Le coronavirus amplificateur du krack annoncé

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Entre le 1er et le 10 mars, le CAC 40 a baissé de 18,24%, à 4 707, 91. C’est énorme. -8,39 dans le w-e, du 6 au 9 mars. Alors qu’à la mi-février l’indice avait franchi les 6 000 points et que pendant une quinzaine de mois précédents il était à un palier autour de 5 600. Le 13/3 il n’affichait plus que 4 154,79 après petite une remontée la veille ! Soit en un mois une chute de 6 000 à  4 000, en gros -33% ! Même constat sur toutes les places boursières.

Un krach financier que l’on voudrait attribuer au seul fait de la situation sanitaire, elle-aussi mondiale, et qui n’a pas atteint son pic, situation qui accentue l’impact certain sur les économies compte tenu des dispositifs mis en place pour contenir la contagion.
« Un an de hausse annulée en deux semaines de panique » se lamentent les experts boursiers.
Le coronavirus serait-il l’unique cause du phénomène ? Nullement, plutôt un révélateur et un amplificateur d’une crise financière attendue par la plupart des économistes, y compris chez les plus libéraux qui la jugeaient inéluctable. Sans en prévoir ni la date ni l’ampleur. Depuis quelques années, la croissance était déjà en repli, les déficits budgétaires à la hausse, comme l’endettement des entreprises.

L’explication par l’épidémie d’un virus dont on cherche à ralentir la progression, fait l’impasse sur l’inadaptation des systèmes de soins dans tous les pays qui ont privatisé leurs services publics au nom d’une conception marchande de la santé -et de bien d’autres secteurs- tendance lourde qui irrigue toutes leurs politiques d’austérité depuis plusieurs décennies !

Des paroles et des actes…durables
E.Macron a eu cette interrogation dans son allocution relayée par dix chaines :
 » …il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour, interroger les faiblesses de nos démocraties. Ce que révèle d’ores et déjà cette pandémie, c’est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, notre État-providence ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe. Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché … »

Nous saurons le lui rappeler très vite car ce qu’il fait en ce moment c’est bien de vouloir nous imposer un système de retraites qui répond aux voeux du patronat, des banques, assurances et fonds de pension, d’adopter à la sauvette le 49-3, de réduire les droits salariaux, les allocations-chômage, les protections, de refuser de consulter les Français.es etc…

Ce qui relève, non pas de failles du modèle économique libéral, mais de la volonté politique des chefs d’État et des « majorités »parlementaires qui les suivent.
Dans la même allocution, très solennellement, le chef de l’Etat a rendu hommage aux personnels des hôpitaux publics, à leur dévouement, à leur civisme…discours qui leur reste sur l’estomac ! Leur en demander davantage alors qu’ils alertent depuis des années sur le manque de lits partout ainsi que de personnels soignants suffisants et mieux payés, sur la dégradation de leurs conditions de travail et du service public hospitalier…ils n’ont que faire des flatteries de circonstances, ils attendent des actes concrets. Le virus, ils sont en première ligne !

Ce que le médecin-urgentiste de Sainte-Musse, le Dr Vincent Carret (qui porte bien son nom) traduit par des propos sans ambage : »cette peur que l’on demande aujourd’hui d’apaiser, de gérer et de calmer trouve paradoxalement l’espoir de réponse en ceux que l’on méprise et ignore depuis des mois malgré leurs multiples alertes…ils sont là et présents… » rappelant que 1 200 chefs de services hospitaliers ont démissionné pour dénoncer le mépris ressenti par tous les personnels du service public.

Cette réalité saute aux yeux : on manque de tout face à l’ampleur d’une épidémie dans sa phase montante -sauf en Chine peut-être- avec le manque flagrant de lits, de médecins, de médicaments, de masques, de gel hydroalccolique…Macron semble mettre entre parenthèses la « loi du marché » pour faire face à des productions devenues stratégiques. Pour combien de temps ?

Et comme il n’y a pas assez de places, on en appelle à une sélection de plus en plus draconienne pour accueillir les cas les plus avancés, ce qui paraît logique, quitte à se limiter au confinement, en principe sécurisé, des personnes les plus vulnérables dans des établissements eux-aussi en sous-effectifs notoires, car la plupart privés et répondant à des exigences de profits pour leurs propriétaires.

Pas de coming out
Macron découvrirait-il la notion de solidarité, voire de « socialisme », comme Sarkozy en 2008, (c’était pour sauver les banques) ?  Aujourd’hui il s’agit de faire face à des obligations sanitaires, en présence d’une épidémie qui atteint n’importe qui, même les premiers de cordée. « Quel qu’en soit le coût » !  a-t-il dit ! C’est nouveau, non ? Ce qui veut dire que l’État assure les pertes de chiffres d’affaires et même de salaires ! Et celles et ceux qui n’en  ont pas ? Revirement ? Rien n’est moins sûr. Trop heureux d’être dans le rôle du président qui prône « l’union sacrée contre le virus » et qui prend des airs « progressistes » à 48 h des municipales…
Il n’en est pas à reconnaître l’incapacité du système libéral à préserver la société dans son entier contre les aléas sanitaires et sociaux, non, ses choix creusent les inégalités sociales.
Mais il se veut pragmatique et donner l’impression qu’il domine le sacro-saint « marché », du moins pour un temps.

La situation présente aussi l’avantage, pour le pouvoir, de voir passer la situation sociale et politique à l’arrière-plan : 49-3, mécontentement généralisé en sourdine, pas de rassemblements, incidence sur les municipales, suspension de la vente des ADP…pas des retraites…

Quant à sa capacité d’influer sur les autres pays d’Europe, on est en droit d’être très sceptiques. Encore plus dans ses rapports avec Trump qui vient de suspendre tous les vols en direction de l’Europe -et inversement- sauf avec la Grande-Bretagne !! Le message est limpide et l’influence de Macron sur Trump un conte de fées.

On vit une crise plus fondamentale de la suraccumulation du capital, matériel et financier en même temps que la croissance recule et ce, bien avant que l’on ne parle du coronavirus. Sur le fond, c’est le besoin d’une maîtrise de la mondialisation qui se pose, sur de tout autres principes, de coopération et de partage dont on ne peut se passer. Et qui vise le développement des biens communs – emploi, santé, environnement – et non le profit. Bref, l’Humain et la planète d’abord contre la loi du capital.

Notre système de santé publique a cruellement besoin, aujourd’hui, des moyens qu’on lui a retiré au fil des ans au nom de la « rationalité » de sa gestion comptable, pour ne pas dire « rentabilité », comme s’il s’agissait d’une entreprise privée dont la qualité se mesure en taux de profit pour ses actionnaires.

Cet objectif vaut pour l’ensemble de nos services publics bradés au privé. Le moment est propice pour remettre en question les politiques d’austérité imposées au peuple qui ne peuvent qu’aggraver les inégalités et alimenter les sur-profits d’une infime minorité.

Chacun est conscient que des dispositions immédiates et proportionnées sont nécessaires pour ralentir la progression du virus. Elles s’ajoutent aux menaces qui pèsent sur nos économies. Encore faut-il vérifier que les masses d’argent -gratuit ou presque- que les banques centrales s’apprêtent à mettre dans le circuit sans aucune condition d’affectation aillent bien dans l’économie « réelle ».

René Fredon

 

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