Le Var à l’époque du confinement antituberculeux

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Il y a 150 ans le Var et les Alpes maritimes faisaient l’expérience du confinement thérapeutique des malades de la tuberculose. Un tourisme médical très ciblé s’était mis en place depuis les travaux d’une cohorte de  docteurs spécialistes dont le credo était « les porteurs de germes guérissent au soleil » D’un confinement l’autre… Lorsque l’histoire médicale  se met à bégayer !

Le docteur Mendés pape de l’isolement médical
En 1885 le docteur Louis Landouzy  avait réalisé une série d’études sur les bienfaits du soleil pour  retarder et, disait-il, faire régresser la phtisie (nom spécifique d’une forme de tuberculose pulmonaire) aussi appelée la phtisie galopante. Dans son livre célèbre traduit en 20 langues, « La tuberculose vaincue par les rayons du soleil »il écrivait : « face à la tuberculose une seule solution s’impose, l’isolement des malades dans un lieu à l’architecture spéciale entièrement exposée au soleil » « Le sanatorium est un instrument de cure, un organe antituberculeux rationnel […], une maison scientifiquement agencée, une machine d’hygiène thérapeutique solaire  faite pour soigner dans l’isolement, si on peut dire, avec un maximum de rendement, certaines catégories de tuberculeux curables. »

Il incitait les pays de climat méditerranéen à  favoriser un tourisme médical anti tuberculeux. Pour cela il prenait l’exemple d’Hyères la charmante cité varoise. Après avoir analysé le micro-climat hyérois il patronat deux hôtels-cliniques, le Bon séjour et la Méridienne. Il appela ces cliniques des solariums. Le nom allait ensuite devenir sanatorium dont le plus célèbre était le grand sanatorium du Mont des oiseaux. Des règlements draconiens imposaient l’isolement des malades (on ne parlait pas  alors de confinement) dans chaque établissement.

Le drame de la tuberculose.
Car à l’époque, comme de nos jours pour le covid19, l’humanité était démunie face à cette maladie qui se propageait par un bacille que l’allemand Robert Koch identifia en 1882. Il révéla que son enveloppe résiste à la fois à l’alcool et aux acides. Sa contagiosité était  donc foudroyante.

Les grandes villes du monde entier étaient touchées. Plus de 150 millions de personnes  moururent en 5 générations. Devant ce drame sanitaire une seule arme : l’isolement dans des hôtels (pour les plus aisées) ou dans une pièce (pour tous les autres). La contagion se faisant par les crachats et les postillons ou les vêtements ; une vaste campagne anti crachats se développa dans les transports publics urbains et dans les lieux publics. Sur le plan médical les tuberculeux étaient ainsi laissés à leur triste destin  d’une mort lente crachant leurs poumons jours après jours dans la fièvre et l’isolement.

Un espoir le pneumothorax artificiel.

l’exposition au soleil

Pourtant, à la fin du XIX° siècle on assista  aux  premières tentatives rationnelles et scientifiques pour traiter cette maladie qui a sans doute existé depuis qu’il y a des hommes.

Conseillée dès l’Antiquité par le médecin Galien, la cure de repos au soleil était bénéfique à  la rémission voire à la guérison. La côte d’Azur et la Riviera italienne se couvrirent alors d’immenses hôtels ou venaient s’isoler dans des stations de cure solaire, la foule des malades, en général les plus privilégiés. Puis il y eut un progrés chirurgical.

En 1887 un médecin italien de l’université de Pavie, en relisant Galien, découvre

Carlo Forlanini

cette phrase : « l’ulcère du poumon ne peut se cicatriser en raison de l’incessant mouvement du poumon. » Carlo Forlanini 1847-1914 proposa une chirurgie appelée aérothérapie, autrement dit le pneumothorax artificiel. On injectait de l’air entre la plèvre et le poumon de façon à le décoller afin de le mettre au repos pour le laisser cicatriser. C’était le seul traitement  qu’on utilisa pendant 50 ans malgré de graves complications (pour 30% des cas !). Les patients opérés étaient soumis à un isolement encore plus strict pendant toute leur convalescence. Jusqu’en 1944 cette technique sauva des milliers de vies dans le monde.

La vie quotidienne des  malades isolés dans les  hôtels
À Hyères, Sanary, Cuers, Cannes, Menton, Bordighera, San Remo ou Briançon la vie des  tuberculeux isolés étaient médicalement réglée. Pas de contact avec les proches sinon par courrier (c’est l’époque des grandes correspondances et des romans épistoliers) De longues siestes exposées au soleil et aux ultraviolets dans des chaises longues. Des menus speciaux.Tous les matins ils devaient boire  un grand verre de sang de bœuf ou de cheval prélevé dans les abattoirs de ville. A midi les  repas étaient surtout à base de poisson et notamment de sardines à l’huile…L’alcool sous forme de vin rouge était préconisé pour faire baisser la fièvre permanente. Cette société de malades, en général jeunes, vivait dans une fébrilité permanente que soulignent bien les grands auteurs célèbres de l’époque  André Suarez, Paul Bourget, Pierre Benoit, Pierre Loti, Marcel Proust, Katherine Mansfield, Thomas Mann, Marcel Prévost…

Vers 1914, un ensemble de palaces imposants change la physionomie de la ville. Le Grand Hôtel des Îles d’Or est le premier construit, en 1850 ; le dernier sera le Golf Hôtel, en 1905. Mentionnons aussi : l’Hôtel du Parc (1866) devenu le Grimm’s Park Hôtel (vers 1900), les Grands Hôtels de Costebelle (vers 1875), le Grand Hôtel des Palmiers et l’Hôtel Continental (1880), le Châteaubriand Britannique Hôtel (vers 1890).

Dans ces lieux qui étaient en fait des mouroirs de luxe (sans se l’avouer) les mesures de distanciation sociale étaient régulièrement transgressées et les « brulantes étreintes » servaient d’univers psychologique à cette société condamnée.

1944  la streptomycine vint !
En 1943 Albert Schatz (2 février 1920 – 17 janvier 2005) un jeune étudiant américain découvre la streptomycine. Cette découverte fut cependant seulement accordée à son superviseur, Selman Waksman, qui obtint le prix Nobel de physiologie ou médecine en 1952. C’est le premier antibiotique utilisé dans le traitement de la tuberculose et de nombreuses autres maladies. Du jour au lendemain tout changea. Les villes du sud et les stations hivernales se vidèrent. En quelques années Hyères  se transforma en  cimetière d’Hôtels qui peina (et peine toujours) a développer un tourisme étalé sur l’année.

Les tuberculeux pouvaient désormais être soignés sans isolement. « Un siècle et demi de travaux cliniques, anatomiques et histologiques, cinquante ans de collapsothérapie*, suivis de vingt années de traitements médicaux spécifiques, de dépistage, de vaccination BCG ont sinon définitivement vaincu, du moins singulièrement réduit dans ses retranchements une maladie ubiquitaire et dévastatrice. » **  Si l’on compare les mesures du confinement actuel, avec celles du passé, l’isolement au soleil, si peu de choses ont changé. ..

*Ancien traitement de la tuberculose (utilisé avant l’arrivée des antibiotiques efficaces) et qui consistait à réaliser un affaissement du poumon ainsi que sa mise au repos.

**Histoire de la médecine par Roger Dachez

Jean-François Principiano

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