Manouchian : de l’Affiche rouge au Panthéon

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 L’hommage rendu par la section de La Seyne du PCF à l’entrée au Panthéon de Missak et Mélinée Manouchian en tant que résistants communistes des FTP-MOI (Main d’Oeuvre Immigrée) a réuni plusieurs centaines de Seynois.es à la Bourse du travail ce samedi 24 tout au long d’une journée  riche et participative, autour de cet évènement national qui, pour la première fois honore la Résistance communiste et les immigrés.es qui ont choisi la France, jusqu’à mourir pour elle.

Un autre hommage avait eu lieu le 21 février, le jour de la cérémonie nationale, à l’initiative des anciens des Chantiers et de leurs organisations (CRCN, AMIANS, Argonautes), devant la porte des Chantiers où une stèle a été érigée. Car Missak et son frère, Garabed, y ont travaillé de septembre 1924 à juin 1925.

La municipalité y était représentée par  plusieurs adjoints, Mme Paganelli-Argiolas a fait une brève  allocution, avec quelques tournures ambigues…Où est-elle allé chercher que  Missak et Mélinée sont entrés au Panthéon…« au coeur de la plus grande période de paix pour l’Europe et pour notre pays »?!

Dans son allocution d’accueil, Cyril Reliaud le secrétaire de la section du PCF a rappelé que »Missak a résidé et travaillé à La Seyne -aux chantiers- peu après son arrivée en France… » et que les communistes ont voulu lui rendre cet hommage sous la forme d’une journée culturelle et politique dont il a énoncé le déroulé et les intervenants.

Céline Ivaldi a présenté Jean-Marie Guillon, historien de la Résistance très connu dans le Var où il habite. Elle a évoqué le thème de son intervention : « L’histoire de la Résistance a longtemps été une histoire à dominante masculine où le rôle des femmes était, globalement, passé sous silence…dautant que dans la France de Vichy elles étaient cantonnées au rôle de mère-épouse ménagère… »

J-M Guillon nous a donné un aperçu de son savoir en matière de résistance locale mais pas que, et de sa mémoire des noms attachés à des faits de résistance en Provence et bien au-de là. Chercheur par nature et par profession il avait choisi de parler des femmes dans la résistance et de leur rôle largement sous-estimé. Et particulièrement des femmes au statut d’étrangères.

La salle se remplissait rapidement, l’exposition très documentée, en une dizaine de panneaux portait sur le contexte et le couple Missak-Mélinée, amoureux et résistants jusqu’au bout, couple désormais éternel et indissociable de leurs camarades, dont les portraits seront à leurs cotés. Tous héros malgré eux. Les visiteurs, comme aimantés, y passaient de longues minutes silencieuses…

Il faut dire qu’à la Seyne, les idées révolutionnaires et de résistance ont laissé des traces. Elles dominaient du temps où les Chantiers navals faisaient des bâteaux et donnaient du travail à plus de 6 000 salariés, majoritairement ouvriers et techniciens, fortement syndiqués à la CGT. Sans compter les sous-traitants et un Arsenal qui employait plus de 10 000 personnels d’État à la Libération.

Rien d’étonnant à ce que les maires communistes qui suivirent aient travaillé aux chantiers…(où son père, dans le cas de Toussaint Merle) Mais le libéralisme allait désindustrialiser la France et  vider nos campagnes de leurs agriculteurs.

En fin de matinée, Danielle Dorel a évoqué une autre grande résistante communiste Martha Desrumeaux qui fut internée à Ravensbruck et dont le parcours syndical et politique, à peine sortie de l’enfance dans son Nord natal, justifierait le Panthéon qui lui a été refusé. « Elle aura été de toutes les luttes, contre le fascisme, contre le capitalisme, pour la reconnaissance des droits des femmes… »

Seule femme à avoir participé aux accords de Matignon en 36, elle finira ses jours dans le Var, à Évenos. Elle se réjouirait, à n’en pas douter, de l’entrée au Panthéon du couple Missak-Mélinée.

Un couple qui nous émeut par leur amour intense, leur détermination et leur destin tragique, deux orphelins victimes du génocide commis en Arménie par les Turs en 1915 (plus d’un million de morts) qui les oblige à s’expatrier. Ils choisissent la France pour sa révolution et sa culture, berceau des droits de l’homme, amoureux des arts… Ils vont connaître l’occupation nazie et choisiront la résistance et le parti communiste.français.

C’est ce que nous relate dans son livre passionnant :  » Missak et Mélinée MANOUCHIAN,  Un couple en Résistance » l’auteur, écrivain et journaliste, Gérard Streiff, présent tout au long de cette journée.  Il répondra aux questions de futurs lecteurs passionnés par cette vie qui commence par un génocide et s’achèvera par une exécution collective au Mont Valérien.

Les moins jeunes connaissaient cette tragédie qui avaient inspiré deux grands poètes, eux-aussi engagés : Louis Aragon qui écrivit en 1955 l’Affiche rouge et qui accepta que Léo Ferré la mette en musique et en fasse une chanson, l’offrant à tout un panel d’interprètes femmes et hommes qui ne cesse de s’étoffer. Le second poète, Paul Éluard, tout aussi célèbre lui dédia « Légion sur l’affiche rouge’ écrit en 1951.

Étaient également présents le président de la Marseillaise, Léo Purguette et le coordinateur de la commission nationale culture du PCF, Denis Lanoy qui ont animé des tables rondes très réactives. Sans oublier la projection du film « La traque de l’affiche rouge« de Jorge Amat et Denis Pechanski.

Une journée riche en débats, entrecoupée de dégustation de spécialités arméniennes en partie faites par des militantes locales qui tenaient le stand des gourmets, d’autres celui du café, des livres…

Bref, une organisation impeccable, une initiative réussie, grâce à la motivation de toute une équipe de militants.es. Je ne donnerai pas de noms…pour ne pas risquer d’en oublier.

René Fredon

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