51,2 %, record absolu des abstentions aux législatives sous la Vè république ! Plus d’un Français sur deux n’a pas voté ! Ne s’est pas senti concerné par l’enjeu ? Ou a cédé à la pression politique et médiatique : les jeux sont faits, l’important c’était la présidentielle, après il n’y a plus qu’à donner une majorité au président pour qu’il puisse appliquer son programme ? donnons-lui sa chance…
Quel recul de la démocratie qu’un tel niveau d’abstention découlant de l’inversion du calendrier, en 2002, plaçant la législative dans la foulée de la présidentielle ramenée à 5 ans.
Justement pour permettre ce type de chantage : donner une majorité au président élu quelques semaines plus tôt ?
Au 1er tour de la Présidentielle, l’abstention s’était élevée à 22,22%. Un mois plus tard elle passe à plus de 50% ! Le programme de Macron n’avait convaincu que 24% des exprimés (soit 18,19% des inscrits). Il a été élu par les 2/3 des exprimés parce qu’il était le seul vote possible face au FN qui avait fortement progressé, du fait des politiques libérales.
Aujourd’hui les 32% obtenus par LREM sur ses candidats, cela représente 16% des inscrits, encore moins que le score de Macron au 1er tour de la présidentielle ! Et il est en passe de s’octroyer 80% des sièges à l’assemblée ???
Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans cette République dont le nouveau monarque se veut « jupitérien », tout en nous promettant le renouvèlement des têtes mais pas du cap de la politique qu’il menait déjà sous le gouvernement précédent et qu’il veut amplifier.
Incontestablement, Macron, en élargissant à droite son premier gouvernement et en recyclant nombre de ses amis socialistes aux convictions très libérales, a réussi la première phase de son OPA sur l’assemblée nationale. Reste tout de même à transformer l’essai ce qui priverait la représentation des autres courants d’opinion qui faisaient 76% au 1er tour de la présidentielle !
Le Var illustre l’ampleur du succès -très relatif vu l’abstention historique- des candidats LREM qui arrivent en tête dans les huit circonscriptions, éliminant du coup six des huit sortants LR ! Et se retrouvant face à six candidats FN et à deux LR dont la seule sortante, Geneviève Lévy, dans la première de Toulon et le maire de La Garde, J-L Masson, nettement distancés.
Quand des institutions permettent la sur-représentativité du seul courant présidentiel à l’origine minoritaire dans le pays, au détriment de tous les autres, c’est qu’elles ne sont plus adaptées au pluralisme de la société et de son expression au parlement. Elles annoncent une dérive autoritaire qui utilise les institutions pour bâillonner l’opposition et faire passer des politiques hostiles au peuple.
C’est d’ailleurs dans les quartiers populaires que l’abstention a été la plus forte, allant de 60 à plus de 70% dans certains bureaux de Toulon ! Toute perspective de changement véritable paraissant impossible. Il ne s’agit pas de justifier l’abstention mais de comprendre les ressorts d’un électorat qui voit arriver au pouvoir un représentant qui a les faveurs du patronat et des puissants, qui faisait partie du gouvernement précédent et qui fait appel à la droite pour qu’on comprenne bien où il veut en venir et ce qui nous attend.
Ajoutons-y la désunion à gauche, Mélenchon refusant tout accord national proposé par le PCF qui le soutenait, affichant sa volonté hégémonique, un PS éclaté, des Verts également partagés, Hulot au gouvernement…pas vraiment les meilleures conditions pour rendre crédible une alternative progressiste, anti-libérale. Car c’est bien ce débat qui a été occulté tout au long de la campagne des législatives. Tout comme l’instauration de la proportionnelle à toutes les élections.
A 6 jours du second tour, l’urgence c’est d’éviter à tout prix qu’une majorité écrasante, sans rapport avec son influence réelle dans le pays, étouffe tout véritable débat à l’assemblée nationale et favorise toutes les régressions sociales et démocratiques annoncées.
Cela passe, bien entendu par la mise en échec du FN, vecteur de haine, de repli nationaliste et de division des Français, en même temps que par l’opposition aux candidats d’En marche, porteurs des projets de régression sociale qui frappent les plus défavorisés et développent les inégalités.
On peut comprendre que dans le Var, le choix s’avère cornélien. S’il était plus facile pour les électeurs favorables à la transformation sociale, de voter Macron pour ne pas laisser de chance au FN de présider la République, il sera beaucoup plus difficile dans chaque circonscription d’en appeler au « rassemblement républicain », histoire de renforcer l’hégémonie d’un président au service d’un libéralisme sans limite…et qui fait le lit du FN.
« Il faut juguler la toute puissance de la finance, mettre fin à l’optimisation fiscale et aux paradis fiscaux, taxer les transactions financières. Sans cela les objectifs d’aide au développement, à l’adaptation au réchauffement climatique resteront vains. »
Qui a dit cela ? Un dangereux révolutionnaire ? Non, Nicolas Hulot, à la page 29 de sa plaquette « OSONS, plaidoyer d’un homme libre » (Les liens qui libèrent 2015)
On n’attend plus que le passage à l’acte du N°3 du gouvernement, jusque là très discret.
René Fredon
