Toulon : Othello William Shakespeare — Jean-François Sivadier

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Othello, Maure et général des armées vénitiennes, a secrètement épousé une jeune aristocrate, Desdémone. Roderigo, amoureux de Desdémone, s’en plaint à Iago, le sous-lieutenant d’Othello. Iago accepte de l’aider à récupérer Desdémone, moyennant argent, mais son mobile est tout autre : Othello vient de promouvoir un autre homme que lui au poste de lieutenant. Emporté par une folie vengeresse, distillant le mensonge comme du venin, Iago ourdit une machination terrible.

Jean-François Sivadier s’est fait connaître du grand public grâce à sa mise en scène d’Italienne avec Orchestre en 1997. Depuis cette époque, il alterne créations personnelles, opéras et classiques du théâtre qu’il revisite. Monter Othello aujourd’hui est pour lui une façon de se réapproprier le sens du monde car le théâtre de Shakespeare est un théâtre du questionnement qui n’impose jamais de réponse, ni leçon d’aucune sorte. Othello est avant tout la tragédie d’un homme qui doute de la façon la plus radicale possible. Pour incarner ce personnage exceptionnel à plus d’un titre, Sivadier a choisi Adama Diop. Cet acteur shakespearien, qu’on a déjà croisé dans les habits de Brutus ou Macbeth, est l’Othello qu’on attendait.

Shakespeare c’est le dramaturge vers lequel on se tourne, sur lequel on s’appuie lorsque, déboussolés, on a l’impression de devoir à nouveau comprendre le monde dans lequel on vit. Avec lui nous sommes en confiance car nous savons que jamais il ne voudra nous imposer de conclusion, ni de leçon d’aucune sorte.

Le théâtre du Globe était surmonté de l’épigraphe latine Totus mundus agit histrionem (le monde entier est une scène de théâtre) car selon une perspective très courante pendant la Renaissance l’artifice propre à l’art du comédien constitue le seul moyen de nous initier à la réalité trompeuse du monde. On aime avec Juliette, on souffre avec Lear, on réfléchit avec Hamlet, en observant avec Shakespeare comment l’époque médiévale laisse la place, non sans déchirement, à une nouvelle ère dont nous sommes encore les rejetons : Copernic, Caravaggio, Bacon, Galilée, Monteverdi, Rubens… Aujourd’hui nous avons de nouveau besoin d’une telle catharsis. Le mouchoir blanc de Desdémone aux broderies de cerises si rouges, comme le symbole d’une virginité qu’on ne cesse de perdre.

Car voici la profession de foi de Iago dans l’opéra de Verdi « Je crois en un Dieu cruel qui m’a créé semblable à lui, et que dans la colère je nomme. / De la vilenie d’un germe ou d’un atome / vil je suis né. / Je suis scélérat / Parce que je suis homme, / et je sens la fange originelle en moi. » Boito comprend qu’Othello est une pièce pour iconoclaste. Être une icône : un héros, le plus étranger possible, le plus « autre » possible : le maure. Et nous assisterons avec effroi à la Naissance de l’homme re-naissant : le héros-iconique doit mourir pour faire la preuve de son humanité. « Du sang, du sang, du sang » s’exclame Othello à la scène 3 de l’Acte III, alors qu’Hamlet avait auparavant proclamé l’insuffisant Words, Words, Words

Les mots ici sont des armes, ils seront le poison versé dans l’oreille d’Othello par Iago qui nous montre, tel que le ferait un metteur en scène impitoyable, combien nous ne sommes faits que de signes et combien ils sont réversibles. Mais on peut aussi rêver qu’il s’est donné pour mission de faire un acteur complet d’un comédien novice qui se prendrait pour un héros.

Car Othello ce sont les notes de Stanislavski préparant la mise-en-scène en convalescence à Nice, il entend le rôle comme une partition musicale. Othello c’est le film de l’américain Orson Welles qui obtint la palme d’or pour le Royaume du Maroc lors du festival de Cannes de 1952. C’est Sir Laurence Olivier affirmant en 1965 que pour jouer le rôle il doit trouver « une voix bien plus puissante et profonde » que ne l’est la sienne…

Le voyage de l’Afrique à Venise, de Venise à Chypre, d’aventures guerrières en tempêtes, se transformera bientôt en un voyage à l’intérieur du cœur à vif d’un homme qui doute de la façon la plus radicale possible. Éprouvant ce doute qui est aussi à l’origine de la pensée critique moderne, ce doute capable de faire vaciller le monde tout entier…
Totus Mundus agit histrionem.

Nicolas Bouchaud, Jean-François Sivadier et Véronique Timsit

Coproduction Châteauvallon-Liberté

jeudi 4 mai 2023 20:30
vendredi 5 mai 2023 20:30
samedi 6 mai 2023 20:30

Durée 3h20 avec entracte

Le Liberté Place de la Liberté à Toulon
Salle Albert Camus

Tarif
Plein tarif 29 €
Tarif préférentiel 21 €
Tarif avec la Carte Encore 21 €

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