Médecine interne : essentielle et méconnue

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À l’heure où la santé de chacun, et de tous, est devenue une actualité mondiale, au moment où les français parlent ADN, ARN, tests PCR, comme ils parlaient « avant » des résultats du RCT ou du PSG, nous avons interrogé un spécialiste toulonnais, le Dr Alain Lafeuillade, sur cette spécialité méconnue : la médecine interne. Un peu de pédagogie ne nuit pas, quand tant de rumeurs circulent allègrement…

  • Entre le médecin « interniste » et le « généraliste », quelles sont les différences ?
Dr ALain Lafeuillade

Dr Alain Lafeuillade : Nos confrères spécialistes nous considèrent, les internistes, comme de super-généralistes.
En fait après le tronc commun de 6 années d’études médicales, commun avec les généralistes, les spécialistes passent le concours de l’internat et, pour la médecine interne, cette spécialité nécessite 5 années d’études supplémentaires pour répondre à l’approche multi-disciplinaire à laquelle l’interniste sera confronté durant sa carrière.
Tous les internistes se retrouvent dans les propos de Blaise Pascal « Puisqu’on ne peut être universel et savoir tout ce qui peut se savoir, il faut savoir un peu de tout. Car il est plus beau de savoir quelque chose de tout que de savoir tout d’une chose; cette universalité est la plus belle« .
La Médecine Interne, dénomination chère aux anglo-saxons et connue en Allemagne dès la fin du XIXème siècle, reste encore trop méconnue et incomprise en France en dépit de son dynamisme et de sa place essentielle dans le système de santé.

Pierre Godeau

C’est le Professeur Pierre Godeau (1930-2018) de l’hôpital de la Pitié Salpétrière à Paris qui est à l’origine de ce dynamisme, lui-même élève de Fred Siguier. On lui doit le fameux « traité de médecine », ouvrage de référence, qui continue à être mis à jour par ses élèves.

À Marseille, mon maître en Médecine Interne a été le Professeur Pierre-Jean Weiller, à Toulon les docteurs Robert Quilichini et Louis Aubert, ce dernier étant lui-même un élève de Pierre Godeau.

  • Cette spécialité demande t’elle des compétences particulières ?
    Dr Alain Lafeuillade: Il s’agit d’une spécialité médicale à part entière qui nécessite 5 années d’internat. Un choix d’interne durant 6 mois dans un service spécialisé, cela permet à l’interne qui a choisi la spécialité de médecine interne d’être partie prenante de la vie de 10 services hospitaliers. Il choisira, bien sûr, des services de médecine interne, mais aussi un panel d’autres spécialités afin de les apprendre.

 

  •  À quel moment un patient et son médecin traitant peuvent-ils se tourner vers un spécialiste de médecine interne ?
    Dr Alain Lafeuillade: L’interniste reçoit en général des patients de « seconde main », ou plus. C’est-à-dire des patients qui ont déjà été explorés par leur généraliste, voire des spécialistes, sans que ces derniers ne soient parvenus à un diagnostic précis. Il reçoit aussi directement des patients qui considèrent que leurs pérégrinations de spécialistes en spécialistes doivent être coordonnées par un chef d’orchestre capable d’en faire la synthèse.

 

  • Quelles sont les pathologies qui font appel, le plus souvent, à cette spécialité ?
    Dr Alain Lafeuillade : Il y a plusieurs situations :
    1-certaines pathologies, dites maladies systémiques et maladies auto-immunes, relèvent spécifiquement de l’interniste. Ce sont soit des maladies où plusieurs organes sont touchés, en général par un processus inflammatoire, soit des maladies dites auto-immunes. Ces dernières, comme le lupus systémique, sont dues à la production par le malade d’anticorps contre les propres constituants de son organisme. C’est donc une erreur de la réponse immunitaire qui va entraîner des lésions au niveau des poumons, des reins, du foie etc… Le traitement fait appel aux corticoïdes, aux immuno-suppresseurs, et aux biothérapies.2-il y a des situations au cours desquelles l’interniste est sollicité parce qu’un diagnostic n’a pas été établi malgré les examens pratiqués : amaigrissement inexpliqué, fièvre inexpliquée au long cours, paramètres biologiques montrant l’existence d’une inflammation dans le sang qui est isolée… L’interniste se transforme alors en inspecteur Colombo, à la recherche des indices qui vont conduire au diagnostic.3-enfin, chaque interniste a une sous spécialité, pour moi ce sont les maladies infectieuses.

 

  • La Covid-19 qui entraîne des troubles multiples est-elle désormais prise en charge par les spécialistes de médecine interne ?
    Dr Alain Lafeuillade: Tout à fait. Elle est l’exemple même pour lequel l’interniste va pouvoir coordonner la prise en charge entre le médecin traitant, l’infectiologue, l’urgentiste, les soins intensifs… Toute pathologie touchant plusieurs organes ou gardant encore des mystères est le terrain de prédilection de l’interniste, car son approche est toujours globale.

Recueillis par N.F

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