« Où êtes-vous ? » Dr Vincent CARRET/ Amuf
Partout en France les Services d’Urgences/ SAMU Centre 15 et SMUR, tirent la sonnette d’alarme en cette veille d’été 2022.
Du jamais vu en France ! Des Services d’Urgences et SMUR sont obligés de fermer et ne parviennent plus à assumer leur mission de service public au quotidien faute de personnels !
Le message du Professeur Pierre CARLI patron du SAMU de Paris dans le Canard enchainé du 11 mai dernier est clair et décapant : « Services d’Urgences dans le coma », « On a un effet de tension généralisé, on est dans la merde jusqu’au cou ! »
Nous ne comprenons plus notre société et ses renoncements !
La Santé ne nous appartient pas, avant d’être un bien individuel elle est surtout un bien collectif.
La Santé est la priorité des Français, ils le clament et l’exigent, toutes et tous, surtout quand ils en ont besoin, rarement avant, avant « ça ne nous concernait pas ! » telle est la réponse si souvent entendue, trop souvent !
Le principe des réalités dans notre monde est hélas bien différent et des plus violent, il frappe sans prévenir.
Dans ce monde des incertitudes , Soigner est devenu difficile , de plus en plus compliqué et un combat épuisant dans la solitude et l’abandon.
Depuis trente ans nous nous battons, sans cesse et sans relâche pour la Santé parfois jusqu’au déraisonnable et à l’excès, pour vous, pour tous !
« Il n’y a rien de pire dans notre société que l’indifférence et les indifférents, ne le soyez jamais ! » était le plus beau message reçu de la part d’un Directeur hospitalier et vrai serviteur du service public, message adressé aux rares médecins qui secouaient et remuaient nos systèmes, toujours et sans jamais renoncer.
À l’usure du temps qui passe et la lassitude de ces combats, « les digues » de notre société sensées tenir pour nous protéger cèdent les unes après les autres. La « digue » des soignants finit elle aussi par lâcher prise.
Comme pour se rassurer et conjurer le mauvais sort on s’est mis à applaudir un temps les soignants sur les balcons pour vite les lâcher par la suite et les abandonner.
Au silence pesant de l’indifférence générale , à l’absence de réaction et de mobilisation de toutes et tous , nos soignants à l’image du monde qui les entoure se sont inscrits dans la « société des réciprocités », à l’indifférence et au renoncement, ils finissent par répondre eux aussi par le renoncement.
À ne plus être soutenus , à ne plus être défendus, les soignants partout sur nos territoires ont fini par accepter leur banalisation jusqu’à la perte de nombreuses valeurs, la perte de sens en tout, la perte de sens de leurs professions et choix de vies, comme le veulent et nous l’ imposent les nouveaux paradigmes de société pour tous
À avoir voulu « dé sanctuariser » les soins pour les « marchandiser » la société s’est mise à la faute. Si au moins elle savait le prix à payer pour cette faute !
Malgré toutes les alertes, toutes les inquiétudes , les larmes des usagers, des familles, des soignants, toutes et tous confrontés aux réalités qui hier ne les concernaient pas et qui aujourd’hui les concernent parce que dans le drame, dans la souffrance, face à la maladie qui étaient hier pour le voisin, pour l’autre qui indiffère, face à ces réalités pour tous, où êtes vous ?
Alors que la Santé devrait être ce « projet de destin commun », qui unit et qui rassemble au-delà de tout, nous nous attendrions à une mobilisation massive et sans faille de nos populations pour ce qu’ils revendiquent comme priorité ! En vain …..
je me retourne et ne vois pas grand monde ! Triste société !
Toujours les mêmes à continuer à se battre pour les autres alors que beaucoup préfèrent se mettre au service du silence et de l’indifférence !
Vous êtes où, toutes et tous ?
Des services d’Urgences , Adultes et Pédiatriques qui ferment, partout, notamment en région PACA/Sud, des Chirurgiens obligés d’annoncer le retard dans la programmation des cancers qu’ils ne peuvent plus opérer dans les temps à cause de la fermeture des blocs programmés, un système de Santé, l’hôpital public, nos Aînés, les soins abandonnés aux lois du marché qui était une « folie », un hôpital « entreprise » voulu et pensé « à flux tendus » sans réserve en tension et pression permanente , c’est à dire en crise continue, un hôpital désarmé face à la crise sanitaire, 130 000 morts du Covid et plus en réalité ….et la Santé absente des priorités pour notre pays à la hauteur des enjeux et des responsabilités attendus et légitimes.
Silence général ! incompréhensible, inacceptable, sauf à devoir finalement tout accepter…
Où êtes-vous, toutes et tous ?
Élus, Médias, Associations, Usagers, Citoyens, face à la hauteur de ces enjeux et de ces responsabilités que tous fuient ?
Je ne vous vois pas, je ne vous entends pas, vous ne vous battez plus, vous ne réagissez plus , vous attendez que le temps passe et le retour aux jours meilleurs… On connaît aujourd’hui les jours des illusions perdues, ceux de la mondialisation heureuse devenue dangereuse sur le dos de la Santé partout à travers le monde !
Mis à part celles et ceux de toujours, une minorité, hélas, qui continue à se battre pour une majorité qui n’est même plus capable de s’indigner et de se faire entendre pour leur Santé, notre société s’est perdue dans l’individualisme et l’indifférence de son prochain et est devenue une société faussement empathique.
Dans cette société des « réciprocités » l’individualisme génère la solitude et l’isolement de chacun et au final l’indifférence à l’autre appliquée à sa propre personne.
Beaucoup, avant, dans un esprit collectif qui était une force se battaient. Beaucoup ne se battent plus aujourd’hui car encouragés à ne plus se battre pour les autres !
Au-delà de notre Santé qui porte tant et symbolise tant , en terme de valeurs, de sens, de vérité, il en va de bien d’autres inquiétudes et de prises de consciences que notre monde de plus en plus contesté et violent devrait nous transmettre .
RISS le rédacteur de Charlie Hebdo dans sa « Lettre au futur locataire de l’Élysée » en ce mois de Mai nous le dit aussi : « Nos sociétés Occidentales de l’individualisme roi et du chacun pour soi », du drame, de la maladie , du cancer pour l’autre et pas pour soi , « vont payer cher, très cher, ces renoncements, ces démissions et cette perte du sens du collectif et de l’absence de projet de communauté de destin … »
« Cette question du collectif , c’est-à-dire de ce que l’on donne aux autres sans rien en attendre en retour, n’est pas mineure, car elle conditionne la solidité de toute société humaine »
Il est facile et confortable de transférer ce renoncement général et cette démission collective sur nos politiques, « tous pourris », « tous fautifs », mais « ils sont ce que nous sommes » et « Nous avons les politiques qu’on mérite » écrit Chloé MORIN. Nous aurons avec le désengagement et le renoncement de tous, aussi, « la Santé que nous méritons », toutes et tous, car de notre responsabilité collective.
Alors que le nouveau Président pour son second mandat et nouveau quinquennat fait de la Santé un de ses « Chantiers » ( avec l’école ) où il entend faire de la « démocratie sanitaire » sa nouvelle méthode, peut être adressera t-il à toutes et tous un message. La Santé n’est pas un projet solitaire, mais un projet et une responsabilité individuels avant toute chose auxquels il entend certainement associer tout le monde.
Puisse ce chantier réveiller toutes celles et ceux qui se sont mis au service du silence et de l’indifférence et que l’on ne voit plus et n’entend plus parce que ne se sentant pas concerné.
Pour fuir ces réalités et ne pas avoir voulu s’y investir, par facilité, confort, indifférence de l’autre et souci de sa seule petite personne et de sa petite vie, nous allons devoir affronter tous le « Réveil » de demain.
Dans un monde annoncé comme de plus en plus contesté et violent, un monde de crises, ce réveil de l’indifférence générale, de la perte de sens en tout et de l’esprit collectif, va être dur et violent, soyons en tous convaincus et tous conscients.
Sauf à ne pas vouloir , toutes et tous, aller : « Vers une autre voie » et un autre chemin, comme nous l’indique et nous y encourage Edgar MORIN, Il est grand temps de se mettre au boulot, vite, trés vite, loin des plateaux de télé, des affichages, et des plans Com usés pour changer de méthode !
Dr Vincent CARRET
AMUF
