SIDA : la pandémie oubliée

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L’institut de Virologie Humaine du Professeur Gallo à Baltimore (Maryland, USA)
Docteur Alain Lafeuillade

Avec l’arrivée du SARS-Cov-2, agent responsable de la Covid, l’infection à VIH, agent responsable du SIDA, a été délaissée sur les plans de la recherche, de la prévention et de l’accès aux traitements des pays défavorisés.

38 millions de personnes infectées par le VIH dans le monde dont 1,8 million d’enfants

Le SIDA reste la première cause de mortalité chez les femmes entre 15 et 49 ans dans le monde. Depuis le début de la pandémie en 1981, 33 millions de décès sont imputables au SIDA dans le monde. Douze millions de personnes sur 38 millions vivant avec le VIH n’ont toujours pas accès au moindre traitement antiviral. De fait, chaque année, 700 000 personnes décèdent encore du SIDA dans le monde alors que depuis 1996, date d’apparition des premières trithérapies cette issue fatale peut être évitée.

En France
173 000 personnes sont infectées par le VIH et ont accès à un traitement alors que 24 000 ignorent leur séropositivité et de fait ne sont pas traitées. Le diagnostic se fait chez ces personnes à un stade tardif quand le virus a profondément détruit les défenses immunitaires de l’organisme. Or, plus les défenses sont basses, plus la trithérapie aura des difficultés à les régénérer.

La banalisation de l’infection à VIH a débuté avant l’arrivée du SARS-Cov-2 qui a occulté cette pandémie. Elle est due à plusieurs paramètres :

-une lassitude (ce n’est plus une maladie nouvelle), d’où la rareté des campagnes de prévention, des spots publicitaires ;

-le fait qu’une trithérapie initiée tôt permet de ne plus en mourir, ou presque ;

-le fait que les trithérapies sont maintenant disponibles en un seul comprimé par jour avec des effets secondaires rares : un traitement bien plus facile à prendre que celui d’un diabète insulino-dépendant, ce qui fait dire à certaines personnes « eh bien, si je l’attrape, je prendrai le traitement, c’est tout ! » ;

La focalisation sur la pandémie à SARS-Cov-2 a conduit certains professionnels de la prévention et du dépistage à être réorientés vers d’autres tâches. Résultat : 650 000 tests de dépistage VIH en moins réalisés en 2020 du fait de la Covid.

De même la prescription de la PrEP (Prophylaxie pré-exposition) chez des personnes à multi-partenariat non protégé est en nette baisse. Elle consiste à administrer un comprimé par jour de Truvada, ou son générique, à des personnes à risque qui de toute façon n’utiliseront pas le préservatif. Elle rend le risque de contracter le VIH infime mais ne protège pas contre les autres infections sexuellement transmissibles. Autorisée d’abord timidement en 2015 en France, elle avait permis de faire baisser de 6500 à 6000 le nombre de découvertes de séropositivité par an dans notre pays. En décembre dernier le gouvernement a annoncé qu’il allait permettre la primo-prescription de la PrEP aux médecins libéraux, mais fin mars 2021 cette bonne initiative n’est toujours pas effective…du fait d’un vice de procédure dans l’écriture du décret !

Toujours pas de vaccin
Malgré les nombreux essais effectués ces dernières décennies, aucun vaccin préventif du VIH n’a démontré une efficacité durable. Cela est dû, du moins en partie, à l’existence de nombreux sous types, mutants et recombinants du virus. Toutes les équipes n’ont pas renoncé à cette quête, comme celle du Professeur Yves Lévy en France, d’où l’importance de les aider au travers du Sidaction.

Un séropositif « bien traité » a un virus non transmissible
Pendant de nombreuses années, quand je recevais en consultation un couple « discordant » (où l’un est séropositif et l’autre non) qui me demandait « si ma charge virale est indétectable, puis-je quand même infecter mon ou ma partenaire ? », ma réponse ne satisfaisait ni le couple ni moi : « certes le risque est sans doute extrêmement faible, mais jamais nul ». Or en 2018 plusieurs études épidémiologiques ont démontré sans ambiguïté que lorsqu’un séropositif traité avait une charge virale indétectable dans le sang depuis au moins 6 mois, il ne risquait plus de transmettre le virus.

Un message important mais encore peu connu.
Intérêt du suivi régulier et spécialisé d’un patient infecté par le VIH

La pandémie à SARS-Cov2 a eu aussi l’effet pervers de délaisser la prise en charge hospitalière des maladies chroniques telles l’infection à VIH traité. Or ce suivi est primordial si l’on veut que les séropositifs aient une espérance de vie identique à la population générale. En effet, plusieurs paramètres doivent régulièrement être surveillés :

-l’observance, c’est-à-dire la prise régulière de la trithérapie, garante du statut de charge virale indétectable ;

-les effets secondaires éventuels à moyen et long terme de la trithérapie ;

-le fait que même si le traitement supprime la réplication du VIH, celui-ci reste présent dans l’organisme intégré dans ses chromosomes. Cette persistance virale conduit certains patients à avoir une inflammation chronique dans l’organisme qui favorise les complications cardio-vasculaires, l’émergence de certains cancers, d’un diabète non insulino-dépendant…

-enfin, voir régulièrement un spécialiste de l’infection à VIH c’est aussi profiter des innovations thérapeutiques sans délai.

Docteur Alain Lafeuillade
Spécialiste en Médecine Interne et Infectiologie
www.docteur-alain-lafeuillade.fr

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