellules respiratoires. EN AUCUN CAS LE GÉNOME COMPLET DU CORONAVIRUS N’EST INTRODUIT. Quand l’ARNm codant pour la protéine spike arrive dans notre organisme il fait produire la protéine spike par nos cellules et, celle ci étant reconnue comme étrangère, notre système immunitaire va produire des anticorps contre elle, d’où la protection.

De tous les vaccins ce sont ceux à ARNm qui procurent la meilleure protection: 90 à 95% contre la souche alpha (Britannique) mais il y a une perte vis à vis du variant delta.

C’est pourquoi on peut se demander si l’attitude actuelle qui consiste à ne faire qu’une injection si les personnes ont auparavant contracté la Covid-19 est pertinente: 2 injections protègent mieux vis à vis du variant delta, c’est clair.

Mais retournons auprès de nos patients et des questions qu’ils se posent légitimement.

-Il y a d’abord les patients infectés par le VIH. Si leurs défenses immunitaires sont normales (taux de lymphocytes CD4>500/mm3), ils peuvent indifféremment recevoir un vaccin à ARNm ou un vaccin à vecteur adénoviral, type Johnson & Johnson. Quand les défenses immunitaires sont plus faibles, surtout si les CD4 sont <200/mm3, trois doses s’imposent, d’un vaccin à ARNm.

-Puis viennent les cas plus difficiles de patients ou patientes atteints/tes de sclérose en plaque (SEP). Je dis difficiles car plane toujours sur eux/elles le spectre de la vaccination contre l’hépatite B.

La SEP est une maladie neurologique liée à une démyélinisation inflammatoire atteignant la substance blanche du système nerveux central. Sa physiopathologie reste mal comprise, bien que certains facteurs de risque environnementaux et infectieux aient été identifiés.

Durant les années 1990, des cas de SEP survenus après une vaccination anti-VHB (hépatite B) ont été rapportés. Ces notifications sont survenues dans un contexte d’une très large activité de vaccination (plus de 75 millions de doses fin 1997). Lors de cette période, en effet, la vaccination a été réalisée dans les populations chez qui elle était recommandée, mais également chez des personnes adultes non à risque d’hépatite B.

Un grand nombre de premières poussées de SEP ont ainsi pu, par hasard, survenir peu après une vaccination anti-VHB. En 1998, la médiatisation de ces cas a conduit les pouvoirs publics, malgré l’absence de preuves d’un lien quelconque, à interrompre la campagne de vaccination en milieu scolaire, tout en maintenant la vaccination des pré-adolescents en secteur libéral ainsi que celle des nourrissons et des professionnels de santé (pour qui cette vaccination est obligatoire).

La possibilité d’un lien entre vaccination anti-VHB et SEP a été explorée par de nombreux travaux épidémiologiques. À ce jour, aucun lien statistiquement significatif n’a été montré.

C’est pourquoi je me suis autorisé à interpeler le Professeur Jean Daniel Lelièvre, immunologiste à l’hôpital Cochin à Paris. Avec Jean Daniel nous avons des rapports d’amitié et de confiance, peut être parce que nous sommes de la même génération qui a eu à affronter la pandémie à VIH puis celle à SARS-Cov2.

Pour lui, la vaccination des personnes atteintes de SEP est non seulement possible, mais prioritaire, une cohorte française de suivi de tels patients ayant été initiée par un Professeur de Nantes.

-Ensuite viennent d’autres patients atteints de maladie chronique à composante immunologique. Par exemple le PTI (Purpura Thrombopénique Immunologique), c’est à dire la baisse des plaquettes (facteur majeur de la coagulation) induite par des anticorps anti-plaquettes: l’organisme se trompe et désigne ses propres plaquettes comme des corps étrangers et les détruit par des anticorps. Là encore, aucune contrindication à la vaccination par un vaccin à ARNm ne se justifie, une simple surveillance du taux de plaquettes suffit.

La situation est la même pour d’autres patients atteints de maladies auto-immunes, comme le lupus (LED: Lupus Erythémateux Disséminé): le feu est vert! J’ai même une patiente atteinte de lupus avancé qui a « monté » des taux d’anticorps efficaces après 3 doses malgré un traitement immuno-suppresseur par Imurel* à fortes doses.

En conclusion, chaque personne doit s’adresser à son référent mais dans l’immense majorité des cas il n’y a pas de contrindication à un vaccin à ARNm. Une surveillance étroite, sans doute excessive, est de mise car …nul ne sait où nous allons.

Le médecin spécialiste en Médecine Interne est au mieux pour conseiller et suivre ces patients.

Docteur Alain LAFEUILLADE,
spécialiste en Médecine Interne et Infectiologie.

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