Salut l’artiste !

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Les artistes n’ont pas eu droit à l’appellation « première nécessité. » au nom de la sécurité collective au moment du confinement.

Lors du déconfinement ils deviennent tout  à coup un besoin fondamental de l’être humain. On ne peut donc  pas s’en passer. Entre les deux points de vue où est la vérité ?

La création artistique serait un luxe inutile.
Pour les gouvernants, le geste du créateur est une illusion. Il représente en outre une activité improductive comme on l’a vu, un luxe inutile et élitiste qui peut être sacrifié aux nécessités de l’économie.

L’artiste serait donc un charlatan et un imitateur. Pour Platon déjà, il reproduit des illusions sensibles et flatte ainsi ce qu’il y a de plus déraisonnable en l’homme. De plus l’art est un pâle reflet du monde des idées. Pour Platon toujours il est par essence répréhensible et inutile parce qu’il est trompeur, subversif et dangereux. C’est pourquoi Platon n’hésite-t-il pas à chasser l’artiste de sa République idéale.

Tant qu’une société est prospère et hors de danger, elle peut  s’autoriser l’agrément d’avoir des artistes. Mais quand la situation  tombe aux mains des experts,  la première victime  c’est lui car il ne participe pas,  disent-ils, à la production. L’art est agréable mais on peut s’en passer. D’ailleurs pendant le confinement on a pu assister à une cucuification des expressions libres. Le resurgissements des amateurs pleurnichards, minables démagogues de la médiocrité tremblante.

Autre grief  l’art  est élitiste. D’abord il faut un certain bagage intellectuel  que tout le monde ne peut avoir. D’autre part pour posséder une œuvre d’art il faut en avoir les moyens financiers. L’art s’adresse donc à une minorité de personne, à une élite privilégiée comme dirait Bourdieu, faisant de la culture une chasse gardée et un instrument de domination de classe  (toujours Bourdieu).

L’Artiste est  un medium
Pourtant, après l’épreuve du confinement on a bien compris que les hommes ont eu   besoin des artistes puisque statistiquement les  gens ont davantage lu, visionné des spectacles de toutes sortes à travers la télévision et les réseaux sociaux, voire même visité des musées virtuels.  Car n’en déplaise aux pessimistes l’Art est le plaisir du beau, de la communication, de la connaissance, il est donc indispensable à la société sauf si celle-ci renonce à toute dimension esthétique et spirituelle.

Depuis les peintures rupestres l’activité artistique est l’une des premières manifestations de la culture humaine. L’animal n’a pas d’art ; car il n’a pas le sens du sacré. L’art est la manifestation de plusieurs besoins fondamentaux de l’homme : modifier et s’approprier le monde extérieur, extérioriser ses idées et ses sentiments, communiquer, transcender le réel. L’artiste spiritualise la matière inerte et donne un sens au monde dans lequel nous vivons.

L’artiste est inutile mais indispensable.
L’homme ne peut donc se passer du beau. La simple vision d’un parking souterrain, uniquement fonctionnel, fait comprendre la nécessité de l’artiste, seul capable de procurer à ses semblables un plaisir en dehors de toute considération d’utilité pratique.

En termes d’efficacité et de rentabilité, la création artistique ne sert à rien, et pourtant elle nous est indispensable. Se passer des artistes c’est se passer des hommes.

La question de savoir si la société peut se passer des artistes ne se pose pas. Les artistes vivent dans notre société, ils n’ont pas à demander la permission d’exister. Ou alors, il faudrait se poser la question  de savoir si la société peut se passer aussi des  chercheurs, des religieux, etc.

À l’issue de cette crise du coronavirus nous plongeons dans  une autre  crise des valeurs face à laquelle personne (penseurs, religieux, scientifiques, économistes, politiciens) ne propose pour le moment de réponse cohérente. Après deux mois d’isolement sanitaire notre monde est en panne de modèles, de projets, d’idéaux.

Or l’art, parce qu’il est aussi représentation de la société, de notre mode de vie et de nos conditions d’existence, peut et doit jouer un rôle dans cette quête.

Les artistes sont donc des éclaireurs : ils ouvrent la voie et découvrent des terres inconnues. Voulons-nous nous en priver quand on a tant besoin d’imagination pour se projeter dans un avenir  vivable ? Si la planche de salut dont on a pu bénéficier pendant le confinement n’est plus alimentée  par la création, alors salut l’artiste !

Jean-François Principiano

 

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