Le post-capitalisme à l’ordre du jour

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E »Ceux qui croyaient à l’avènement d’un peuple mondialisé se sont profondément trompés. Partout dans le monde l’identité profonde des peuples est revenue. Et c’est au fond une bonne chose » disait Macron lors de sa conférence aux ambassadeurs le 27-8-18, plaidant pour « une Europe plus intégrée, multiculturelle et contre les replis nationalistes ».

« Plus intégrée… » certainement puisqu’il est fédéraliste. Mais si les peuples revendiquent leur souveraineté ce n’est pas une bonne chose de leur proposer une plus grande intégration qui signifie déjà perte de souveraineté, négation de leur libre arbitre, de la démocratie.

Ce mot « intégration » a une connotation politique évidente, celle d’intégrer le même système de surexploitation des peuples et de la planète, le capitalisme, mot tabou rarement prononcé dans les discours, grands et petits. C’est ce qu’ils font avec la mondialisation de la finance et du « libre » échange à travers les relais d’une Europe conçue pour ça.

Comme un moyen de museler les peuples en leur imposant des politiques anti-sociales dont il leur est très difficile de sortir. Car les institutions ont été conçues pour les enfermer dans des dispositions et des traités que les gouvernements nationaux ne peuvent plus dénoncer puisqu’il faut…l’unanimité et que chaque État doit se plier à un mécanisme financier draconien imposé par les banques centrales, le FMI, relayés par l’Union européenne. Belle union !

Telle est la logique du système capitaliste dont la finalité est d’accumuler et de valoriser le capital, d’augmenter le plus rapidement possible les profits pour une poignée de milliardaires qui possèdent les banques, les grandes entreprises d’extraction, de production et de distribution, les médias. Cette domination économique sert de feuille de route à la plupart des gouvernements des puissances dominantes qui font des choix politiques de court terme dictés par les intérêts de la grande finance.

La France des riches est dans le peloton de tête et affiche les meilleurs résultats à l’échelle mondiale…seulement pour les gros actionnaires et leur armée de conseillers et de serviteurs grassement payés. Ils ne subissent pas la crise, ils la provoquent pour en tirer encore plus de profits. Ils se présentent comme la solution alors qu’ils sont le problème ! Et ça marche encore…pour combien de temps ?

Ils agissent comme si ce système était immuable jusqu’à la fin des temps, pour que s’imprime dans nos têtes l’idée qu’il n’y a pas d’alternative à l’horizon, que les tentatives qui ont existé ou celles qui s’efforcent de contester le postulat du capitalisme comme système unique, ont échoué ou sont en train de se rallier à leur système et à l’économie de marché censée réguler seule, les échanges entre individus comme entre États.

Cette surexploitation carnassière d’une minorité pour la propriété des richesses de la terre et de leur transformation en marchandises, en est arrivée à un point extrême où la planète elle-même, ses habitants, les écosystèmes…sont menacés dans leur existence même, si la réduction des gaz à effet de serre et ses conséquences sur le climat ne se réduisent pas au rythme décidé au plan international.

Comment ne pas voir que si nous ne changeons pas de système de production qui façonne nos modes de consommation et de vie, c’est-à-dire le système capitaliste, nous ne pourrons, collectivement qu’aggraver la situation des rapports sociaux et l’état de la planète. Car ce système marchand et productiviste, cher à Macron, à sa coalition mais aussi à Pécresse, à Wauquiez, à Le Pen…est incompatible avec les exigences de la transition écologique car il faut y consacrer les politiques et les moyens qui permettent d’atteindre les objectifs fixés par les Etats…même si Trump s’en est dégagé. Et donc disposer de la maîtrise de la finance, du crédit et des milliers de milliards de profits dissimulés mais connus, soustraits à l’impôt.

Hulot avait perdu de vue cette contradiction fondamentale qu’il avait pourtant identifiée en octobre 2015 dans son livre « Osons » (1) où, dès la page 12 on peut lire : « Osons dire que la violence capitaliste a colonisé tous les cercles du pouvoir…osons sortir de cette mystification qui fait croire que la solidarité et le changement sont possibles en laissant un pan entier de l’économie nous échapper. Sans la fin des paradis fiscaux, de l’optimisation fiscale, de l’évasion fiscale légale ou frauduleuse, sans la fin d’une finance occulte qui ne participe pas à la solidarité des États, toutes nos intentions, sincères ou pas, buteront sur l’impossibilité de tenir nos promesses et alimenteront le cycle infernal de l’humiliation, de la frustration et de la répression… »

Comment a-t-il pu se laisser entraîner dans un gouvernement qui portait les illusions qu’il dénonçait quelques mois auparavant ?

Macron, lui, récidive et ironise sur « les Gaulois réfractaires au changement ! » N’a-t-il pas publié pour sa campagne un livre racoleur titré « Révolution » !!! Rien que ça.

Le capitalisme n’est pas amendable
Il ne s’agit donc pas d’amender le capitalisme qui nous a conduit là où nous en sommes mais de le contraindre, par l’action citoyenne, à opérer d’autres choix en attendant de le dépasser car il est l’obstacle principal à la résolution de la question sociale en même temps que de la question écologique, deux priorités indissociables.

Dans son tout dernier livre « Le capitalisme expliqué à ma petite fille »(2), Jean Ziegler qui a été rapporteur spécial à l’ONU pour le droit à l’alimentation et vice-président du conseil des Droits de l’Homme, emploie des termes très directs pour qualifier « ce système qui doit être détruit parce qu’il détruit la planète et une large part de l’humanité…avant qu’il nous détruise complètement, il faut qu’on le détruise… » Il insiste sur le mot « détruire » parce qu’on ne peut pas l’amender pas plus que les révolutionnaires de 1789 ne pouvaient obtenir du roi qu’il consente à améliorer un peu le système féodal…explique-t-il.

Si la féodalité a été abolie ainsi que la monarchie de droit divin, les droits de l’Homme proclamés en même temps que la République qui sont notre héritage, la bourgeoisie naissante, industrielle et marchande, a fini par s’emparer du pouvoir politique fondé sur la domination du capital privé.

Aujourd’hui la caractéristique de cette crise profonde du capitalisme financiarisé, c’est que même les classes moyennes des pays les plus riches voient leur pouvoir d’achat menacé. Alors, les autres ? Les chômeurs, les bas salaires, les précaires, les retraités(es) modestes, les veuves, les jeunes sans ressource, ceux qui doivent travailler -s’ils le peuvent- pour payer leurs études, les bénéficiaires d’aides sociales…etc, c’est à eux que l’on va faire les poches pour que les riches le soient davantage !

Quel est ce monde qui regorge d’argent ? Un monde de violences sociales, de corruption, de montée des nationalismes, de chasse aux pauvres et aux migrants…74 ans apès la victoire des peuples sur le nazisme ! L’extrême-droite et même le fascisme assumé, relèvent la tête, exploitant les frustrations sociales et l’insécurité d’un monde qu’ils ne feraient qu’aggraver car ils ne contestent pas le système capitalisme. Ils veulent le « sécuriser » à la manière que l’on sait.

Depuis des siècles, la lutte des classes oppose les exploiteurs aux exploités. Ce ne sont pas les progrès technologiques qui ont changé les rapports sociaux fondamentalement. Ils ont fait évoluer nos modes de vie mais les différences sociales ne se sont pas atténuées. C’est toujours la lutte des classes qui change de forme, avec les évolutions au travail et dans la société, mais pas de fond.

Un autre monde est possible
En 2017, selon la banque mondiale, le produit mondial brut -somme de tous les PIB des États- s’élevait à près de 80 000 milliards de dollars. Quelques centaines de sociétés transnationales se sont accaparées 52,8% de ces richesses distribuées aux actionnaires !

Avec une telle masse d’argent il serait possible d’éradiquer la faim et la mal-nutrition, le sous-développement sous tous ses aspects, les causes des migrations et des guerres… à condition de changer de système de production et d’échange et de consacrer en urgence les fonds nécessaires à la régénération de notre environnement, source infinie de travail et de recherches.

Il est possible d’en finir avec les inégalités sociales, de permettre l’accès de tous à une formation, à un travail, à la culture et aux loisirs, d’avoir des échanges internationaux fondés sur les coopérations réellement équitables, sans domination, dans le respect des peuples… Avec le souci de ne répondre qu’à l’intérêt général et non à la soif de profits de quelques-uns. Dans un monde durable, pacifié et fraternel auquel nous aspirons tous…ou presque.

Le moment n’est-il pas venu d’aller dans cette direction? De prendre notre destin en mains? De faire front commun contre toutes les régressions annoncées et d’en contester la cause.

Il y a une vie après le capitalisme.

René Fredon

– (1) « OSONS plaidoyer d’un homme libre », Nicolas Hulot, aux éditions Les liens qui libèrent (octobre 2015) 4,90 euros

– (2) « Le capitalisme expliqué à ma petite fille », Jean Ziegler, aux éditions du Seuil (mai 2018)
9 euros

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