Retraites : Macron fait le forcing

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Le 19 mars 2019, Édouard Philippe confirmait solennellement que l’âge légal de départ à la retraite resterait à 62 ans, conformément à la promesse du candidat Macron. Il annonçait le calendrier de ce chantier social effaçant les principes sur lesquels reposait ce qui fait encore du modèle français une référence mondiale : assurer une retraite digne à tous les salariés et mieux protéger les plus faibles : c’est le principe de la répartition fondé sur la solidarité nationale. La cotisation des employeurs et des salariés alimente le budget de la sécu, gérée par ceux qui la financent.

La veille, sur RTL-LCI la ministre des affaires sociales faisait savoir qu’elle n’était pas  hostile à un recul du départ, par dessus le marché. Elle n’était pas la seule. Au point que le haut commissaire chargé de la réforme, Jean-Paul Delevoye, en parfait accord avec le projet de Macron, le suivait aussi pour ne pas reculer l’âge de départ, après 40 ans de carrière. Il en faisait une condition pour poursuivre sa mission.

Puis le 25 avril, Macron a tiré ses conclusions, décevantes pour le monde du travail et les retraités modestes. Aux plus pauvres, en-dessous du minimum vieillesse, moins de 629 euros/mois -eh oui ça existe- il a concédé que ce minimum serait porté à 1 000 euros. C’est évidemment mieux mais combien insuffisant pour vivre décemment ! Le compte n’y est toujours pas, loin s’en faut.

Au chapitre des retraites, il avançait l’idée « de regarder si on peut allonger la période de référence sans bouger l’âge légal, pour avoir un système de décote qui incite à travailler davantage mais sans forcer tout le monde… » Astucieux, n’est-ce pas mais cynique ? A 62 ans, vous ne toucherez pas votre dû, il y aura une décote !! Vous pourrez partir mais vous gagnerez moins, il vous met la carotte sous le nez pour vous incitez, « librement » à travailler plus, pour toucher votre retraite pleine et entière. Si ce n’est pas du vol, c’est pour le moins du vice. Avec une pensée très libérale qu’il formule ainsi : « cette option permet de dégager des économies pour réinvestir dans des baisses d’impôt mais aussi dans les petites retraites de ceux qui ont travaillé tout au long de leur vie. »

Ce sont les retraités eux-mêmes qui financeraient les augmentations des plus basses retraites ? Et ce sont les femmes qui seraient le plus pénalisées car elles ont, à la fois, moins de périodes travaillées, donc cotisées et un salaire inférieur à celui des hommes à fonction égale.

Après le séminaire gouvernemental -qui a rendu nerveux le chef de l’État- un projet de loi sur la réforme des retraites sera présenté à la fin de l’été.

Interrogé récemment sur BFMTV, Ian Brossat, tête de liste PCF rappelait que « contrairement aux assertions du pouvoir, les Français travaillent autant que les Allemands, les Anglais ou les Italiens, 1500 heures par an et leur productivité est parmi les meilleures au monde. 1,4 millions de séniors  en France sont aujourd’hui sans emploi ni retraite ». Comment lutter contre le chômage des jeunes en repoussant l’âge de la retraite des séniors ?

Merci Macron
Avec le système par points, il n’y a plus de garantie concernant le montant de sa retraite puisqu’elle dépend de la valeur du point. Or, la valeur du point n’est pas fixée à l’avance et la représentation des salariés dans les organismes gestionnaires n’y est pas prépondérante.

Les fonds de pension sont par ailleurs soumis aux aléas de la spéculation et des dangers que l’on sait. Leur réforme en cours a de quoi inquiéter, comme d’autres, la loi travail, la réforme de la fonction publique, la loi Blanquer ou la vague de privatisations…On sait combien Macron aime la concertation…pourvu qu’elle aille dans le même sens que ses choix politiques.

Il vient d’en rappeler la finalité : augmenter le temps de travail et réduire la dépense publique donc les services publics, les impôts pour les classes moyennes mais surtout ne pas toucher aux premiers de cordée, les très riches, à leurs privilèges, à l’évasion fiscale dans les paradis du même nom, à la croissance de leurs profits et de leurs patrimoines, aux droits et pouvoirs qui s’y attachent !

On connaît les arguments avancés pour casser la sécurité sociale issue du programme de la Résistance : le système est obsolète, trop de régimes spéciaux, le déficit des retraites, vu le chômage, l’espérance de vie, l’entrée plus tardive dans la vie active…la croissance atone et la crise financière mondiale (qu’ils ne veulent surtout pas lier à la crise du système capitaliste) cela appelle un changement profond, disent-ils. Pas un progrès en tout cas, une régression sociale d’envergure.

En effet, c’est le libéralisme qui est dépassé puisqu’il privilégie les intérêts d’une minorité infime et creuse un fossé insupportable à l’immense majorité des peuples. Si l’on compare le PIB de la France au lendemain de la 2è guerre mondiale et celui d’aujourd’hui, les richesses produites ne sont plus du tout du même ordre.

Elles suffiraient largement à nourrir, loger, soigner, éduquer… toute la population  mais elles vont dans quelques poches au lieu de résorber les inégalités, elles creusent entre les citoyens des écarts de revenus insupportables qui expliquent les colères qui s’expriment et qui ne sont pas prises en compte.

Ces masses considérables d’argent ne changeront pas de destinataires avec Macron et ses pairs, tant que l’on acceptera la domination des maîtres de l’économie et de la finance mondialisées qui détournent les richesses produites par les salariés.es tout en fragilisant la planète de manière irresponsable.

Nos gouvernants regardent ailleurs et veulent nous imposer qu‘en 2019, la durée du travail  doit augmenter, les retraites baisser et le nombre d’années travaillées doit augmenter et augmentera encore, comme si, justement, les capacités physiques n’avaient pas de limites objectives, surtout si on a n’a pas eu d’autres choix que le travail contraint quand on en trouvait ?

Et puis, les progrès technologiques, le numérique, l’intelligence artificielle… ne vont-ils pas dans le sens d’accroître la productivité du travail, ce qui permet de l’alléger et de réduire sa durée ? Faut-il dès lors pousser à une retraite plus tardive ou à une retraite dont on peut profiter plus longtemps si l’on dispose de revenus décents puisqu’on a tout son temps à sa guise ? Priorité aux jeunes, à leur formation, à leur autonomie financière, à leur sécurité d’emploi, de salaire et de retraite.

Là nous entrerions dans un nouveau monde, celui des solidarités, de la tolérance et des coopérations, où ne régnerait plus l’exploitation de l’homme par l’homme. Il ne dépend que de nous de résister et de prendre la bonne direction plutôt que d’écouter les sirènes de la fatalité et du »bon sens » tel que le conçoivent les partisans de l’ancien monde qui n’ont que l’argent comme but et moyen de l’épanouissement individuel et de la réussite sociale…si sélectifs.

Mais ils en privent celles et ceux qui en ont le plus urgent besoin.

René Fredon

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