Peer Gynt ou la recherche de soi

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Pour deux soirées Châteauvallon invite  à découvrir un des plus beaux mythes littéraires de l’Europe du Nord dans une adaptation de David Bobee.

Un chant de liberté
La  première fois que j’ai vu cette œuvre c’était dans un quartier pauvre de Marseille ou une matinée théâtrale était organisée par la cellule du Parti communiste qui avait invité une troupe de professionnel de Paris. La salle était comble et un personnage étrange vint dire le Prologue. Je ne l’ai jamais oublié. Il s’adresse à sa mère avant de partir faire le tour du monde.

« Mais non, petite mère, méchante petite mère, gentille petite mère, tu mérites mille fois mieux que cela. Va ! Fie-toi à ma parole. Tout le monde, dans la commune, s’inclinera devant toi. Attends seulement que j’aie fait quelque grande, très grande action ! »

Œuvre initiatique

Henrik Ibsen

Peer Gynt, une des œuvres les plus célèbres du dramaturge norvégien Henrik Ibsen, est un drame poétique initialement destiné à être lu. Ce n’est qu’en 1876, neuf ans après sa publication, qu’il fut représenté sur scène dans une « mise en musique » d’Edvard Grieg composée à la demande de l’auteur. Servie par la grande qualité de son écriture, cette pièce profondément norvégienne à la portée universelle n’a rien perdu de son actualité. Foisonnante, complexe et parfois ambiguë, c’est une œuvre ouverte, insaisissable, dont la vitalité nous fascine.

L’influence de Nietzsche
« Deviens ce que tu es » disait le philosophe. Peer Gynt, est un jeune fanfaron d’une vingtaine d’années qui tente de fuir la réalité pour la pure vie idéale et accessoirement par le mensonge. Peer à la chance d’obtenir la promesse de la main de Solveig, jeune fille vertueuse et fidèle, mais, par manque de persévérance, il enlève en pleine fête nuptiale une jeune épouse séduisante : Ingrid. Ayant été violée et pour finir abandonnée par Peer, Ingrid déplore son triste sort.

Renoncer à l’humanité.
Par la suite  toujours à la recherche d’aventures et d’amour, Peer Gynt en fuite de son village natal rencontre une des filles du vieux roi de Dovre, qui, séduite par Peer, l’entraîne dans le monde des trolls et des démons. Ils rendent ainsi visite au légendaire roi des montagnes de Dovre, dont les autres filles sont des gnomes. Il souscrit à la devise des trolls : « Suffis-toi toi-même », alors que la sagesse des hommes lui suggère « Sois toi-même ». Mais afin de pouvoir épouser la princesse et d’avoir biens et honneurs, il finit par renoncer à sa condition d’homme. Il entre en déchéance et, comprenant que sa vie est en danger, l’évite par la fuite. Mais il demeure toujours un vagabond des montagnes, dévoré d’ambition et d’orgueil, à la recherche d’affaires mirobolantes. Dans ces hauts lieux de la tristesse, il fait une rencontre fugitive avec une désespérée, Solveig, la jeune fille rencontrée avant les noces. Peer rentre chez sa mère Aase moribonde, qui a été autrefois, avec lui, à la fois rude et tendre. Peer Gynt transforme le trépas en chevauchée fantastique au seuil du paradis où il confie personnellement l’âme maternelle au portier saint Pierre (un très beau moment de la pièce). Après la mort d’Aase, Peer quitte la Norvège.

La découverte de soi
D’aventures en déceptions, rentré sur terre vieilli et pauvre, il rencontre le vieux roi de Dovre qui lui explique que, puisqu’il a renoncé à sa condition d’homme, il ne continuera à vivre qu’en troll tout en se cachant, puis il retrouve la fidèle Solveig fanée par les années, qui l’a attendu miraculeusement et le console en ses ultimes instants. Il meurt comme un enfant bercé dans les bras, symboles de l’amour rédempteur. Juste avant qu’il ne rende le dernier soupir, elle lui murmure tendrement : « Ton voyage est fini, Peer, tu as enfin compris le sens de la vie, c’est ici, chez toi et non pas dans la vaine poursuite de tes rêves fous à travers le monde, que réside le vrai bonheur. »

David Bobée s’empare du texte qu’il triture afin d’en faire un spectacle organique. Sa mise en scène très spectaculaire, comme toujours, a été saluée par les uns, décriée par d’autres. En tout cas le spectacle a globalement été un succès et il « tourne » maintenant dans les grandes scènes nationales qui peuvent se permettre un tel déploiement de scènes fantastiques et de personnages hallucinés. À voir pour l’amour du théâtre épique et pour le style de David Bobee.

Châteauvallon le propose pour deux soirées à 19h vendredi 15 mars   19h00 samedi 16 mars   19h00. Infos www.chateauvallon.com et 04 94 22 74 00.

Jean François Principiano

 

 

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