Rigoletto

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Dans l’opéra de Verdi, reprise d’une trame de Victor Hugo dans « le Roi s’amuse », c’est Rigoletto qui, en organisant les plaisirs du duc de Mantoue, finit par transformer le Prince lui-même en bouffon. Il fait rire aux dépens de celui qui l’a embauché, et comme on le sait cela se termine mal ! La première représentation a eu lieu en 1851, mais nous assistons désormais tous les soirs à la télévision à notre Rigoletto de campagne présidentielle. Le spectacle est organisé par le bouffon qui tourne en ridicule tous les candidats ou leurs porte-parole.

La semaine écoulée a vu deux temps forts de ce jeu grinçant qui ne respecte plus rien ni personne et place les présentateurs et leurs amis en juges de la pertinence et en exécuteurs méprisants.

Il y a d’abord eu le duo Monsieur Fillon et Madame Angot ! Quelle affiche de rêve ! A l’origine de cet exploit la télévision de service public, un texte lu sans interruption que l’on peut qualifier d’insultant, et, de l’autre le candidat sans droit de réponse, pas de dialogue, une philippique et un départ précipité ! Rigoletto n’est pas à l’image, il a organisé et il fait l’audience, il a amusé le peuple-roi. Savait-on quelque part qu’il s’agissait d’une émission politique en préparation d’une échéance présidentielle dans un pays déchiré, perplexe, indécis, et dépressif ? Non, le bouffon est là pour faire rire et en plus on le paie pour cela ! Qu’est- ce que la politique a à gagner à flatter les instincts destructeurs du peuple, faut-il se retrouver demain dans les jeux du cirque avec les hommes politiques dans l’arène ? Est-ce cela vers quoi nous nous dirigeons inexorablement, le peuple payant des bouffons pour dépraver les hommes politiques pour mieux les mépriser et les empêcher de gouverner ? Les animateurs, les caricaturistes, les auteurs des fameux guignols nous en font voir de toutes les couleurs et le peuple frondeur que nous sommes ne peut pas s’en passer et c’est très bien comme ça. Mais qui ne voit que ce 23 Mars 2017 on a franchi une nouvelle étape avec des insultes en direct sans droit de suite.

Rien ne nous aura été épargné cette semaine terrible car le Samedi soir, le 25, une autre émission qui a le devoir, service public oblige, de respecter la parité entre les 11 candidats en reçoit trois. L’un d’entre eux se fait représenter par un porte -parole. C’est une émission de variétés et les artistes reçoivent un accueil enthousiaste, les animateurs les félicitent, on s’auto-congratule, et globalement on est d’accord sur tout. On se retrouve au café du commerce entre copains, Rigoletto et ses amis attendent ceux qui veulent être princes. J’ai rarement vu une telle arrogance et un tel mépris lorsque le premier de cordée politique est arrivé ! Une hargne accompagnée de bons mots a rivalisé avec la recherche d’applaudissements du peuple émaillant les bancs du spectacle. Les sourires entendus des copains tournaient en ridicule le pauvre type qui était venu pour convaincre et s’est fait démonter par ses tortionnaires. Rigoletto était là pour ça, et il a fait le travail que le service public lui demandait, faire rire et faire de l’audience aux dépens des politiques qui ne sont que des marionnettes et ne savent rien faire. Le peuple-roi exige-t-il de ses politiques qu’ils soient moqués en direct par les nouveaux Rigolettos ? C’est comme cela qu’il nous faut faire pour choisir notre futur Président ?

Ces deux soir-là j’ai eu honte de ce que nous étions devenus, Rigoletto avilit le Duc de Mantoue et montre à tous que ne pensant qu’aux plaisirs il est incapable de gouverner. Voulons-nous des hommes susceptibles de diriger un pays ou des pantins désarticulés que les campagnes Présidentielles apprennent à mépriser ? Un bon président est-il celui qui résiste à l’impertinence de Rigoletto ou celui qui l’écarte ? Avant que d’aller plus loin sur cette pente réfléchissons bien à ce que nous voulons : liberté de parole, liberté de moquer, liberté de caricaturer, oui, mais couronne royale portée par Rigoletto, non.

Je pense que beaucoup d’autres que moi ont passé une mauvaise soirée car le milieu des artistes auto congratulés a développé une image des entreprises industrielles affolante. Entre ceux qui pensent que la vie dans l’entreprise est un enfer, ceux qui nous expliquent que les cadences infernales nous amènent au « burn-out » et au suicide, ceux qui disent que ne pensant qu’aux profits nos entreprises mettent dans nos assiettes des produits qui préparent savamment notre mort, je pensais que ma croisade pour dire que si notre pays va mal c’est qu’il a perdu son industrie depuis trente ans, créant ainsi 6 millions de chômeurs, était très loin d’avoir été entendue ! Les politiques invités qui ont voulu défendre qu’il fallait quand même y réfléchir à deux fois se sont faits étriller par des experts commentateurs ou artistes ! Mais qu’allaient-ils donc faire dans cette galère ?

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