Les premiers de cordée et ceux de corvée

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On se souvient des déclarations triomphales de Nicolas Sarkozy en 2009-2010 annonçant « la fin des paradis fiscaux ». On en rit encore dans les conseils d’administration du CAC 40.
Les récentes révélations des « Paradise Papers » soulignent que l’évitement, la fraude, l’évasion fiscale, loin d’être de vulgaires eczémas, sont profondément dans l’ADN de la mondialisation financière actuelle du capital. Comme l’indique Eva Joly, « les paradis fiscaux ne sont pas un dysfonctionnement du système capitaliste : ils sont la cheville ouvrière de ce modèle, où l’argent mène à tout, qui ne bénéficie pas aux habitants de cette Terre mais fonctionne pour quelques-uns ».
Les frères Bocquet, deux élus communistes particulièrement actifs dans la lutte contre la fraude fiscale reprennent à leur compte l’accusation, affirmant que « les paradis ne forment pas un archipel exotique et marginal de la finance. Au contraire, ils sont au cœur de la machine économique ; ils incarnent l’essence même du système ».
Et ce qui tient pour le monde est valable pour la construction européenne. Les régimes et dispositifs fiscaux très avantageux dont bénéficient les multinationales et les grandes fortunes – les « premiers de cordée », chers à Macron -, en Irlande, à Londres, en Belgique, aux Pays-Bas, au Luxembourg, … ne sont guère des verrues sur le visage de l’Europe telle qu’elle a été conçue par nos libéraux et sociaux-libéraux.
Leur permanence, en dépit des déclarations et des prétendues directives assassines, atteste qu’ils sont conçus comme une sorte de « mal nécessaire » qui permet de tirer vers le bas tout le système européen de prélèvements sur les entreprises et les patrimoines, justifiant en France les dizaines de milliards d’euros d’exonérations et de cadeaux, notamment ceux envisagés par Emmanuel Macron, après le Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), le crédit d’impôt recherche, le pacte de responsabilité et de solidarité …
La réponse à ce détournement n’est pas seulement fiscale, même si elle l’est aussi. Elle nécessite une révolution démocratique, un début de changement de civilisation, visant à mettre un terme au monopole patronal sur l’utilisation de l’argent et la création de richesses dans ce lieu de production et de vie qu’est l’entreprise.
Les salariés, les populations et leurs représentants doivent disposer de pouvoirs de décision qui, pour l’instant, sont accaparés par une minorité d’apparatchiks et de milliardaires. Les premiers de corvée doivent pouvoir contester les décisions des premiers de cordée et en faire prévaloir d’autres, favorables au bien commun.

Pierre Ivorra

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