Logement : tout pour les investisseurs, les mal-logés attendront

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Dans le prolongement de l’excellent article du 2 novembre de Jean-Paul Jambon de la fondation Abbé Pierre sur l’explosion des expulsions locatives et sur leurs causes.

Ce n’est pas nous qui le disons, c’est Bouygues-immobilier dans une de ses annonces qui arrivent sur nos écrans : « Le projet de loi de finance 2017 est plutôt généreux avec les propriétaires et investisseurs immobiliers : la Taxe Spéciale d’Équipement Régionale (TSER), critiquée à son annonce en juillet dernier, a finalement été abandonnée. »

La loi Pinel est reconduite qui offre des réductions d’impôts substantielles aux investisseurs qui louent au moins pendant 6 ans.

De même pour l’achat d’un logement en EHPAD (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) si vous louez pendant au moins 9 ans. Une réduction d’impôts jusqu’à 11% du prix HT de l’investissement !

Que demande le peuple ? Qu’on stimule l’immobilier spéculatif par des réductions d’impôts ou qu’on accorde la priorité au logement social pour celles et ceux qui n’ont pas d’autre choix ?

La réponse paraît aller de soi, sauf pour une majorité de députés et de maires qui, délibérément sacrifient le logement social tout en jurant la main sur le coeur qu’ils n’ont pas les moyens de faire face à la demande de logements accessibles du fait du coût du foncier.

Bref, c’est la faute à personne si ce n’est aux propriétaires du foncier qui veulent vendre librement c’est-à-dire le plus cher possible leur terrain. Les politique seraient impuissants quand il s’agit de fixer les conditions d’acquisition d’un terrain à usage non spéculatif, d’utilité publique, pour loger des populations aux ressources limitées qui n’ont pas accès au locatif privé ?

C’est ce que l’on cherche à nous faire croire depuis des lustres et c’est ainsi que s’accumulent les demandes non satisfaites d’un logement qui devrait être un droit reconnu et une obligation pour les collectivités locales et les bailleurs sociaux, à condition de leur en donner les moyens juridiques et financiers. Encore faut-il en avoir la volonté politique.

La loi SRU fixait à 20% le pourcentage de logements sociaux par rapport au total des résidences principales. En 2012, ce quota est passé à 25% pour les communes de plus de 3 500 habitants.

Cet objectif était atteint ou dépassé dans les communes accueillant depuis longtemps des populations aux revenus modestes, comme La Seyne et La Garde dans le Var. Il est très loin d’être atteint dans les communes qui ont une municipalité hostile à l’accueil de ces mêmes populations. 11% seulement de logements sociaux dans le Var en moyenne départementale.

Les politiques mises en oeuvre par la droite ne visent qu’à l’accueil de populations aisées capables de se loger par leurs propres moyens, que ce soit en pavillon, co-propriété ou location libre. C’est comme cela que commence la ségrégation sociale. Les plus pauvres avec les plus pauvres, et si en plus ils ont des noms bizarres…étrangers quoi ! La mixité sociale en a pris un sérieux coup.

C’est ainsi qu’ont été concentrées, au fil du temps, des populations françaises dans de grands ensembles le plus souvent loin des centres-villes, populations qui, à un moment, l’ont ressenti comme une mise à l’écart du reste de la société.

Non seulement la pénurie de logements sociaux est énorme, 2,6 millions de familles, (3,8 millions en comptant les mal-logés selon la fondation Abbé Pierre), en attente en France, plus encore dans un département comme le nôtre, entre 22 et 25 000 demandeurs, certains depuis cinq ans et plus mais la production ne suit pas, l’écart se creuse.

On construit pourtant beaucoup à Toulon et dans le Var. Mais si peu dans le social. Alors que 77% de la population répond aux critères d’accession à un logement social ! Le problème touche l’ensemble des familles, à commencer par les catégories aux ressources les plus modestes.

Si les terrains, propriété de l’Etat, mis à la vente depuis plusieurs années étaient préemptés par les collectivités locales, à commencer par Toulon, pour construire prioritairement du logement social, cela offrirait des possibilités très sérieuses de réduire l’écart et les listes d’attente. La loi prévoit même que ces terrains soient donnés aux bailleurs sociaux.

Ce n’est pas ce qui a été fait sur les terrains de la ville de l’ex-hôpital Brunet, ni sur ceux de l’Etat de l’hôpital Sainte-Anne, ni sur ceux de la ville à Chalucet où aucun logement social n’a été programmé !!

Ne faudrait-il pas, sans attendre, repenser l’urbanisme  de nos villes, de nos agglomérations pour créer des espaces où l’habitat social de qualité fait partie de la ville sans être marginalisé et concentré dans des immeubles surpeuplés de quartiers plus ou moins isolés.

N’est-ce pas Valls, lors de ses voeux le 20 janvier 2015, quelques semaines après les attentats de Paris et de Montrouge, qui reconnaissait qu’il existe en France « un apartheid territorial, social, ethnique… » évoquant « la relégation péri-urbaine, les ghettos, la misère sociale…où s’additionnenent les discriminations quotidiennes… ».

Constat on ne peut plus pertinent et même surprenant. Les actes n’ont pas suivi, là non plus

Malheureusement il semble que la loi SRU ne tient plus qu’à un fil : début octobre, la majorité de droite du Sénat demandait un allongement des délais pour les maires récalcitrants (nombreux dans le Var) par des accords contractuels avec les préfets ! Et même une pénalisation pour ceux qui ont fait le choix du logement pour tous plutôt que de l’égoïsme résidentiel. Un comble.

Pour Christian Favier, sénateur CRC du Val de Marne : »Construire un parc social de qualité, accessible au plus grand nombre, ce n’est pas un acte de charité, c’est porter un modèle social de progrès et garantir un droit fondamental à l’égalité  » (1)

Encore un sujet qui ne sera pas évoqué, ni à droite, ni au centre, ni à l’extrême-droite, ni par le gouvernement. Il constitue pourtant un enjeu de société majeur.

René Fredon

(1)http://groupe-crc.org/activite-des-senateurs/la-discussion-et-le-vote-de-la-loi/affaires-economiques/article/rien-ne-permet-dans-ce-projet-de-loi-de-remettre-en-marche-l-ascenseur-social

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