Toulon Georges Dandin au Liberté

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Plus dure sera la chute
Les 8 ,9 et 10 novembre sur la scène du Liberté à Toulon aura lieu un étrange spectacle, la pièce de Molière George Dandin, mise en scène de Jean-Pierre Vincent.

Je dis étrange parce que cette comédie cruelle a quelque chose de mystérieux dans la production même de Molière. Elle ne correspond à aucune dénonciation sociétale précise, elle s’écarte du comique littéraire habituel. La jugeant dangereuse, Molière voulait, semble-t-il, la faire disparaître de son catalogue. Elle fut sauvée de justesse de l’oubli. Elle est entièrement de la main de Molière alors que l’on a toujours des doutes sur l’authenticité des autres grandes pièces (Corneille utilisant un prête-nom ?). Enfin c’est la seule qui supporte  vraiment des  mises en scènes  hyper-contemporaines.

Le théâtre du pessimisme
George Dandin, riche paysan, a épousé une jeune fille noble, Angélique. Mais les différences sociales font que George Dandin n’est pas satisfait de son mariage. D’autant plus qu’il apprend qu’un gentilhomme, Clitandre, essaie de séduire sa femme, par Lubin un paysan à son service, qui lui essaie de séduire Claudine, la servante d’Angélique. A la fin, trahi par tous et par lui-même Georges Dandin part se noyer.

Le mariage un marché de dupes
Le mariage de George Dandin est un marché de dupe: ce riche bourgeois a échangé sa fortune contre le nom et le titre de noblesse de sa jeune épouse, Angélique de Sotenville. George Dandin s’obstine à exiger la fidélité d’Angélique qui organise sans cesse des rendez-vous galants avec la complicité de sa servante, Claudine. Dandin, se sentant bafoué, prend à témoin de ces infidélités ses beaux-parents qui se moquent de lui et le méprisent parce qu’il n’est pas de noble extraction.

La vision de Jean-Pierre Vincent
La mise en scène proposée par Jean Pierre Vincent révèle deux personnages qui forment un couple sans la moindre harmonie et qui souffrent de leur mariage. Deux personnages qui se laissent également prendre tous deux au jeu des apparences sociales. Car, si George Dandin ne trouve plus guère, au moment où débute la pièce, d’agrément à l’idée de s’être élevé au rang de noble (avec le charmant titre de Monsieur de la Dandinière à la clé), il ne faut pas s’y tromper : Angélique ne s’intéresse à Clitandre que parce qu’il représente tout ce que Dandin n’est pas, parce qu’il présente bien et qu’il est bien plus riche et se place bien plus haut qu’elle dans la société. Elle ne semble même pas s’apercevoir qu’il n’est qu’un jeune prétentieux. Quant au couple des Sotenville, ils se montrent aussi arrogants et soupçonneux avec Dandin que mielleux et naïfs avec le très noble et très riche Clitandre.

Moderne Angélique
Mais le plus percutant, c’est sans doute la tirade étonnamment moderne d’Angélique, expliquant à son mari qu’on a fait d’elle un objet de troc afin de contenter les aspirations sociales de l’un, les aspirations financières des autres, sans prendre en compte son opinion (ce qui était bien entendu la coutume à l’époque, le mariage étant alors une transaction), se plaignant que personne ne s’est soucié d’elle ni de ce qu’elle pouvait ressentir. Voilà bien un discours qu’on ne s’attend pas à trouver dans un tel contexte ; car s’il est courant au XVIIème de montrer sur scène de jeunes gens se mariant par amour et se riant de vieux barbons, c’était avant tout une convention de  comédie. Or, ici, le monologue d’Angélique semble faire écho à une situation nouvelle très moderne : le doute sur l’institution du mariage pilier de la société. On se marie avec quelqu’un ou contre quelqu’un ?

 Une réussite collective
Le travail de Jean Pierre Vincent qui arrive à Toulon en tournée  a soulevé  l’enthousiasme et a été salué par la critique. (Vincent Garanger, Étienne Beydon, Anthony Poupard, Elizabeth Mazev, Alain Rimoux, Olivia Chatain, Aurélie Edeline et Matthias Hejnar.) Les personnages sont tous très réussis théâtralement. On serait d’ailleurs bien en peine de trouver les uns ou les autres parfaitement sympathiques. L’un veut battre sa femme et se fiche de lui plaire ou non, l’autre veut tromper et ridiculiser son mari, les autres sont stupides et se laissent berner sans sourciller. Et pourtant, malgré les caractères peu amènes des personnages et les situations comiques qui s’enchaînent, il se dégage de cette pièce une noirceur absolue concernant le mariage et la société. La société des hommes est-elle irrémédiablement corrompue par l’argent, le besoin de  domination, les postures, les ambitions ?

George Dandin ou le mari confondu,  texte intégral de Molière, mise en scène Jean-Pierre Vincent au Liberté Vendredi 8 nov. Samedi 9 nov. 20h30 et Dimanche 10 nov. à 17h réservations 04 98 00 56 76.

Jean-François Principiano

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