Les Urgences, couloirs de la honte 

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Responsabilité, irresponsabilité et hypocrisie sur le front des Urgences ou une faute politique ?

Amnésiques, réveillez-vous !

On entend ici et là : « Il faut responsabiliser les usagers et les populations au sujet des  Services d’Urgences ! »
RESPONSABILISER . Logique évidente !
Mais quelle portée, quelle crédibilité donner à cette parole quand on en connaît la réalité et les causes cachées en terme de pénurie médicale et des déserts médicaux ?

« L’exemple vient pourtant d’en haut » dit l’adage …
Quid alors de la RESPONSABILITÉ des politiques et des élus législateurs qui demandent aujourd’hui aux usagers d’être responsables en lieu et place des politiques de santé et de décisions, de votes, et de choix de société qui au final se révèlent hasardeux au vu des résultats et des conséquences pour nos populations ? Quid de ces conséquences et de cette RESPONSABILITÉ non assumées par ceux là mêmes qui  les ont imposées et qui en appellent aujourd’hui à la responsabilité collective en s’en exonérant à titre politique et personnel ?

« Les Urgences, couloirs de la honte » a écrit le Professeur Bruno RIOU du CNUH dans libération le 1er juillet 2019 à l’encontre de ces années de politiques de santé . Il rappelle à tous les conséquences des délais d’attente sur des brancards aux Urgences en terme de  mortalité prouvée sur nos populations .

Le Sénat dans son rapport de Septembre 2017 « La RUPTURE annoncée au sein des Urgences » mettait en garde les parlementaires à la veille du vote du PLFSS ,  je cite : « Alerter les élus législateurs de ne plus voter la fermeture de lits à l’hôpital pour le vote du PLFSS 2018  au vu des conséquences sur les malades et les équipes des Urgences en état de Rupture  »
…la plupart des élus de la majorité ont voté cette fermeture de lits en pleine conscience des conséquences et des messages d’alerte et CONTRE les usagers, contre les personnels et contre nos équipes soignantes …..

Responsabilité des usagers, dit-on ?……
Cette responsabilité savamment occultée, oubliée et passée sous silence est remise à l’ordre du jour et soumis au réveil des consciences de nos élites amnésiques  par «  le Mal Français »  d’Alain Peyrefitte , déjà en 1976 .

On peut y lire : « Il s’est construit une société à irresponsabilité technocratique illimitée dans laquelle les dirigeants s’exonèrent d’assumer leurs décisions et leurs actes…Quand ils sont mis en difficulté ils désignent un bouc émissaire commode et facile …. L’opinion finit par ne plus être dupe. Ces attitudes irresponsables et l’absence de courage , voire une certaine lâcheté , nourrissent la société de défiance à plusieurs facettes ».

Concernant notre domaine qu’est la santé on peut selon Sophie Coignard , dans « Le nouveau mal français »,  lire : «  Le pouvoir fabrique des déserts médicaux puis se refuse à reconnaître leur existence pendant des années avant de faire machine arrière et de transférer les responsabilités qu’il n’assume pas ailleurs » .

Depuis les années 1980 un système digne du « pire cauchemar technocratique » décide qu’il y a trop de médecins en France et que leur nombre élevé est le premier responsable de la dérive financière de l’Assurance maladie, qu’il suffit donc d’en supprimer pour retrouver l’équilibre des comptes sociaux.

Vont ainsi sous tous les gouvernements successifs s’enchaîner les dispositifs suivants :
-Diminution du numerus clausus de 8588 étudiants en 1ere année de médecine à moins de 4000 entre 1992 et 2000, et une baisse attendue en terme de pénurie médicale de ces effets sur la démographie médicale jusqu’à 2025 !
-2003 MICA ou mécanisme d’incitation à la cessation anticipée d’activité des médecins libéraux conventionnés,
-La T2a et la tarification à l’activité 2007 / Plan hôpital  JF MATTEI et courses aux actes et surconsommation d’actes…
-La non obligation des gardes en médecine libérale qui bascule sur le volontariat en 2012…
-La loi HPST 2009 R BACHELOT dite « hôpital entreprise » du « beau malade sélectionné qui rapporte » et son désastre : la Déshumanisation de l’hôpital,
-La fermeture de 100 000 lits d’hospitalisation depuis 20 ans (malgré des populations âgées et poly pathologiques qui saturent les Services d’Urgences  ),
-La non anticipation de la dépendance et du vieillissement de la population et l’inquiétude des situations dans de nombreux Ephad
-La centralisation de filières spécialisées et hyper spécialisées et non organisées via les GHT 2016 M TOURAINE qui viennent attendre sur les services d’Urgences des Hôpitaux référents des GHT…
-La perte d’attractivité dans des hôpitaux périphériques démunis et en perte de plateaux technique

On ne pensait pas si bien dire récemment : « Arrêtez de nous mettre en danger ! Arrêtez de vous cacher et de vous protéger derrière les Services d’Urgences SAMU et SMUR qui assument tous les jours SEULS les conséquences de vos choix et décisions politiques sans que vous n’en soyez jamais responsables ni être inquiétés ! Tous les jours nous prenons nos responsabilités et VOS RESPONSABILITÉS » était l’objet de la lettre ouverte le 12 Février 2018 à l’ensemble de nos élus et législateurs .

Quid aujourd’hui à travers ce constat édifiant de l’état de nos services d’Urgences et de notre système de santé et de ces non dits passés sous silence et de ces vraies responsabilités ?
Quels responsables ? Où sont-ils ?
Nos élites en appellent à la responsabilité collective ! et la leur ? À la bonne heure…

Quid aussi du « Principe de Précaution Général » qui les « protège » de tout et qui est appliqué par tous y compris au plus haut niveau de l’état et qui déresponsabilise tout le monde au sein de la société ?
Déresponsabiliser, responsabiliser ?…  Injonctions contradictoires permanentes : il faut choisir !
« Nous vivons dans une société d’imposteurs et d’impostures » disait Jean D’Ormesson à qui on demandait de résumer en quelques mots notre société.
Jamais une telle vision et un regard aussi lucide ne colleront autant au temps présent.
« Les Urgences, couloirs de la honte !», mais sans aucune responsabilité, sans aucun responsable…
« Balayons TOUS devant notre porte » assénait courageusement et en toute honnêteté souvent un de nos chefs de services charismatique dans un passé pas si lointain.

Puisse l’avenir nous permettre de croiser à nouveau un jour ces hommes et ces femmes courageux devenus bien rares et à la hauteur des enjeux de société qui se présentent et qui ont totalement disparu, là est notre inquiétude majeure .

Ces combats menés par l’AMUF sont justes et vrais et au service de l’intérêt général et du malade sauf à nous en prouver tout le contraire. Ces combats sont notre fierté.
Soyez assurés de notre investissement et de la poursuite de ces combats en toute responsabilité.

Dr Vincent CARRET
Ancien Chef de Services des Urgences
Praticien Hospitalier
Membre du Directoire CHITS
Responsable AMUF

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