Très attendu par les mélomanes, le concert inaugural de la saison symphonique fut un incontestable succès à porter à l’actif des choix du directeur de l’Opéra de Toulon Claude Henry Bonnet et de Jérôme Gay directeur adjoint et codirecteur artistique chargé de la programmation des concerts.
La cohérence tournait autour de l’Opéra français et de la Provence avec au programme le Poème du Rhône de Maurice Emmanuel et les deux suites de l’Arlésienne de Bizet, encadrant deux moments de virtuosité pure, les Fantaisies pour violon et orchestre de Henryk Wieniawski et Franz Waxman.
La première œuvre, le Poème du Rhône, œuvre posthume de Maurice Emmanuel date de 1938. D’inspiration impressionniste cette partition souffre d’une orchestration insipide et d’un réel manque de caractère. Malgré les efforts d’Anu Tali et la tenue impeccable de l’orchestre, elle ne dépasse pas la dimension de musique « d’école » appliquée.
Bomsori Kim impériale et modeste
L’arrivée sur scène de la virtuose sud-coréenne Bomsori Kim, avec son violon d’époque, un Guadagnini de 1774, souleva un frémissement de gourmandise. Tous les violonistes ou amateurs de beau violon connaissent cette prestigieuse interprète. Elle était attendue !
Elle donna la Fantaisie Brillante sur des thèmes de l’opéra Faust de Charles Gounod composée par Henryk Wieniawski. Un Everest du violon classique. L’œuvre en elle-même n’est pas d’une grande profondeur d’inspiration (il s’agit d’un hommage aux principales mélodies du Faust de Gounod). Non, ce qui fait tout son intérêt c’est la difficulté d’interprétation qu’elle exige.
Il n’y a qu’une poignée de violonistes qui peuvent prétendre l’interpréter sans risques.
Bomsori Kim a fait preuve de son immense maîtrise technique, en particulier dans les traits les plus difficiles : harmoniques mélodiques de huitième position sur la chanterelle, doubles cordes staccato, saltarello de l’archet. Une leçon donnée avec un faux air de facilité et un sourire charmant irradiant de toute sa personne, accompagnant du geste et du corps la projection du son. Les dernières mesures du Wieniawski soulevèrent l’ovation méritée.
Juste le temps d’une sortie de scène et Bomsori replonge dans la Fantaisie sur des thèmes de Carmen de Waksman. Au-delà des difficultés maîtrisées, on perçoit à travers son jeu une sensibilité interprétative étonnante. Une assimilation parfaite du legato vocal rendu sur son instrument. Une respiration constante des phrases musicales jusqu’aux traits de virtuosité conclusifs. Devant un public définitivement conquis et un orchestre qui se joignait aux applaudissement, elle donna en bis la méditation de Thaïs de Jules Massenet. Là encore son jeu fascina par l’ampleur du délié jusqu’ aux harmoniques servies au laser. Un merveilleux moment musical et poétique.
Anu Tali un lyrisme maîtrisé
La deuxième partie était entièrement consacrée aux deux Suites de L’Arlésienne de Bizet. Une musique française d’une élégance rare servie par un orchestre de Toulon visiblement inspiré. La riche personnalité d’Anu Tali, sa gestique précise, son sens de la rythmique intérieure de cette partition baignée de lumière, tout cela poursuivit et amplifia l’impression de succès de la première partie.
Anu Tali qui vient des bords de la baltique est un mélange de l’école russe et allemande avec un sens profond de la couleur et des nuances. Elle alterne avec subtilité une direction à la baguette pour les mouvements vifs et à la main pour les épanchements plus lyriques. Sous un sourire permanent se devine un caractère impérieux. Elle a obtenu le meilleur de la phalange toulonnaise et c’est tout le mérite de Jérôme Gay d’offrir aux musiciens des directions musicales variées et complémentaires.
Il faut dire que dans Bizet, la cheffe d’orchestre n’a eu qu’a puiser dans un vivier de solistes de haut lignage qu’il est bon de nommer. Le beau solo de flûte de Boris Grelier, qualité du son, légèreté, musicalité recueillie. La Harpe aérienne et sonore de Claire Iselin. Le saxophone alto généreux de Julian Broudin. Le Hautbois de Guillaume Deshayes et la clarinette de Franck Russo. Anu Tali selon l’usage a fait applaudir les différents pupitres qui ont tous concouru à la réussite de cette soirée inaugurale.
Jean-François Principiano